Auschwitz, la mémoire indispensable aujourd’hui Enregistrer au format PDF

Voyage de mémoire avec les collégiens du Rhône
Jeudi 26 avril 2018 — Dernier ajout vendredi 27 avril 2018

Le voyage à Auschwitz des collégiens du Rhône est une tradition, organisé auparavant par le département, et depuis par la métropole et le département. [1]. C’est un impressionnant travail collectif d’enseignants d’histoire et de dizaines de collégiens, avec des personnalités ressources reconnues, qui préparent ce voyage mémoire au camp de concentration d’Auschwitz.

J’en connaissais l’importance et la réussite qui permettent depuis des années à des générations de collégiens de découvrir ce qu’a été la Shoah et de témoigner avec leurs mots, et j’ai été très heureux d’avoir la possibilité d’accompagner ce voyage avec deux collèges de Vénissieux, Aragon et Paul Eluard.

Je pensais surtout en le préparant à ce que les collégiens pouvaient en penser, mais à vrai dire, ce compte-rendu porte d’abord sur ma propre découverte d’Auschwitz, sur le choc de cet immense système économique et technologique mis en œuvre par les nazis pour tenter de détruire toute humanité de milliers de gens déportés de toute l’Europe, polonais, russes, hongrois notamment, principalement juifs et tziganes, mais aussi des « politiques », des résistants de toutes origines.

Chacun trouvera facilement l’histoire de ces camps, de leurs créations dès le début du régime nazi pour ses opposants puis très vite pour les juifs allemands, à leur extension pour la solution finale et la mort de millions de personnes, jusqu’au retour des survivants après la libération d’Auschwitz par l’armée rouge et la victoire des alliés.

La visite du camp est nécessairement une découverte partielle, mais qui pousse justement à mieux connaitre, à chercher à comprendre. J’espère que ce compte-rendu personnel convaincra ses lecteurs de l’impérieuse nécessité de faire connaitre la shoah et d’en tirer toutes les leçons pour identifier et combattre la renaissance de la bête immonde du fascisme, au moment ou on apprend que les plus grosses ventes de musiques en Allemagne venaient d’un groupe qui appelle dans un texte citant Auschwitz à un « nouvel holocauste »…

La découverte de Cracovie

Le voyage a commencé par la découverte de Cracovie et de son ancien quartier Juif, une ville où vivait un tiers de juifs avant la deuxième guerre mondiale.

cimetière juif du 19e siècle
c’est le « nouveau » cimetière juif, créé au 19e siècle,et bien sûr les familles ne sont plus là pour entretenir les tombes, même si ce cimetière est toujours utilisé par la petite communauté juive restante à Cracovie.
Le dragon de Cracovie
le voyage est bien sûr dominé par l’émotion et la mémoire de la Shoah, mais c’est aussi la découverte d’une ville, Cracovie, et de son histoire, dont la légende du dragon, dont un jeune cordonnier libéra la ville, avant d’épouser sa princesse…
Monument devant l’ancienne synagogue (liste des fusillés)
Liste de juifs fusillés en public sur un monument devant l’ancienne synagogue de Cracovie
Monument devant l’ancienne synagogue
Commémoration d’une exécution du 28 Octobre 1943
Ancien quartier juif en voie de « gentrification »…
Influence du tourisme… les restaurants gardent les recettes juives traditionnelles, mais ne sont pas cashers…
la place vide d’une mezuzah
la place vide de la mezuzah, symbole juif qui se place vers la porte de la maison… ce fut une maison habitée par une famille juive…
Une école ancienne de Kazimierz
Cracovie, contrairement à beaucoup d’autres villes polonaises, n’a pas été détruite par la guerre. Kazimierz était la ville nouvelle créée par le roi Kasimir pour mieux s’imposer face aux nobles. Il a libéralisé le commerce et le statut des juifs qui se sont donc installés dans ce qui allait devenir un quartier de Cracovie, le quartier juif.
Ancien quartier Juif
Ce quartier juif vidé de ses habitants par la guerre a été utilisé pour reloger des familles pauvres après guerre. Considéré comme un quartier mal famé, il est resté en l’état longtemps avant d’être transformé depuis peu par le tourisme et des artistes…
Ancien quartier Juif qui se transforme par le tourisme
Le site de l’ancien guetto
Le site de l’ancien guetto, en face du quartier juif historique, de l’autre coté de la vistule. A noter que le célèbre film « la liste de Schindler » a été tourné dans l’ancien quartier juif et pas dans le guetto
La place des chaises
La « la place des héros du ghetto » avec une œuvre de jeunes artistes, chacune des 65 chaises représente 1000 juifs disparus et regarde la fenêtre du pharmacien non juif qui avait obtenu de rester dans le guetto, officiellement pour éviter les épidémies, en vérité pour aider les familles juives, et témoigner de sa fenêtre…
c’est le printemps à cracovie…
La dernière porte des remparts historiques de la vieille ville de Cracovie

Deuxième journée, la découverte du camp Auschwitz I

Est-ce la crainte de l’émotion ? La première réaction est le questionnement d’une arrivée sur un site visiblement très visité, avec des dizaines de cars et un bâtiment d’accueil avec boutiques, on se demande comment considérer ce lieu comme un site touristique, et je m’interroge sur la manière de préparer un compte-rendu. Peut-on prendre des photos des traces de l’horreur ? J’entends un des professeurs de collège répéter des consignes en demandant justement à ses élèves de prendre des photos, de noter ce qui leur parait utile pour en parler plus tard….

arrivée des cars au camp d’auschwitz
Le premier contact sur le parking est gênant, un sentiment de tourisme avec des dizaines de cars, de groupes qui se rassemblent, une boutique de commerces… Mais tous les groupes sont accompagnés par des guides formés, et les circulations dans le camp restent discrètes et préservent l’émotion pour chacun. Au total, ce sont en une journée des centaines de personnes venues de toute la planète qui ont fait un travail de mémoire…

J’ai dans un premier temps un doute. La photo me semble dangereuse, avec le risque de voyeurisme. Ne faut-il pas surtout se souvenir et donc écrire pour partager ? Mais l’enseignant a raison. Les collégiens ont préparé cette visite, rencontré des personnalités, visité la prison MontLuc, le centre d’histoire de la résistance et de la déportation… Ils ont rédigé des compte-rendu de toute cette préparation, notamment de leurs rencontres avec Claude Bloch lycéen à La Martinière en 1944 et déporté, un des rares juif survivant, Jean Lévy, le président régional de l’association des Filles et fils de déportés juifs de France (FFDJF), qui connait bien Vénissieux et a joué un rôle important pour faire connaitre l’histoire du camp de Vénissieux, Jean Stern qui fut interné comme enfant juif au camp de Vénissieux et sauvé avec des centaines d’autres enfants, devenu ensuite prêtre catholique et qui organise de nombreuses visites des camps…

Il est évident qu’ils doivent continuer ce travail de mémoire et rendre compte de leur visite, et il faut donc bien des photos, même si le choix de ces photos et leur utilisation leur demandera un travail difficile. Mais Jean Levy me dira la qualité du dossier constitué par le professeur d’histoire de Paul Eluard et on peut donc leur faire confiance.

Arrivée au camp d’Auschwitz
Une question difficile, faut-il prendre des photos ? Comment ne pas être un « touriste » dans ce lieu de mémoire ?
Le camp à travers ses grilles qui étaient électrifiées
dans ce camp morne et sauvage, entourés de murs de fer…
L’administration nazie conserve tout…
Les arrivées de convois, des soldats souriants…
Un regard inquiet
chacun gère son émotion comme il peut, peu de discussions. S’il y a eu de premiers échanges après les visites, au retour, il faudra du temps et le travail des enseignants pour aider les collégiens à penser ce qu’ils ont vu.
Les enfants, les mères, les bébés…
La sélection est immédiate, et ceux qui ne peuvent travailler vont directement à la mort. Tout le problème des SS est de calmer les peurs, d’éviter les bousculades et bien sûr toute révolte.

Le camp a commencé dans des conditions terribles, les déportés devant construire eux-mêmes beaucoup de choses. Les premiers temps, ils dorment corps à corps sur de la paille, avant de construire progressivement des lits en bois superposés. Un élève surpris fait remarquer que ces lits semblent grand, mais chacun était fait pour 5 à 10 personnes et ce détail illustre le caractère concentrationnaire.

Progressivement, le système industriel de la mort se découvre et le plan général des camps, comme le plan d’une chambre à gaz et de ses fours crématoires montre que ce qui s’est passé ici n’est pas seulement des meurtres, pas seulement un génocide, mais un projet économique et politique global d’extermination. C’est vraiment le plan d’une usine de la mort, avec ses machines, ses outils, ses consommables, et ses déchets jusqu’aux cendres utilisées comme engrais dans les cultures voisines.

le plan des usines de la mort
Les bagages inutiles
Les SS font croire aux déportés qu’ils ont une chance et leur laisse leur bagages.. jusqu’à l’arrivée au camp… les affaires des juifs deviennent un « co-produit » de l’extermination, et remplissent les magasins du camp, qui sont aussi des commerces…
Le plan des chambres à gaz et crématoires de Birkanau
cette photo qui explique les restes que nous verrons à Birkanau explique l’expression « industrialisation de la mort » qui est vraiment la caractéristique de la solution finale décidée par les nazis et qu’on ne retrouve dans aucun autre génocide.
les boites de Zyclon
Les « consommables » de l’industrialisation de la mort… Il y a des usines chimiques qui font d’énormes profits derrière les camps…

Et le plus de un million de morts dans ces usines sont venues avec des valises, où on leur faisait écrire leur nom pour leur faire croire qu’ils les retrouveraient, alors que tous leurs bien allaient devenir un immense commerce.

Les valises des déportés
Il y avait pire que ces amas de valises avec les noms et les dates, dans une partie où les photos étaient interdites. Un amoncellement de cheveux, plusieurs tonnes, des déportés tondus avant le passage à la chambre à gaz, des queues de cheval, des tresses, et l’horreur des tissus que les nazis faisaient fabriquer pour les vendre comme un produit de luxe dans les élites allemandes…
Les chaussures des enfants
Comment exprimer la honte, la terreur, la haine qui peut surgir en pensant à ces soldats qui poussaient des enfants vers la machine de mort ?
Les photos des déportés polonais
Cette gestion administrative de la mort par les SS est terrible, tout est noté, la date d’arrivée, la date de la mort, l’origine…

Plusieurs élèves posent une question qui nous taraudent tous. Mais pourquoi les déportés acceptaient-ils d’avancer vers ces chambres à gaz, de se déshabiller, d’entrer dans ces chambres de la mort ? Les explications aident, les SS leur faisaient croire qu’après la « douche », il y aurait une suite, qu’ils retrouveraient leurs affaires, et les SS parfois sourient, accompagnent comme si tout était normal. Mais cela nous semble toujours incompréhensible. Il faut sans doute mieux faire connaitre les résistances, la solidarité qui même ici s’organise quand dans un baraquement, les détenus donnent tous une cuillère de leur soupe pour aider les plus faibles, quand ils arrivent à cacher de la nourriture, à entrer en contact avec la résistance polonaise à l’extérieur du camp, à transmettre des listes, jusqu’à ces photos que les « sonderscommandos » arrivent à transmettre comme preuve de l’holocauste.

D’ailleurs, il y a à l’intérieur du camp une « prison » pour ceux qui sont pris, un « tribunal » qui ne prend qu’une décision, la mort, avec exécution immédiate.

Le mur des fusillés après « condamnation »
On parle sans doute trop peu de la résistance dans les camps, mais il fallait aux SS une « police » interne au camp et un lieu d’exécution de ceux qui étaient sélectionnés pour le travail, mais n’avait pas respecté une règle interne, ou tout simplement était choisi pour l’exemple…
Le « tribunal » interne du camp…
Un jugement durait quelques minutes et ne se terminait que par une condamnation, la mort, parfois directement au pistolet dans ce « tribunal », parfois fusillé contre le mur voisin, parfois pendu par les bras dans le dos jusqu’à la mort

Les présentations de l’exposition française évoquent le rôle des déportés politiques dans l’organisation de cette résistance interne, dont Danielle Casanova. Il est évident que les militants de retour de la guerre d’Espagne, qui ont déjà connu la prison, la clandestinité, ont plus de capacités à tenter d’organiser quelque chose au milieu de cette terreur. C’est une des choses sans doute qu’il faudrait compléter pour mieux répondre aux questions « comment est-ce possible » ?

L’exposition Française dans un batiment du camp
Danielle Casanova, dirigeante communiste française

Et puis, il y a aura la libération, et la poursuite des dirigeants du camp, qui est là encore une longue histoire, mais avec un moment fort quand le commandant du camp sera retrouvé deux ans plus tard et pendu sur le site même.

Le lieu de l’exécution de Rudolph Hess
Rudolph Hess, le nazi commandant le camp, a réussi à se cacher quelques temps, mais a été pris et exécuté en 1947 sur les lieux mêmes de ses crimes

L’après-midi et la découverte de Auschwitz II Birkenau

C’est là que l’immensité du projet nazi vous prend à la gorge, que le caractère industriel démesuré se révèle. Je ne chanterai plus le chant des déportés sans ces images de l’immensité de birkenau, et notamment cette phrase « loin vers l’infini s’étendent.. » Car le camp semble infini, et les traces des baraquements détruits prolongeant cette voie ferrée qui semble s’y perdre renforce ce sentiment.

Auschwitz 2- Birkanau, l’immensité
Loin vers l’infini s’étendent, les grands prés marécageux
L’immensité de Birkanau
C’est ici que l’immensité de ces usines de la mort nous apparaît dans tout sa dimension. Une « ville » qui a atteint 90 000 déportés, principalement adultes, autant dire, presqu’une ville de la taille de Villeurbanne, concentré sur 120ha…
L’immensité du camp
Loin vers l’infini s’étendent, les grands prés marécageux Pas un seul oiseau ne chante, dans ces arbres secs et creux

Cette dimensions se retrouve dans l’organisation du camp, des toilettes collectives conçues pour déshumaniser, mais qui deviennent un lieu que les déportés appelleront « radio » car c’est l’endroit où ils peuvent se parler

Les toilettes déshumanisantes, et pourtant…
Que faut-il montrer, ne pas montrer ? Il y a des indications dans chaque lieu avec parfois l’interdiction de photos, mais ce n’est pas qu’une question d’autorisations… J’ai montré cette photo car Jean Sterne, un de nos accompagnateurs nous explique que ce lieu sordide et humiliant était un atout pour les déportés car les SS n’y rentraient pas, et que les déportés pouvaient donc se parler…

Et puis on voit la trace d’une résistance qui a pris parfois la forme de vrais combats, qu’il faudrait sans doute mieux faire connaitre.

Le crématoire explosé par les déportés
Les « sondercommandos » étaient ces déportés que les nazis obligeaient à gérer les corps des victimes. Ils ont réussi à faire passer à l’extérieur des photos preuves de l’extermination en marche. Un des groupes a organisé une révolte en faisant exploser une des chambres à gaz-crématoire de Birkanau en 44. Tous ont été exécutés.

Jean Stern fait le lien avec l’histoire du camp de Vénissieux, car ceux qui n’ont pas été sauvés à Vénissieux sont arrivés et ont été assassinés ici

Le lieu de la ferme chambre à gaz
C’est ici qu’étaient les deux premières chambres à gaz de Birkanau, installés dans deux fermes dont avaient été expulsés les habitants. C’est dans une de ces deux fermes que les déportés du camp de Vénissieux ont été gazés. On parlera souvent du camp de Vénissieux dont ont été exfiltrés un quart des juifs dont de très nombreux enfants..

Et puis, il y à la fin cette exposition des photos que les déportés avaient sur eux et que des nazis ont conservés, des photos de vie, des photos souriantes, et dont nous avons les noms que l’administration nazie conservait, et souvent les histories grâce à l’extraordinaire travail des associations de déportés.

Les photos des déportés confisqués par les nazis
Pour ne jamais oublier leur humanité
Les photos des déportés confisquées par les nazis à leur arrivée….

La cérémonie et les témoignages des collèges

La journée est chargée et difficile. La dimension du camp (13 km parcouru…) et le poids des émotions demandera du temps et des échanges à tête reposée, mais il faut marquer la fin de la visite par un moment de recueillement. Une cérémonie est organisée devant le monument à la mémoire de l’holocauste. On dit parfois que les nouvelles générations sont celles du zapping, de l’instantané, mais tous les collégiens sont là après une journée éprouvante et préparent leur témoignage, qui seront aussi un moment fort de la journée, notamment la lecture de deux collégiennes de Paul Eluard.

Le monument à la mémoire de l’holocauste
Rassemblement de tous les groupes qui avaient effectué la visite séparément
Les collégiens se préparent à témoigner
Au premier rang, le père Jean Sterne, notre accompagnateur « de mémoire », qui a connu le camp de Vénissieux et a pu en être exfiltré et qui connait parfaitement Auschwitz
Jean Levy inaugure la cérémonie de commémoration
Jean Levy insiste souvent sur l’importance des évènements de Vénissieux mis aux jours par l’historienne Valérie Perthuis et qui montre que beaucoup de Français ont organisé la solidarité avec les juifs pourchassés.
Le témoignage des collégiens d’Aragon (Vénissieux)
Un texte écrit par les collégiens qui ont tous fait un travail important avec leur enseignant pour participer à ce voyage
Le témoignage des collégiens de Paul Eluard
Un texte choisi ambitieux, l’exode de Benjamin Fondane, merveilleusement lu par les deux collégiennes
Le témoignage des collégiens de Paul Eluard
Leur engagement dans cette lecture difficile d’un poème de Benjamin Fondane était époustouflante, et d’un seul coup, les stéréotypes sur les jeunes des « banlieues difficiles » s’effacent. Pas les difficultés sociales ou publiques qui elles sont bien réelles ! Non, ce qui s’efface, c’est l’image dégradante d’un quartier, et donc de ceux et celles qui y vivent. Ces deux jeunes filles ont rappelé à tous que ces quartiers sont d’abord faits de la richesse humaine de ceux qui y vivent…
Préparation du retour…
Il y aura tant à dire… Les collégiens vont continuer leur travail avec les enseignants. Je sais que ceux d’Eluard participeront à la cérémonie du 8 mai, mais je suis plus convaincu que jamais que l’avenir leur appartient, et que ce que nous pouvons faire de plus utile pour eux est de transmettre les mémoires, celles des crimes et des horreurs, mais aussi celles des luttes, des résistances et des aventures humaines et sociales.

Quelques réflexions notées pendant la visite

D’abord bien sûr, si je connaissais un peu de l’histoire des camps, si mon engagement communiste me porte bien sûr à dénoncer le nazisme, se confronter à cette visite est une expérience que les lectures ne remplacent pas. Se tenir debout devant ces tonnes de cheveux humains, de tresses colorées, de queue de cheval qui nous font voir les femmes et les hommes détruits comme une matière première d’une usine, c’est une épreuve, un des moments ou je n’étais pas sûr de tenir, où il faut après coup accepter de pleurer, où sur le moment, je suis allé chercher un peu d’air vers une fenêtre ouverte.

Il faut donc se féliciter de l’organisation de ce voyage et organiser l’échange entre les participants pour tenir compte de l’expérience, sans doute ne pas séparer les « VIP » et les collégiens, trouver des moments de recueillements… Il y a eu beaucoup de discussion sur le choix de la date, très printanière, alors que les voyages se faisaient auparavant en hiver, mais les déportations se faisaient sous la neige comme sous le soleil…

Il me semble aussi que la découverte de l’horreur risque de tenter de comprendre d’abord le « système » concentrationnaire, son fonctionnement. Et bien sûr, il faut décrire l’horreur, l’arrivée, le tri, les conditions de la mort, l’élimination des cadavres… Mais il faut aussi absolument redonner toute leur humanité aux déportés, et donc donner beaucoup plus de temps à des témoignages sur tout ce qu’ils ont fait pour vivre malgré tout, pour rester humain dans l’horreur.

Et donc, donner plus de place à la résistance dans les camps, même si ces résistances étaient bien sûr peu de choses par rapport à la puissance et l’efficacité nazie, même si elles sont été écrasées, même si les gestes de solidarité du quotidien ne pouvaient sauver les malades… J’ai lu ce témoignage du camp de Drancy qui dit « Nous chantions La Marseillaise et les gendarmes tapaient sur celles et ceux qui chantaient. » et qui confirme que les déportés étaient bien prisonniers dans la déportation et faisaient ce qu’ils pouvaient pour réssiter.

On ne peut comprendre ce qui s’est passé sans plus de paroles de déportés, de témoignages sur la vie concrète, l’organisation de la solidarité…

Et puis je garde une question sans réponse. Je sais que Henri Krasucki, un jeune juif polonais militant communiste, est passé à Auschwitz avant d’aller à Buchenwald. Il a survécu et est devenu un dirigeant communiste de premier plan en France, dirigeant puis secrétaire général de la CGT pendant des années, avec son ami Roger Trugnan, qui fut le dirigeant de la politique extérieur du PCF pendant aussi des années. Ils étaient au camp annexe de Jawischowitz où ils travaillaient à la mine de charbon. Je me demande pourquoi cette personnalité de l’histoire de France n’est pas citée dans l’exposition française à Auschwitz.

[1A noter : Marie-Christine Burricand, élue métropolitaine de Vénissieux, qui avait effectué deux fois ce voyage comme conseillère générale, a du intervenir en commission de la métropole, suivie par un courrier de Michèle Picard au président de la métropole, pour que les élus métropolitains de Vénissieux soient associés à ce voyage avec les collèges de la ville…

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