A Vénissieux, ce sont trois écoles dans lesquelles parents et enseignants constatent l’inacceptable, une famille avec des enfants qui en sont réduits à dormir dans une voiture, à espérer un toit dans la solidarité d’un ami, d’un voisin…
Bien sûr, le froid rend le constat insupportable, et bien sûr, les dispositifs d’urgence se mettent en place. L’hébergement d’urgence est une compétence de l’état, dans un partenariat avec la métropole de Lyon formalisé par le plan local d’aide au logement des personnes défavorisées (PLALHPD). Des foyers, des gymnases ont été ouverts. Et après quelques jours, ils permettent de reloger temporairement. Rien ne sert de polémiquer avec le préfet ou le président de la métropole sur les moyens mis à disposition du plan froid. Ce plan froid est indispensable et nécessaire, et il semble pouvoir accueillir tout ceux qui le demandent.
Mais comment comprendre que, malgré ces moyens, il faille des jours avec intervention du maire, des services municipaux, des services sociaux pour arriver enfin à protéger une famille ? Et comment accepter que personne ne sache clairement pourquoi ? Y-a-t-il des priorités ? une file d’attente ? des décisions à prendre ? des dossiers à remplir ? Tout est centralisé au niveau de la « maison de la veille sociale », service organisé par le département, la métropole, la ville de Lyon et l’état et qui s’appuie sur des associations pour l’accueil, l’information et l’orientation des mal logés. Depuis que tout a été centralisé, personne ne sait plus rien sur son fonctionnement, ses difficultés… On peut parfois se demander s’il s’agit d’une service réservé à la la ville de Lyon… où, il est vrai, se trouve le plus de personnes à la rue.
Et surtout, comment peut-on accepter de régler en urgence des situations temporairement, alors qu’un gymnase n’est évidemment pas une solution pour une famille, et que tout le monde comprend bien que ce dont elle a besoin, c’est d’un vrai logement ! Or, il y a des milliers de familles en attente ! Et en laissant s’installer ces situations d’urgence, on organise la concurrence entre les familles ! Car ceux qui sont dans un gymnase du plan froid seront évidemment prioritaires pour un relogement. Personne ne peut accepter qu’ils soient remis à la rue, quand les températures remonteront. Mais alors, que faut-il dire aux autres, à ceux qui attendent, et qui n’ont pas été contraint à être dehors ?
Car il y a à Vénissieux des centaines de familles « hébergées », chez des amis, de la famille, des centaines d’autres en attente dans des foyers ou des résidences sociales, des milliers en attente d’une demande de logement. Qui s’en préoccupe, qui en parle dans les médias ?
Dans un pamphlet de colère noire [1], l’écrivain Patrick Declerc dénonce avec violence la redécouverte chaque mois de Novembre des SDF… « Les journalistes guettent le thermomètre. Attendent les premiers morts… » Il porte une accusation terrible, nourrie de ses échanges avec les SDF « …La République tout entière verse des larmes de crocodile à la mémoire de nos chers disparus de la rue. Clodo vivant embarrassait ; voici son cadavre, garanti pur misérable hypothermique, déclaré d’utilité publique ». »
Sans doute, sa colère est-elle à prendre avec précaution, comme un cri d’alarme, destiné à secouer les consciences, et peut-être, les institutions. Les services sociaux de la ville, de la métropole, des bailleurs, les associations font leur maximum, des décisions sont prises pour que personne ne soit à la rue. Mais ces mesures d’urgence, temporaires, ne règlent rien au fonds. Alors que chaque année, les gouvernements affirment agir dans l’urgence du plan froid, chaque année, le nombre de mal logés augmente, parce que la pauvreté augmente, et parce que l’état ne finance plus la construction de logements sociaux !
Il y a 1200 places en résidence sociale à Vénissieux sur les 6000 de la métropole. 30% des places sont gérées par la MVS, comme le centre d’hébergement d’urgence la Baraka de 30 places. Il y a aussi des dizaines de logements gérés par des associations (Alynea, armée du salut…) chez les bailleurs dans des programmes d’accompagnement des personnes en difficulté. La ville n’en connait que quelques-uns et n’est pas informée de leur utilisation. Il y a depuis peu un centre d’accueil et d’orientation des réfugiés de 100 places… Chaque année, des centaines d’attributions de logement sont faites dans les procédures DALO, ou d’accord collectif, de sortie de foyers… c’est à dire, répondant aux demandeurs les plus en difficulté. Au total, chaque année, à Vénissieux, des centaines de personnes mal logés sont prises en compte dans un parcours pour retrouver leur droit, mais chaque année, le nombre de familles en difficulté augmente, comme dans toutes les villes, comme le montre l’augmentation continue des contentieux qui peuvent conduire à l’expulsion.
Vénissieux assume son choix. La ville accueille des populations pauvres, on nous le reproche souvent. Elle agit pour garantir le droit au logement pour tous, et fait tout pour défendre les plus fragilisés. Mais les mal-logés doivent le savoir. Sans mettre en cause les politiques publiques du logement, nous ne pourrons pas nous en sortir localement.
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