des trains à hydrogène, une bonne nouvelle ? Enregistrer au format PDF

Vendredi 9 avril 2021

la SNCF vient d’annoncer l’achat de 12 rames de train fonctionnant à l’hydrogène dont 2 à destination de la région Auvergne-Rhone-Alpes. Un investissement pour le rail avec une énergie décarbonée, cela semble une très bonne nouvelle. Il faut cependant toujours dans les questions environnementales entrer dans les détails pour être sûr de comprendre les enjeux… surtout quand il s’agit de grosses sommes d’argent.

Il faut d’abord rappeler qu’un train à hydrogène est d’abord un train électrique, son moteur est le même que celui d’un train alimenté par les caténaires d’une ligne électrifiée. L’hydrogène vient en plus, dans le cas de ces rames, installé sur le toit avec une « pile à combustible », un système qui transforme l’hydrogène stocké et l’oxygène de l’air pour produire de l’électricité.

Un système en plus, c’est donc un coût en plus et une étape de transformation énergétique de plus. Donc, d’un point de vue financier, c’est un coût et d’un point de vue énergétique, une perte de rendement global.

Un tel train est donc une aberration sur une ligne électrifiée. Cela tombe bien, il n’est pas fait pour ça, même si la solution choisie par la SNCF est « bimode », il peut fonctionner avec la pile à hydrogène ou avec la ligne électrifiée.

Mais ce train est fait bien sûr pour rouler sur les lignes non électrifiées, qui sont encore nombreuses en France, et notamment pour nous la célèbre ligne Lyon-Roanne. Il remplace alors des rames à moteur diesel.

Si on veut faire le bilan de ce choix, il faut alors comparer la situation existante du train diesel à deux hypothèses.

  • l’électrification de la ligne pour pouvoir remplacer les trains diesel par des trains électriques
  • l’utilisation de ces rames à pile à hydrogène pour les tronçons non électrifiés

Évidemment, la SNCF a peu de projets d’électrification par rapport aux 50% de lignes non électrifiées ! Il est vrai qu’elle en a fermé beaucoup depuis des années. Il est vrai aussi que sa « dette » qui est en fait la dette de l’état demandant la réalisation des TGV sans les financer [1], cette dette plombe la SNCF pour engager un plan massif d’électrification, notamment sur les transversales Est-Ouest et leur tronçon régionaux comme Lyon-Roanne… (voir des articles spécialisés sur le sujet de l’électrification des lignes)

Autrement dit, c’est le financement par l’état qui décide de la faisabilité économique de ces deux solutions au remplacement des rames diesel. Et l’état a lancé un grand plan hydrogène et subventionne 1/4 de l’achat des rames à hydrogène.

Mais combien aurait couté le financement de l’électrification des lignes utilisées par ces 12 rames ? Un article ancien évoque 1 million d’euros par kilomètres, donc actualisé, de l’ordre de 150 millions pour la ligne Lyon-Roanne.. En 2006, la SNCF affirmait qu’elle proposait de passer au « tout électrique », donc d’électrifier 100% des lignes… Bien évidemment, aucun gouvernement n’a mis ce plan en œuvre, tous préoccupé d’abord par les conditions de la privatisation de la SNCF..

En tout cas, prenons comme base le prix total annoncé pour ces 12 rames, 215 Millions avec 47 millions d’aide de l’état. Une rame sur la ligne Lyon-Roanne coute donc 18 millions avec 4 Millions de subvention d’état pour rouler sur les 136 km de portion non électrifiée de la ligne Lyon-Roanne. Sur la partie électrifiée, bien sûr, la rame utilisera l’alimentation par le caténaire.

Si l’ordre de grandeur de 150 millions pour la ligne Lyon-Roanne est réaliste, comparé aux 47 millions de subvention et au surcout total de cette solution par rapport à un simple train électrique, alors cette solution était certainement plus rentable pour l’état à long terme !

Comment évaluer l’impact carbone des deux solutions ? la lecture pourtant attentive d’une page wikipedia dédiée aux émissions de carboné du rail laisse interrogatif… Visiblement, on peut faire dire beaucoup de choses différentes aux chiffres. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte et le plus souvent avec des valeurs ’« théoriques », « moyennes »… pour lesquelles différentes études donnent des valeurs très différentes.

Ainsi, un rapport de la cour des comptes dit qu’un train diesel transportant 10 passagers émet 5 fois plus de carbone qu’une voiture avec presque 2 passagers, et donc que par passager, les deux modes sont équivalents. Certains sautent sur l’occasion pour en conclure qu’il vaut mieux prendre une voiture que le train pour les émissions de carbone. Mais tout repose sur le nombre estimé de passagers dans le train ! Si on peut rencontrer des TER avec 10 passagers sur de petites lignes à des horaires pu chargé, la moyenne fournie par les statistiques SNCF est de 79 passagers par TER… Le calcul donne alors un « coût carbone » du voyage en train d’une personne 8 fois plus faible qu’en voiture… Pas facile de se faire une idée.

D’autant que dans le cas de l’hydrogène, tout dépend comment a été obtenu cet hydrogène. Actuellement, on produit principalement de l’hydrogène dit « gris », par une réaction chimique et donc un niveau d’émission carbone élevé. Si la pile a combustible n’émet que de l’eau, le bilan carbone de l’hydrogène gris est mauvais ! Par contre, peut produire de l’hydrogène par électrolyse, donc en consommant de l’électricité, et en France, l’électricité est décarbonée, donc cet hydrogène est dit « vert »… Mais il coûte beaucoup plus cher, et il dégrade bien sûr l’efficacité économique de la solution, sans compter que consommer de l’électricité pour fabriquer de l’hydrogène qui va refabriquer de l’électricité, c’est forcément mauvais du point de vue rendement énergétique !

Bref, ce n’est pas simple ! Et en plus il faut introduire quelque chose de très important, le temps ! Car tout le monde sait qu’une ligne de train ne peut être rentable économiquement que sur le très long terme. C’est d’ailleurs pourquoi la SNCF a été créée non pas par la gauche, mais par un gouvernement de droite sous pression des investisseurs privés qui n’arrivaient pas à rentabiliser leurs investissements dans les premières lignes de chemin de fer !

On voit bien par exemple que pour la métropole de Lyon, investir dans un grand nombre de lignes de métro supplémentaires est un défi économique difficilement réalisable sans financements nouveaux ! Mais si le métro parisien n’avait pas été créé dès la fin du 19e siècle, comment seraient les transports actuellement dans la région parisienne ?

Je suis demandeur d’études comparative précises sur la comparaison économique et environnementale de l’électrification de la ligne Lyon-Roanne et du passage à une rame à pile à hydrogène. Il faudrait commencer par l’état des lieux, le coût carbone actuel des rames diesel par kikomètre passager, puis comparer dans les deux solutions le coût total et les nouvelles émissions pour avoir les tonnes de carbone « évitées » et le coût pour calculer le « coût de la tonne de carbone évitée »…

Mais instinctivement, je pense que la décision de l’état de privilégier la deuxième solution est d’abord une décision politique, incapable de penser un investissement public massif sur les infrastructures, mais par contre cherchant comment aider au développement d’acteurs privés, dont le groupe ALSTOM qui a été bien malmené par les décisions successives des gouvernements…

A suivre…

[1ce que reconnait même l’union européenne, c’est tout dire

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