A lire sur Blog Vénissian de Pierre-Alain Millet

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La mixité sociale ? un essai de critique argumentée

Publié le : 10 novembre 2021

Les envois de la lettre ayant été interrompu depuis la rentrée, je me permets de vous signaler cet article en trois parties. J’ai essayé d’expliquer de manière argumentée pourquoi un certain discours de la mixité sociale peut être un piège pour défendre le droit au logement. Je serai heureux d’avoir vos réactions à ce travail.

La mixité sociale : diviser pour mieux régner ? (1/3)

La mixité sociale est un thème à la mode. Il faudrait faire partir les plus en difficulté des quartiers difficiles et y construire des logements en accession pour des plus riches. Il faudrait faire partir les collégiens pour les "sortir des quartiers". Des médias multiplient les articles qui répètent tous la même chose sur la "mixité sociale", sans jamais critiquer cette idée vague, sans s’interroger sur le caractère souvent très politicien de certaines déclarations.

- Car faut-il quitter les quartiers parce qu’il y a trop de violences ? Mais si la vie dans les quartiers populaires est difficile, violences, trafics et incivilités se retrouvent dans toutes les villes, même des villes centre. A Lyon, les rodéos sont aux terreaux et les trafics à la Guillotière. Pire que dans beaucoup de quartiers des Minguettes !
- Faut-il alors quitter les quartiers parce qu’il y a trop de "pauvres" ? Mais que faut-il proposer aux milieux populaires ? quitter leur quartier pour se retrouver au milieu des riches ? ou sortir de la pauvreté ?
- Ou peut-être faut-il quitter les quartiers parce qu’il y a trop d’immigrés ? Les idées racistes auraient donc une base légitime et il faudrait des "quotas", des "seuils"... ?
- Ou encore faut-il quitter les quartiers pour que ses ses enfants réussissent à l’école ? Comme si un fils d’ouvrier avait autant de chance qu’un fils de cadre supérieur s’il est dans la même école ?

Pour ne pas poser ces questions qui fâchent, certains cherchent des boucs émissaires. On les connait, l’immigration, la religion. Derrière son apparence progressiste, le discours de la mixité sociale est une forme "soft" de cette dérive. En gros, il y aurait trop de personnes pauvres ou immigrées concentrées et il faudrait "mélanger". Mais au fait ; est-ce que ce sont les quartiers populaires qui refusent d’accueillir des riches ou au contraire, les quartiers de riches qui refusent d’accueillir des plus pauvres ! Qui refuse la « mixité sociale » ?

Pour les collèges, peut-on sérieusement proposer que des milliers d’élèves de quartiers populaires partent ailleurs ? Ça ne peut être bien sûr qu’une petit nombre. Que sont alors ceux qui sont restés dans le quartier ? les dindons de la farce ? Et qui peut croire que des centaines d’ados de quartiers aisés viendraient dans un collège de quartier populaire ?

On connait tous le phénomène appelé "évitement scolaire" de familles qui se débrouillent pour envoyer leurs enfants ailleurs, dans le privé, ou en demandant des options qui n’existent que dans certains lycées. Faut-il "institutionnaliser" ce qui est en fait une ségrégation entre ceux qui "évitent" et les autres ?

Non, bien sûr ! L’urgence, c’est de donner aux collèges des quartiers populaires les moyens de permettre à chaque enfant de trouver son chemin de réussite, des moyens beaucoup plus importants pour accompagner ceux qui posent problème, ceux qui amènent au collège la violence de la société, et pour ceux-là, trouver des solutions d’éloignement quand c’est nécessaire. Et commençons par valoriser tous les enfants des quartiers qui réussissent, dans les études, le sport, la culture, les métiers... ils sont des milliers ! De toute façon, ce n’est pas l’école qui peut résoudre les problèmes de la société. Ce n’est pas l’école qui peut faire de la "mixité sociale".

Pour sortir de toutes les ségrégations, nous n’avons pas besoin d’une "mixité" qui tempère les inégalités, mais d’une autre société qui vise à supprimer la pauvreté, à réduire fortement les inégalités, une société avec l’ambition de construire l’unité de tout le peuple, ce qui suppose d’imposer l’intérêt général aux plus riches, une société avec des logements diversifiés pour tous partout, une société qui lutte contre les inégalités, pour les droits des familles populaires, les droits des jeunes, de tous les jeunes ! Créons des emplois et augmentons les salaires, et on trouvera de la "mixité sociale" dans toutes les villes !

Ce n’est malheureusement pas, le plus souvent, le projet des promoteurs de la "mixité sociale" ! Les politiques qui en parlent ne veulent pas affronter les causes réelles des inégalités. Il faut leur répondre avec détermination.

C’est ce que je tente de faire avec cet article en trois parties :
- la deuxième traitera plus spécifiquement du logement : Mixité sociale : il faut mélanger les pauvres et les riches ?
- la troisième abordera la question de l’école et de la carte scolaire ; Dans l’éducation, compenser les inégalités ou les rendre invisibles ?

Ceux qui défendent les quartiers populaires, les milieux populaires, ceux qui défendent l’école publique pour donner à tous les jeunes la possibilité de se construire ne doivent pas se faire piéger dans les discours de la mixité sociale.
- La première urgence est de faire reculer les trafics et les violences de la rue. Depuis des années, les discours gouvernementaux se multiplient, chaque ministre de l’intérieur y allant de son plan annonçant des renforts de policier, pourtant, nous n’avons toujours pas retrouvé le nombre de policier de 2007 avant les 13 000 suppressions de poste de Sarkozy ! Il faut des moyens décuplés et coordonnés pour la police, la justice, la prévention, le fisc, les douanes...
- La deuxième urgence est de renforcer les luttes sociales contre les inégalités, à la fois en se battant pour les droits sociaux, pour l’emploi et les salaires, et en mettant en cause les privilèges de la richesse, des oligarchies économiques.
- La troisième urgence est de donner plus de moyens aux services publics là où ils font face le plus aux conséquences des inégalités de la société. Oui, il faut plus de moyens publics pour les quartiers prioritaires, pour les services sociaux, plus de moyens pour l’éducation nationale [1]...

Rappelons que l’état ne donne que 1,2 Milliards des 12 milliards de la rénovation urbaine, le reste étant payé principalement par les cotisations logement des salariés. Pourtant il trouve chaque année des dizaines de milliards pour les grandes entreprises, sans compter les milliards d’aides exceptionnelles de la crise sanitaire.



[1et pas seulement à Marseille, et pas que pour les batiments !