Conseil de la Métropole du 2 Mai 2016

les risques et la préhistoire humaine Enregistrer au format PDF

Intervention sur les délibérations concernant les risques technologiques
Mardi 3 mai 2016

Permettez-moi, monsieur le président, chers collègues de prendre un peu de recul à l’occasion de ces délibérations sur les risques en disant quelques mots sur la notion de risque et ce qu’elle révèle des conceptions politiques et des projets de société.

L’évaluation d’un risque révèle toujours des attitudes différentes par rapport à l’avenir, fataliste, idéaliste, opportuniste… Et les assureurs en ont fait leur métier.

Malgré tant d’éruptions volcaniques ou tsunamis depuis Pompéi, des hommes habitent des lieux dangereux. A la Faute sur mer, tous connaissaient les risques, pas que le maire, tous ceux qui voulaient leur maison dans un coin de paradis, et qui étaient prêt à tout pour cela…

Mais pourquoi parler de risques naturels à propos de risques technologiques ? Permettez-moi de rappeler un vieux débat entre Rousseau et Voltaire, Voltaire fataliste affirmait qu’il fallait accepter les catastrophes naturelles, Rousseau progressiste lui répondait, un tremblement de terre dans le désert ne fait pas de morts, c’est la présence humaine qui le transforme en catastrophe, le risque est donc toujours social… Oui, Haiti en 2010 est un drame du sous-développement, d’un colonialisme destructeur, rien à voir avec une catastrophe naturelle.

Allons plus loin, si le soleil accélérait sa transformation en naine rouge menaçant la terre, serai-ce définitif ? Non, le grand pédagogue rêveur d’univers Hubert Reeves évoque l’hypothèse de déplacer la terre ! Il envisage même devant la mort entropique inéluctable de l’univers de déplacer des trous noirs…

Je me suis éloigné un instant, mais pour montrer que les risques ne sont pas dans les incroyables énergies des réalités physiques et naturelles, mais dans la capacité ou non de l’humanité à s’organiser, évaluer, réduire, prévenir et réparer. Il n’y a pas de risques technologiques, il n’y a que des risques de société. L’évaluation d’un risque et des mesures préventives ou correctives réduisant son impact sont toujours des décisions politiques.

Après la première grande contamination radionucléaire artificielle de l’histoire humaine, Hiroshima, la ville détruite et contaminée a été rendue habitable en 4 ans, avec de larges financements US qui réparaient moralement leur péché tout en ancrant le Japon dans l’alliance atlantique, et, le cynisme du capitalisme triomphant n’ayant pas de limites, en étudiant de près les conséquences de leur acte, dont je rappelle qu’il était totalement inutile au plan militaire dans une guerre mondiale finissante…

L’anniversaire de l’accident de Tchernobyl est l’occasion de débats vifs suite à l’article de la revue Nature évoquant une augmentation de la biodiversité dans la zone d’exclusion. Mais ils révèlent surtout pour moi l’impact de l’effondrement de l’URSS qui a suivi de près l’accident, de ses villages reconstruits laissés pour compte par la restauration capitaliste. Oui, la catastrophe est toujours sociale.

Noel Mamère, peu suspect de sympathie communiste, disait d’ailleurs après avoir dénoncé les risques nucléaires que le plus important était le refus du modèle de société que suppose un modèle énergétique avec nucléaire. Nous n’avons pas le même projet de société, mais voilà le vrai débat, non pas quelle société sans risques, mais quelle société pour maitriser les risques, quelle société tout court.

C’est pourquoi la démarche des PPRT est importante. Elle dit que nous pouvons maitriser des risques majeurs, si nous prenons les mesures nécessaires de réduction, de prévention, de protection. Nucléaire, chimie, pétrole, ce ne sont pas les techniques qu’il faut interroger, mais les organisations qui s’en servent.

Permettez-moi un exemple local. Ce ne sont ni la gare de Sibelin ni la raffinerie qu’il faut mettre en cause, mais bien l’organisation logistique entre elles, ce qui justifie notre réserve sur le PPRT de la vallée de la chimie.

Tout ce qui cache les logiques d’un système derrière le masque des risques, dits naturels ou dits technologiques, travaille en fait au profit du système.

Face aux risques, il y a le cynisme du capitalisme froid de l’assurance qui calcule ce qu’il peut faire payer pour couvrir ses clients et comment il doit se couvrir jusqu’à cet assureur en dernier ressort qu’est toujours l’état, c’est à dire la collectivité humaine ! Le capitalisme s’est toujours développé en reportant ainsi les risques sur les autres, et le socialisme réel a malheureusement joué trop souvent le mimétisme.

Ce n’est pas un hasard si nous parlons de « plans de prévention »…personne n’imaginerait parler de « marché de prévention », personne n’accepterait qu’on se limite à financer une assurance risque… Le plan, c’est à dire la décision politique d’orienter les ressources en fonction de l’intérêt général, est l’outil de la maitrise des risques, et donc plus généralement de la maitrise publique d’une société humaine complexe.

Cette démarche des PPRT nous montre qu’une autre voie de développement est possible, donnant au politique le rôle décisif pour orienter et contrôler le marché, et sortir enfin de cette préhistoire humaine qu’est le capitalisme.

Vos commentaires

  • Le 3 mai 2016 à 07:40, par Pierre-Alain En réponse à : les risques et la préhistoire humaine

    cette intervention venait après celle sur les poles de compétitivité, qui suivait elle-même celle sur l’insertion et l’intervention de Marie-christine Burricand…

    A chaque fois, un long commentaire de Gérard Collomb dénonçant notre discours, surtout en faisant référence à l’excellence de ses relations avec les dirigeants d’entreprises, et en rappelant l’échec de l’économie administrée et l’effondrement de l’URSS… comme si cet effondrement pouvait justifier les inégalités et le chômage qui meurtrissent nos quartiers…

    Mais le hasard a fait que j’ai pu ainsi lui répondre en fait en montrant sur ce dossier des risques voté à l’unanimité que le plan, et non pas le marché, avait bien des vertus… !!

    Je pourrai compléter d’ailleurs, car comme Lénine que Collomb se plait à citer parfois par provocation, nous savons que leplan ne fait pas tout. Lénine avait déja avec la NEP cherché comment associer plan et marché, les communistes chinois parlent eux d’un "socialisme de marché, et les cubains, ont ouvert une partie de l’économie locale au marché…

    Nous apprenons donc bien des échecs du socialisme réel, qui est encore à l’échelle de l’histoire dans son enfance…

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