A lire sur Blog Vénissian de Pierre-Alain Millet

Cet email ne s’affiche pas correctement ?
Voir cette Infolettre dans votre navigateur.


Quelle métropole politique en 2020 ? Etude des potentiels électoraux

Publié le : 20 septembre 2019

2020, bousculer les droites pour créer la surprise !

L’élection métropolitaine de 2020 est inédite. Pour la première fois, et seulement dans l’agglomération lyonnaise, les électeurs vont voter non seulement pour leur maire, mais aussi, dans un deuxième bureau de vote, pour des candidats au conseil de métropole du Grand Lyon.

Si les annonces de candidatures et les postures sont nombreuses, l’incertitude domine. La majorité actuelle de la métropole est une construction historique au centre, dont Gérard Collomb a réussi a prendre la tête après Raymond Barre, au nom du parti socialiste mais en rassemblant très largement le centre, le centre-droit et même une partie de la droite. Il suffit de se souvenir qu’en 2014, la vague à droite qui a fait perdre au parti socialiste et au parti communiste plusieurs villes de l’agglomération n’a pas eu d’effet sur la majorité métropolitaine.

Mais depuis, la "recomposition politique" impulsée par Macron a fait exploser le parti socialiste dans une gauche émiettée et affaiblie, puis a fait exploser la droite, déjà historiquement menacée par l’extrême-droite mais désormais éclatée en pour ou contre Macron...

Sauf que après une première année arrogante, jupitérienne disent les médias, les difficultés se sont accumulées pour LREM, scandales, gilets jaunes, divisions, et l’approche des élections locales révèle à quel point ce "nouveau monde" ne changeait rien, lutte des places, attentisme, politicailleries.. la gueguerre Collomb-Kimelfeld est illustrative. Et le président a prudemment décidé de reporter la réforme des retraites après les élections...

Cela dit, tout le monde sait que l’élection métropolitaine sera influencée par l’élection municipale. Les citoyens électeurs élisent d’abord un maire, le seul élu qui reste apprécié d’une majorité d’habitants malgré la profondeur de la crise de confiance envers la politique et les institutions.

On peut donc partir de la réalité municipale actuelle pour tenter d’évaluer le potentiel électoral des différentes forces politiques pour l’élection métropolitaine. Un travail qui n’est pas une prévision, mais qui peut éclairer les enjeux de cette élection nouvelle.

Cet article propose donc une évaluation du potentiel électoral 2020 des principales listes possibles, à partir de l’analyse des résultats par commune des élections de 2014, des législatives de 2017 et des européennes de 2019. Ces résultats sont cumulés par circonscription métropolitaine, permettant d’évaluer les listes capables d’être en tête, et donc d’emporter la majorité des élus [1].

Le premier objectif est d’évaluer l’impact de la création de LREM sur la répartition des listes municipales « de gauche » de 2014, sachant que beaucoup des élus "socialistes" de 2014 sont aujourd’hui LREM...

Bien sûr, il peut y avoir des glissements politiques plus globaux liés au caractère national de l’élection, rejet de Macron ? poussée à droite ? poussée de l’extrême-droite ? Cette évaluation ne tient pas compte non plus de l’existence des listes, des personnalités. Les résultat sont donc uniquement un "potentiel" électoral.

Le potentiel à gauche est évalué selon trois configurations, liste de gauche sans le PS et les verts, puis avec le PS, puis avec les verts.

Elle montre que l’élection est très incertaine ! Mais donc que la bataille vaut le coup, car il est possible de créer la surprise.

Les principes utilisés sont les suivants
- l’extrême-droite est supposée évoluant sous la poussée de son score des européennes, son potentiel est évalué comme une moyenne de son résultat de 2014 et de son résultat de 2019.
- la gauche totalisée de 2014 (y compris les verts ou liste dissidentes) est répartie pour 2020 selon les résultats de 2017 et 2019 en tenant compte de l’élection qui peut le mieux montrer son rapport de forces interne
— Pour la gauche sans PS ni verts, on prend le poids cumulé PC et FI de 2017 dans la gauche de 2017. C’est en effet la première élection ou l’opposition "gauche radicale"/"gauche socialiste" se mesure le plus clairement
— Pour le PS on considère comme potentiel son poids dans les européennes de 2019
— Pour les verts, on fait la moyenne de leurs résultats de 2017 et 2019. Malgré les effets de manche de beaucoup de dirigeants verts et la poursuite de la campagne médiatique pour le climat qui contribue évidemment à leur présence, on sait que l’élection européenne est toujours un maximum pour eux. Ce n’est bien sûr pas une prévision, mais simplement un potentiel raisonnable. La campagne, les personnalités, les évènements politiques peuvent évidemment conduire à un résultat inférieur ou supérieur.
— Le total des voix de gauche 2014 répartie ainsi entre gauche radicale, socialiste et verts ne représente que 80 % de son score, le reste est donc supposé être passé à LREM.
- Pour LREM ou les listes qui sans en utiliser le sigle seront dirigées par ceux qui ont fait les campagnes 2017 et 2019 de LREM, on prend leur résultat aux européennes, qui sont la seule élection nationale avec un vote clair pour ce mouvement, les élections de 2017 étaient encore marquées par la confusion PS-En marche.
- pour la droite, on prend leur résultat de 2014 pondéré réduit d’une part du résultat de EM qui vient de la droite... c’est le point le plus incertain, mais il montre à quel point la majorité métropolitaine est potentiellement... à droite.

Le total fait une participation un peu plus forte que 2014, c’est la logique d’une évaluation de « potentiel ». C’est la campagne qui dira si les candidats ont su mobiliser ce potentiel électoral ou pas…

La figure ci-dessous image ce raisonnement de potentiel politique. Elle propose une répartition des voix totale de la métropole en montrant la répartition 2014 et sa transformation potentielle en 2020 [2] .

Le résultat du tableau ci-dessous en % des exprimés est obtenu à partir des résultats en voix issus du site data.gouv.fr. Les résultats de Lyon sont détaillés par bureau de vote pour reconstituer les circonscriptions métropolitaines qui partagent le 3eme arrondissement entre Lyon Sud et Lyon Sud-Est. Le tableau de calcul est disponible sur demande.

Circonscription Gauche Sans PS ni verts Gauche Sans Verts Verts En Marche Droite Extreme-droite
Lônes et Coteaux 12% 20% 6% 21% 45% 9%
Lyon Centre 11% 29% 11% 27% 23% 9%
Lyon Est 13% 30% 10% 26% 20% 13%
Lyon Nord 8% 22% 7% 30% 31% 10%
Lyon Sud 17% 34% 13% 22% 18% 13%
Lyon Sud Est 15% 31% 10% 22% 17% 19%
Lyon-Ouest 13% 30% 10% 26% 21% 13%
Ouest 5% 16% 5% 30% 46% 3%
Plateau Nord-Caluire 9% 20% 7% 25% 43% 6%
Porte des Alpes 14% 27% 8% 21% 29% 15%
Portes du Sud 27% 39% 8% 17% 26% 11%
Rhône Amont 14% 24% 6% 18% 45% 7%
Val de Saône 2% 5% 2% 29% 64% 0%
Villeurbanne 18% 37% 12% 23% 11% 17%

Et cela donne la coloration politique suivante du conseil de métropole, sans tenir compte des alliances possibles à droite, avec seulement deux configurations
- une alliance gauche-vert, qui donne alors une majorité potentielle au conseil de métropole, une surprise !
- une alliance verts-en marche, qui est possible si on écoute les dirigeants des verts, et qui serait la condition pour sauver la majorité en marche actuelle...

On peut s’étonner d’un résultat surprenant, LREM n’est presque jamais en tête. Ce n’est que la traduction que la majorité actuelle est bien une construction politique gauche-droite, le laboratoire de la macronie [3]. Car si la droite est en tête dans les circonscriptions de l’ouest lyonnais, le premier vice-président de la métropole, Marc Grivel, maire d’une commune qui avait donné 50% à François Fillon au premier tour des présidentielles, commune très marquée à droite donc, participe pourtant à la campagne électorale en marche ! Ce tableau ne tient pas compte de ces alliances et des personnalités, il se contente de prolonger les tendances électorales à partir des dernières municipales... Ce sont les forces politiques qui décident des alliances, et les électeurs ne peuvent que suivre...

Les cartes suivantes montrent la couleur de la liste qui peut arriver en tête dans chaque circonscription (bleu pour la droite, orange pour LREM, rose pour la gauche dirigée par le PS, rose soutenu pour une gauche plus diverse, rouge pour une gauche dirigée par PC-FI, gris quand l’incertitude domine...)

Liste en tête par circonscriptions dans le cas d’une alliance Gauche-Verts.

L’alliance gauche-vert fait basculer Lyon à gauche

Liste en tête par circonscriptions dans le cas d’une alliance Verts-En marche.

L’alliance Vert-en marche permet à LREM de conserver Lyon, et donc la métropole.

La conclusion est claire. On peut penser que l’alliance en marche-droite se poursuivra, donc que beaucoup de "bleu" deviendra "orange"... mais cela n’est suffisant pour maintenir la majorité actuelle, qu’à une condition, le soutien des verts [4]. Ceux-ci ont donc un choix cornélien ! Suivre la majorité de leurs électeurs et s’engager clairement pour une autre métropole, ou suivre leurs élus sortants qui souhaitent poursuivre leur travail, en se cachant derrière le vieux slogan "la gauche et la droite c’est dépassé !" [5] ?



[1comme pour les municipales, l’élection est à prime majoritaire, et une liste arrivée en tête au deuxième tour avec 40% obtient les 3/4 des sièges...

[2les proportions correspondent aux données à l’échelle métropolitaine

[3le père de ce laboratoire doit être bien furieux de voir son enfant lui tourner le dos...

[4si le PS tient bien jusqu’où bout son engagement à refuser tout accord avec en marche, ce dont on peut douter pour les maires sortants socialistes qui feront les compte au soir du premier tour

[5Le FN avait tenté le "ni gauche ni droite, Macron nous a fait le "et gauche et droite en même temps", et les verts tentent aujourd’hui le "plus de gauche, plus de droite".... une vieillerie idéologique qui ne résiste pas longtemps aux luttes sociales...