Conseil de métropole des 11-12 décembre 2023

Pour une politique de la ville renforcée au service des quartiers populaires Enregistrer au format PDF

2023-2045 - Contrat de ville métropolitain – Financement de l’ingénierie nécessaire à la politique de la ville
Mardi 12 décembre 2023

Monsieur le président, chers collègues

nous évoquerons dans un voeu l’anniversaire de la marche pour l’égalité de 1983, moment important pour cette politique de la ville qui veut je cite l’ANCT, réduire les écarts de développement au sein des villes, restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers les plus pauvres et améliorer les conditions de vie de leurs habitants, qui subissent un chômage et un décrochage scolaire plus élevés qu’ailleurs, et des difficultés d’accès aux services et aux soins, notamment.

Cette délibération finance les postes de directeur de projet et chargés de mission qui sont pris en charge à 45% par les communes, 38% par la métropole et 16% par l’état, un peu de plus de 100 personnes qui portent à la fois les 24 projets de rénovation urbaine et les milliers d’actions sociales développées dans les quartiers prioritaires.

Elle n’a de sens qu’au service de tous ces projets, et notamment de ce que doit permettre le contrat de ville en renouvellement. Ce sera l’objet de notre intervention.

L’ambition affichée par l’ANCT ne peut pas n’être que celle de la politique de la ville, ce serait une impasse. Ses 600 millions 2023 représentent 0,1% des 600 milliards de crédits de paiement de l’état, 3,3% de la mission cohésion des territoires… Ce n’est pas la cause des 164 milliards du déficit abyssal de l’état.

Non, l’ensemble des politiques de l’éducation, la culture, la police et la justice, la santé, l’alimentation, la solidarité, le sport… doivent avoir pour objectif de réduire les inégalités et de restaurer l’égalité républicaine. Ce qu’on appelle le droit commun.

Or, un habitant des quartiers dits prioritaires, consomme moins d’argent public qu’un CSP+ des quartiers aisés ! Il y a des études savantes d’économistes qui le montre, mais permettez-moi un exemple simple, le financement public des places en crèche. L’accueil d’un enfant des quartiers coute en moyenne autant par jour que celui d’un enfant de CSP+. Sauf que ce dernier mettra son enfant 5 jours par semaine à la crèche, quand les familles populaires se répartiront la semaine entre parents et grands-parents, n’utilisant la crèche que quelques jours ou demi-journées. C’est ainsi qu’un berceau en crèche accueille en moyenne 3 enfants. En fait, 4 enfants ou plus de milieux populaires, et un de milieu aisé… En imposant la facturation à l’heure et les pointeuses, la CAF a contribué en fait à aggraver les inégalités.

On pourrait multiplier les exemples, mais permettez-moi un raccourci. Nous devons faire beaucoup d’effort pour repérer le non accès au droit chez les pauvres, quand les plus riches font tout pour bénéficier de la moindre aide publique, notamment fiscale ! Beaucoup de chefs d’entreprise font tout pour des subventions ou exonérations, avant d’aller dénoncer dans les médias les dépenses publiques… pour les pauvres ! [1]

Oui, la première mesure de la politique de la ville, c’est de mobiliser tout le droit commun, et nous savons que le vice-président Renaud Payre a organisé pour cela un travail transversal avec toutes les directions de la métropole pour les impliquer dans le futur contrat de ville.

Dans un monde idéal, le budget de l’état pourrait être massivement territorialisé pour en évaluer l’impact local. Certains diront que c’est impossible, ce n’est pourtant pas très différent de l’ambition du budget vert qui chercher à associer chaque dépense à son impact environnemental, positif ou négatif, et qui parait-il pourrait s’imposer à notre collectivité.

Résumons ce premier point, la visibilité et la lisibilité du droit commun dans tous les quartiers est le premier enjeu de la politique de la ville.

Mais cela ne veut pas dire que les financements de la politique de la ville seraient inutiles, ce qu’on a entendu après les émeutes de l’été, parfois dans le mépris, « Donnez leur des millions, et ils brulent tout ! », parfois de manière plus posée, mais toujours avec l’idée que… la politique de la ville coute cher et elle est inefficace.

C’est un contresens total de ceux qui ne connaissent pas les quartiers populaires. Car les premières victimes des émeutes urbaines sont bien les habitants des quartiers dont l’immense majorité ont tout fait pour protéger leurs quelques biens, voitures, poubelles, et leurs équipements publics. Les familles populaires des quartiers sont les premières à être en colère devant l’impact des trafics qu’on voit dans nos quartiers, mais qui sont organisés d’ailleurs, dans des réseaux internationaux dont les décideurs et les banquiers sont dans les villes aisées et les pays peu regardants fiscalement. Et il n’y aurait pas de trafics sans clients qui eux sont partout, et dont je répète qu’ils n’ont qu’à organiser le trafic chez eux, plutôt que de venir contribuer à pourrir un quartier qu’ils méprisent.

Oui, les trafics ont un impact terrible et ont joué un rôle important dans le financement des violences cet été. Mais ces quartiers sont aussi des quartiers de créativité, de qualité humaine, de réussites scolaires, professionnelles, culturelles, sportives, scientifiques. Et il faut connaitre la multitude d’actions rendues possibles par la politique de la ville pour comprendre à quel point elle est essentielle pour faire grandir le meilleur. Il faut avoir vu de la danse contemporaine dans une cour d’immeuble et se dire que des gamins de quartier émerveillés en auront peut-être construit un rêve. Il faut avoir vu le film Divertimento, assister à la découverte de musique symphonique dans un quartier, avoir vu un gamin des minguettes sur la scène de l’opéra de Lyon chanter le chœur des gamins de Carmen pour comprendre que tout est possible pour eux, dès lors qu’on crée l’occasion. Il faut avoir vu ces jeunes des minguettes, excusez si je parle beaucoup de mon quartier, venir à la rencontre d’entreprises dans l’espace public et se dire que peut-être des métiers inconnus leur sont ouverts parcequ’un professionnel leur en parle avec passion et respect.

Oui, la politique de la ville est de toute première importance pour la république, pour combattre le séparatisme du chacun pour soi, de l’entre soi bourgeois de ces premiers de cordées d’où ne ruissellent que mépris et racisme.

Le comité interministériel des villes, enfin réuni fin octobre, a évoqué beaucoup d’actions concrètes et utiles qui se traduiront certainement dans nos contrats de villes, mais nous n’avons rien entendu à la hauteur de ce qu’attendent les habitants, les associations, les élus, tous les acteurs de la politique de la ville. Les actions pour lesquelles le financement a été annoncée sont loin des besoins ! Il y a urgence pour des centaines de jeunes en rupture, multi-exclus de collèges, en précarité familiale, proie des réseaux et de la violence de la rue.

C’est ce que nous voulions dire à l’occasion de cette délibération en soulignant, monsieur le président, qu’il faudra accompagner les nouveaux contrats de villes et la nouvelle géographie prioritaire. Nous avons bien noté que vous alliez maintenir une démarche métropolitaine en direction des anciens QVA. Il faudra aussi accompagner l’ensemble des outils de la politique de la ville, financer la programmation sociale et pas seulement les quartiers d’été, participer aux cités éducatives, et tenir compte que la GSUP est aujourd’hui principalement financé par les communes, compte tenu des réformes fiscales.

Oui, nous appelons à un renforcement étendu de la politique la ville !

[1ça provoque des réactions à droite, j’ai de nombreuses anecdotes issues de ma vie professionnelle sur le comportement de patrons face aux subventions publiques…

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