Avec de nouveaux quartiers prioritaires, il faut de nouveaux moyens ! Enregistrer au format PDF

la géographie prioritaire étendue…
Vendredi 19 janvier 2024

L’état a publié fin décembre 2023 la nouvelle « géographie prioritaire », la définition des quartiers qui peuvent bénéficier des actions financées dans le cadre de la « politique de la ville ». L’expression « prioritaire » peut faire discussion car les statistiques sont cruelles… Malgré les actions spécifiques de la politique de la ville, un habitant de ces quartiers bénéficient de moins d’argent public que ceux des autres quartiers, entre autre, parce qu’il bénéficie de moins d’actions publiques, qu’il demande moins de services publics….

C’est pourquoi tous les élus locaux insistent sur la mobilisation du « droit commun », c’est à dire l’ensemble des politiques publiques à destination de tous les habitants, et pas seulement des quartiers « prioritaires ». Aucun service public ne dit qu’il dépense moins pour les habitants des quartiers populaires, et pourtant ! Un exemple simple pour le comprendre, un enfant de famille aisée ira souvent cinq jours par semaine à la crèche, mangera cinq jours par semaine à la cantine… alors qu’un enfant de famille populaire n’ira à la crèche que deux ou trois jours par semaine, les parents organisant au maximum la garde par la famille… idem pour la cantine… à la fin, le premier, même en payant un tarif plus élevé, consommera plus d’argent public…

Mais si le droit commun est donc essentiel pour l’égalité, la politique de la ville doit faire plus, compenser les conséquences des inégalités. C’est pourquoi la géographie prioritaire est importante et était fortement attendue…

La géographie prioritaire confirme les injustices du monde du travail !

Cette géographie repose sur un indicateur très précis de l’INSEE, le revenu médian par personne. Un quartier est dit prioritaire, quand le revenu médian est nettement plus bas qu’ailleurs… Et partout en France, la nouvelle géographie confirme que les quartiers prioritaires sont plus nombreux et concernent donc plus d’habitants.

C’est le cas à Vénissieux avec trois nouveaux quartiers, le Monery, la Borelle avec le quartier Jules Guesdes et les Marronniers, et une extension avec l’ajout de Croizat à Barel-Duclos… Au total, on passe de 22 000 habitants à plus de 29 000 habitants concernés, soit 44% de la population vénissiane. Les nouveaux contours de cette géographie prioritaire sont accessibles sur [le système d’information géographique de l’état]

Cette décision de l’état confirme ce que la ville de Vénissieux et les élus communistes disent depuis des mois. Les ségrégations territoriales s’aggravent, car la paupérisation et la précarisation du monde du travail s’aggrave partout. Ce n’est pas seulement qu’on concentre les plus pauvres, mais que les inégalités se creusent dans le monde du travail avec de plus en plus de salariés pauvres, de plus en plus de salariés au SMIC, et des salaires qui n’évoluent plus avec l’ancienneté et les qualifications.

Ce n’est pas un problème Vénissian, ce n’est même pas un problème des quartiers, c’est bien un problème général du modèle économique et social aggravé par les réformes Macron du travail, et on peut craindre que le nouveau « France Travail » comme la loi « immigration » viennent aggraver cette fracturation du monde du travail qui conduit à cette extension des quartiers prioritaires.

Mais la politique de la ville est un atout pour les quartiers populaires !

Certains dénonceront cette extension des quartiers prioritaires qui révèle l’aggravation des inégalités sociales. Mais faut-il supprimer le thermomètre pour ne pas parler de la fièvre ? Au contraire, cette nouvelle géographie prioritaire va permettre de faire bénéficier à tous ces quartiers des nombreuses actions de la politique de la ville, pour l’insertion et l’emploi, la culture et le sport, l’éducation avec l’extension aussi de la cité éducative, le cadre de vie avec les actions sur la propreté…

J’avais montré dans une intervention au conseil de métropole tout ce qu’apporte la politique de la ville. Des milliers d’habitants ont pu bénéficier d’actions sociales, culturelles, éducatives, d’insertion. Des milliers de jeunes de quartier ont découvert une passion, un métier qui leur a permis de réussir partout dans la société, dans l’éducation, dans l’entreprise, dans les institutions.

Nous savons bien que la politique de la ville ne compense pas les inégalités, mais elle est indispensable pour aider des milliers d’habitants, pour créer des occasions d’être fier de son quartier, pour aider la vie associative, pour aider aux actions pour la propreté. Il faudrait faire encore plus notamment pour la sécurisation et la tranquillité, pour l’insertion et la prévention…

Nous avons besoin de moyens supplémentaires !

Mais pour faire plus, il faut plus de moyens ! La population concernée augmente d’un tiers, et les montants de subvention sont souvent constants depuis des années… La ville va annoncer une forte augmentation de son financement, le vice-président de la métropole m’a confirmé que le budget allait fortement augmenter pour accompagner l’extension de la géographie prioritaire, même s’il n’a pas répondu positivement à ma demande concernant la programmation sociale, à la quelle la métropole ne participe pas, tout comme pour la cité éducative, et s’il ne tient pas compte de l’évolution de la fiscalité locale qui fait reposer le plus gros de la gestion sociale urbaine de proximité sur la taxe foncière, donc uniquement sur la ville dont la perte de faxe foncière n’est compensée qu’à 40%.

Voici les financements 2023 et les besoins minimums de la nouvelle géographie

Financement Politique de la ville Financements 2023 moyens supplémentaires nécessaires à minima
43% : État 820 000 € - 700 000 € pour la programmation sociale (soit 30,17€ par habitant)
- 120 000 € pour quartier d’été État (5,17€ par habitant)
- Programmation sociale : + 196 105€
Quartier d’été + 33 605 €
12% : Métropole 227 000 € - 142 000 € pour la GSUP (6,12€ par habitant)
- 85 000 € pour quartier été métropole (3,66€ par habitant)
- programmation GSUP : +39 780 €
-Quartier d’été +23 790 €,
- compensation TFPB ? +300 000€
- Programmation sociale ?
45% : Ville 144 000 € + 706 361€ de perte TFPB - Programmation sociale 144 000 € (6,20 €/habitant)
- GSUP via exonération de TFPB : 706 361 € (30,7€ par habitant)
- programmation sociale + 40 300 €

Les décisions sont bien sûr liées aux votes des budgets qui interviendront le 29 janvier pour la métropole et le 5 février pour la ville. Pour l’état, le projet de loi de finance a été confirmé par 49-3 fin décembre, et il prévoit une hausse de 37M€ (+6,2%) du programme 147 qui est celui de la politique de la ville. Mais l’essentiel concerne la participation de l’état au financement de la rénovation urbaine, et la hausse de 28M€ des cités éducatives pour accompagner l’extension des quartiers prioritaires est financée par la fin des bataillons de prévention. La ministre a répondu que ces bataillons seraient maintenus avec un financement exceptionnel. En tout cas, cela voudrait dire que la programmation sociale serait à budget constant.. alors que le nombre d’habitants concernés augmente…

La présidente de la commission du Sénat qui auditionnait la ministre précédente en concluait « En réalité, hors Anru et compte tenu de l’inflation, les moyens d’intervention de la politique de la ville baisseront ». Quelques mois après les émeutes du début d’été, la réponse de l’état n’est évidemment pas à la hauteur et semble céder aux discours anti-politique de la ville, alors que le silence du nouveau gouvernement sur le logement et la politique de la ville se prolonge.

Il est sûr que si nous avions un ministre du logement et un ministre de la politique de la ville, on en saurait peut-être plus. Ça ne semble pas être une priorité du nouveau premier ministre… Il est vrai que son gouvernement semble, encore plus que les précédents, le gouvernement des « premiers de cordées », peu préoccupés par la situation des « premiers de corvées », ceux qui habitent justement les quartiers populaires…

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