le peuple, la gauche et la droite Enregistrer au format PDF

Lundi 1er septembre 2014

En cette rentrée si brutale dans les guerres et les crises pour des milliers de familles, il y a des évènements qui révèlent ce que le discours médiatique cache, le peuple peut être uni, sollidaire, fraternel. Ce n’est pas l’image qui est répandue le plus souvent dans ces médias qui ne cherchent que les drames et les accidents, les ragots ou les rumeurs. Et malheureusement, ce n’est pas l’image d’une vie politique toute entière tournée vers les guerres de chef, les coups tordus pour se placer en tête, les esbroufes télévisuelles pour se faire voire et faire croire qu’on agit.

Ainsi, que faut-il penser de ce premier ministre qui se fait acclamer par un parterre de grands patrons dont de nombreux millionnaires et quelques milliardaires en s’exclamant pour que les télés le reprennent avec force « j’aime l’entreprise » et qui quelques jours après reprend l’expression devant des militants socialistes en pleine crise pour leur dire « j’aime les socialistes »… Comment les Français peuvent-ils retrouver ou reconstruire une relation de confiance avec un système et des personnalités politiques qui jouent ainsi avec les mots. Comment faire confiance à ce « j’aime » qui n’est que celui des réseaux sociaux, un clic sur une image pour suivre son fil de communication.

Pendant ce temps, la vie réelle, ce sont les difficultés du quotidien pour des millions de familles, difficultés pour remplir son panier de provisions, pour faire plaisir malgré tout aux enfants, pour trouver un logement adapté à sa situation, souvent en urgence… pour se dépatouiller dans des démarches administratives auprès de services publics débordés, pour trouver une solution pour un enfant en difficulté scolaire, ou simplement en incertitude sur son orientation, ou même pour aider celui qui a réussit à accéder à de lointaines écoles, pour négocier un échéancier de paiement auprès de sa banque, des impôts, de son bailleur… et cette pression des difficultés rend insupportable le cirque médiatique de ceux qui étalent des promesses comme si personne ne tirait de leçons de l’expérience. Tous les gouvernements ont promis de réduire le chômage, aucun de l’a fait, tous ont promis de réduire les inégalités, de renforcer la justice, de garantir une chance à tous les enfants, et aucun n’a tenu ces promesses. Ils sont menteurs ou incapables, peu importe, le fait est que personne n’attend plus d’un gouvernement qu’il « change la vie réelle », sauf en pire !

Cette situation pourrait pousser au cynisme, antichambre du chacun pour soi qui ne fait que rajouter à ces difficultés, celles de rapports sociaux dégradés. Et ce cynisme est l’arme de celle qui utilise cette crise de la gauche et de la droite pour faire grandir l’exaspération vers un nationalisme réactionnaire, un chacun pour soi encore plus violent, en fait encore plus à droite.

Mais la vie réelle, ce sont aussi les réactions collectives aux drames et des accidents qui viennent rajouter du malheur à ces difficultés, mais face auxquels, parfois, émergent ce qui est important et qui donne subitement confiance, les capacités de solidarité et de fraternité qui restent, intactes, au cœur des quartiers populaires. On ne trouve pas cette solidarité et cette fraternité dans les salons parisiens, dans les assemblées du MEDEF ou dans le grand cirque médiatique, ou, au contraire, règne la « concurrence libre et non faussée ». On la trouve dans les quartiers, les usines, là ou si la concurrence règne car elle nous est imposée, chacun sait bien qu’au fonds, il ne pourra pas s’en sortir seul, que personne n’est à l’abri du coup dur.

Deux évènements Vénissians cet été ont montré ce ressort qui parfois sommeille au cœur du peuple et qui n’a rien à voir avec la gauche ou la droite.

  • Quand un dramatique accident emporte 4 jeunes en voyage en Algérie, dont un jeune homme du quartier Henri Wallon, la réaction est incroyable. Des dizaines, des centaines de voisins font un geste pour les parents, la famille, versent pour aider au financement des transports, sont présents devant l’allée. Le président du conseil de quartier trouve des tables pour accueillir les visites, un ancien élu socialiste fait le lien avec la famille, une ancienne élue MODEM organise le repas… et parmi les centaines de dons, on trouve à la fois la mosquée et la cellule communiste. Et personne ne fait de déclarations médiatiques, car ce qui compte, c’est la vérité de cette fraternité qui se vit au concret [1].
  • Quand une élue municipale de la liste soutenue par l’UMP décède d’un accident cardiaque, il y a bien sûr des réactions officielles de la tête de liste, du maire au nom du conseil municipal, mais ce qui frappe lors de la cérémonie, c’est que ceux qui sont là sont d’abord et avant tout des gens du peuple, des gens de son quartier, ou anciennement de son quartier, des gens qui ne demandent pas leur étiquette aux élus présents, et qui ne cherchent pas les absents, mais qui sont rassemblés pour une femme qui cherchait à défendre l’intérêt général, à organiser la solidarité. Car Jeanine Locatelli était d’abord une femme du monde du travail, ancienne couturière, longtemps mariée à un chauffeur routier, et elle avait milité longtemps dans son quartier comme communiste avant de s’éloigner pour chercher d’autres chemins. Et même si la vie politique pousse à des confrontations parfois stériles, la réalité est que la gauche et la droite dans cette affaire ne sont que des constructions qui jouent un rôle dans les institutions, mais pas dans le concret de la vie du peuple.

On ne demande pas à son voisin s’il est de gauche ou de droite pour lui apporter son aide ou lui en demander. On a, ou on n’a pas, de relations de confiance qui permettent de ressentir que nous sommes, ou nous pouvons être des frères, indépendamment de toute religion, parce que nous n’avons aucun intérêt à rabaisser l’autre, que nous n’avons pas d’ennemi au sein du peuple de nos quartiers, même s’il y a des conflits [2].

Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la vie politique, je crois que se termine une longue période ouverte par ce programme commun qui a construit une union de la gauche électorale. Plus rien ne distingue les politiques économiques et sociales de gauche et de droite. Si une certaine logique d’alternance est peut-être nécessaire pour le fonctionnement d’une démocratie institutionnelle, je crois qu’elle est entièrement a reconstruire à partir d’en bas, à partir du peuple, et la première des classifications, bien loin des étiquettes gauche-droite, c’est celle des classes sociales que l’on choisit comme cœur de son engagement.

On peut se préoccuper d’abord, comme le propose la fondation de l’ex futur président DSK, des « couches moyennes aisées supérieures », celles qui sont modernes, innovantes, néo-urbaines, branchées et connectées… celles qui font les succès socialistes dans les grandes villes.

Mais on peut faire le choix décisif de défendre d’abord l’intérêt général des couches populaires, du monde du travail, en recherchant son unité entre précaires et statutaires, jeunes et vieux, urbains et ruraux, français et immigrés.

Ce choix était il y a longtemps une identité politique de gauche, mais le réduire aujourd’hui à la gauche est tout simplement un contre-sens, quand la gauche au gouvernement est si fortement la représentation du camp des plus aisés. Les mots ne sont pas faciles à trouver pour dire comment faire ce choix. Bien sûr, pour moi, c’est le cœur de l’engagement communiste, mais je sais qu’une grande diversité de sensibilités peuvent se retrouver autour de ce choix, celui qui fait écho à l ’affirmation de l’écrivain de droite François Mauriac : « Seule la classe ouvrière est restée dans sa masse fidèle à la patrie profanée ».

[1Dans ce même quartier, il y a quelques années, après un incendie de logement qui avait mis une famille à la rue, déjà, les voisins, le conseil de quartier, la ville, les associations avaient en quelques heures trouver une solution de relogement et collecter ce qui était nécessaire.

[2il y en a bien aussi dans une grande famille

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