L’avenir se joue dans les quartiers pauvres Enregistrer au format PDF

Mercredi 2 novembre 2022 — Dernier ajout lundi 27 février 2023

Dans ma nouvelle délégation du grand projet urbain, j’ai pris le temps de découvrir les écrits de plusieurs acteurs de la rénovation urbaine. Le rapport publié en juin 2022 par l’institut Montaigne et signé par le président de l’époque Olivier Klein m’a surpris. Et comme l’auteur est devenu… Ministre de la politique de la ville…

Je connaissais de nom cet institut dirigé par un grand patron, Claude Bébéar, ancien dirigeant d’AXA qui travaille depuis des décennies pour privatiser la SECU au profit… d’AXA bien sûr, un institut dont tout le monde dit qu’il est le « think tank » d’Emmanuel Macron.

Pourtant, ce rapport sur la rénovation urbaine à un titre choc « l’avenir se joue dans les quartiers pauvres ». Je suis totalement d’accord. Les quartiers dits « prioritaires » ne sont pas « en dehors » de la France comme des endroits malades qu’il faudrait soigner. Ils sont au contraire le révélateur de la France telle qu’elle est en réalité, inégale, injuste, violente. Et c’est en menant une politique à la hauteur des défis de ces quartiers, qu’on est conduit à se demander comment retrouver une France de l’égalité et de la fraternité…

Au-delà du titre, le rapport contient des constats et des propositions fortes et on peut se demander comment l’auteur devenu ministre va faire pour défendre ses idées d’hier ou.. les abandonner.

Il me parait donc utile de les faire connaitre, en attendant des annonces gouvernementales sur la rénovation urbaine.. qui tardent… En tout cas, le ministre n’a pas utilisé sa présence au congrès HLM pour annoncer qu’il allait faire ce qu’il disait quand il n’était pas ministre..

Petit rappel. Dans son rapport, il disait notamment L’ensemble de ces propositions représente un coût total de 300 millions d’euros en investissement, et 2 milliards d’euros annuels en fonctionnement pour compenser le sous-investissement public dans ces quartiers.

chiche !

Extraits du rapport

Depuis plus de 30 ans la pauvreté, les flux migratoires et les difficultés économiques sont concentrés dans quelques territoires. L’on semble s’accommoder d’une situation où certains intérêts particuliers l’emportent sur l’intérêt général. Au fil des décennies, et malgré les progrès permis par la politique de la ville, la situation ne semble pas s’améliorer. Au contraire, la concentration de la pauvreté et des difficultés s’accroît, faisant courir le risque d’une « archipélisation » de notre pays. [1]

De même, le département de la Seine-Saint-Denis est le huitième contributeur au financement de la protection sociale alors qu’il est le département le plus pauvre de France… et qu’il en est le dernier bénéficiaire. Tout aussi notable est l’apport de ces territoires au dynamisme économique national. La Seine-Saint-Denis est, par exemple, le territoire qui a créé le plus de richesse pour ses salariés comme en témoigne l’augmentation de la masse salariale globale de près de 30 % en dix ans [2]

« l’ANRU » des habitants se nourrira d’abord d’une gouvernance renouvelée, associant habitants et pouvoirs publics. Tel doit être la finalité des réformes à venir. La refonte de la gouvernance, fondée sur une plus grande horizontalité des échanges, devra s’accompagner de la mise en place des moyens financiers et de l’ingénierie adéquats, pour sortir de la situation de sous-investissement public chronique installée depuis plusieurs décennies. [3]

Témoignages d’habitants

Redonner un avenir aux quartiers pauvres Qu’est-ce qui pourrait améliorer votre vie au quotidien dans le quartier ? « Que les pouvoirs publics s’intéressent plus à lui. Pour écouter ce que les gens ont à dire. »

Jeune mère de famille monoparentale en quartier métropolitain

« J’ai une voisine avec qui je m’arrange pour garder mon fils, c’est le point positif qu’on trouve dans les quartiers populaires. Si je finis plus tard, si j’ai un souci, au moins je sais que quelqu’un peut récupérer mon fils si je ne rentre pas à temps. »

Jeune mère de famille monoparentale en quartier métropolitain

Qu’est-ce qu’on pourrait mettre en place pour améliorer la scolarité de vos enfants ? « Des profs plus présents, et des remplacements rapides en cas d’absence. Je parle pour ma fille là. Je sais qu’ils ont un niveau inférieur dans le 93, et quand on a des profs non remplacés, ça ne fait que creuser ce retard. Ce n’est pas si souvent mais ça arrive, et surtout pour les matières principales. Il faudrait proposer quelque chose comme des cours à distance pour éviter que les élèves ne prennent du retard. »

Jeune mère de famille monoparentale en quartier métropolitain

J’ai arrêté au niveau du bac, j’ai trouvé du travail à cette époque donc j’ai pas été jusqu’au bout j’ai même pas passé le bac, j’étais en bac pro plomberie. J’ai pas de regret car tous ceux de ma classe qui ont eu le bac, aucun n’est devenu plombier, c’est incroyable."

Jeune homme en quartier post-industriel

"On peut faire quoi pour améliorer l’aspect santé du quartier ? Aller à la rencontre des gens peut-être car des gens ne veulent pas se faire soigner."

Jeune mère de famille monoparentale en quartier métropolitain

Le sport c’est ce qui aide les jeunes à s’en sortir, c’est ce qui leur permet de ne pas rester sans rien faire. Pour moi le sport ça empêche les gens de faire des bêtises justement. Dans certains quartiers où il n’y a pas de sport, les jeunes se mettent à fumer alors que si on se met au sport on ne va pas tomber là-dedans, on ne tombera pas dans la drogue. On reste loin de tout ça, ça protège".

Jeune homme en quartier post-industriel

Le sport peut être un puissant levier d’insertion et de remobilisation vers l’emploi pour les jeunes en QPV. Il convient de remédier au déficit d’infrastructures sportives, bien qu’en cours d’amélioration, et de renforcer les liens entre sport et insertion professionnelle.

« Moi j’ai ma carte mais sinon une place de cinéma c’est très cher, on ne peut pas y aller tous les jours. faudrait diminuer les prix. Un cinéma, c’est 13€, un spectacle entre 18 et 20€. C’est cher ».

Retraité en quartier excentré

« La culture il n’y a rien, il faut prendre le tram au centre-ville ».

Retraité en quartier excentré

« Je ne participe pas à la vie du quartier, je m’y intéresse mais je ne participe pas. Parce que je n’ai pas envie, je préfère rester chez moi. Quand je n’ai pas mes enfants je préfère aller ailleurs, voir des amis dans Paris ou partir en week-end ».

Jeune mère de famille monoparentale en quartier métropolitain

« Je participais aux réunions, c’était justement lors de ces réunions qu’ils parlaient des difficultés au niveau de la circulation pour les résidents, ils ont refait un rond-point, ils ont planté des arbres et des fleurs, ils ont végétalisé le quartier. Mais il y a eu un changement de président, donc ça s’était un peu arrêté, et j’ai un peu abandonné ».

Retraité en quartier excentré

Je pense qu’il faudrait remettre un gardien pour faire régner l’ordre dans les résidences HLM, les poubelles, la saleté, le bruit. La Ville a annoncé dernièrement qu’ils allaient expulser les dealers des logements, ça ne va pas se faire d’un coup de baguette magique. Il y a trop de choses à faire. On a fait une sorte de visioconférence et chacun a dit ce qui n’allait pas, il y a eu une synthèse. Et moi je pense qu’on devrait remettre des gardiens. Ce serait bénéfique. Des gens l’ont demandé, avant il y en avait partout".

Retraité en quartier excentré.

« Depuis un an et demi, ça a changé. Il y a des jeunes qui se sont mis à traîner. Ils venaient d’ailleurs. Ils se sont mis à dégrader l’immeuble et l’image du quartier. C’était super tendu avec la police. Il y avait du deal, des colis ont été volés car ils avaient forcé les boîtes aux lettres. Ils avaient mis un canapé, tourné des clips, il y avait des chiens dangereux. Ils buvaient, ils parlaient forts, ils n’étaient pas respectueux des habitants. C’était très tendu, il y avait souvent la police, il y avait des jeunes dans l’immeuble, des chiens. Tout ce qu’on voit à la télé. On n’avait jamais connu ça avant. Je pense que la police a fait pas mal de choses, et puis il y avait pas mal d’embrouilles entre les habitants et les jeunes ».

Jeune mère de famille monoparentale en quartier métropolitain

[1Résumé du rapport, page 1, colonne 1, 4e paragraphe

[2Résumé du rapport, page 1, colonne 2

[3Résumé du rapport, page 2, colonne 1, dernier paragraphe

Voir en ligne : sur le site de l’institut montaigne

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