Quelques rappels. Les études sur la pollution de l’air suivent deux pollutions principales, les poussières (PM) qu’on différencie par leur taille (PM2.5 PM10…) et l’oxyde d’azote (NOx). On suit aussi le souffre (SO2), mais qui est devenu marginal [1], et l’ozone, qui est une pollution indirecte à partir de l’oxyde d’azote [2]
- Les poussières ont des sources diverses (industrie, combustion du bois donc chauffage au bois des particuliers, transport…)
- Les oxydes d’azote (NOx) sont majoritairement produit par le transport et principalement par les moteurs diesel
J’avais publié en 2016 ce graphique qui montre les sources des NOx et des PM et leur évolution de 2010 à 2014…
Cette étude confirmait la rapide réduction des pollutions, de l’ordre de 50% en 15 ans [3], autant pour les NOx que pour les PMx, une des raisons principales pour les NOx est l’évolution du parc automobile, les véhicules s’améliorant de manière rapide.
Pourtant, cette amélioration ne suffit pas dans de nombreuses agglomérations dont celle de Lyon pour respecter les normes de l’OMS sur les niveaux d’émission. C’est pourquoi l’étude de santé publique France évalue l’impact sanitaire de cette pollution par rapport à plusieurs situations de référence pour calculer une « mortalité prématurée » qui s’évalue en nombre de personnes ayant perdu un certain nombre de mois d’espérance de vie.
- La comparaison avec une situation de référence sans aucune pollution, donnait le chiffre de 48 000 décès prématurés de 9 mois
- La comparaison avec une situation de référence respectant les normes de l’OMS, conduisait au chiffre de 17 000 décès prématurés de 3 mois Bien entendu, les médias et le sensationnalisme de la vie publique ont conduit à ne retenir que le premier chiffre, qui est pourtant très théorique puisqu’il est difficile de vivre en zone urbaine sans aucune pollution comme si on était en plein cœur de l’Auvergne rurale… La comparaison avec les seuils OMS est plus utile mais pourtant moins utilisée.
C’est le contexte de la loi créant les ZFE contre la pollution de l’air. Comme je le disais, pour juger de l’utilité de la ZFE pour la qualité de l’air, il faut donc savoir si elle accélère ou pas une tendance déjà bien installée…
La très forte baisse des déplacements pendant le confinement a eu un effet mesurables sur l’impact sanitaire de la qualité de l’air
Il y a bien eu une très forte baisse des émissions pendant les trois semaines de confinement strict, et encore forte jusqu’en juin. Elle est plus marquée sur le NOx que sur les PMx ce qui est normal, puisque les transports, qui ont été pratiquement arrêté pendant le confinement, produisent l’essentiel des NOx, alors que les poussières ont des sources plus diverses.
Ce graphique nous rappelle aussi que les émissions de poussières sont très inégalement réparties en France. C’est dans le nord qu’elles sont le plus élevées et dans le massif central qu’elles sont les plus faibles, et c’est pourquoi elles ont le plus baissées dans le nord [4], ce qui confirme le lien direct entre transport et pollution.
A noter cependant pour les poussières que Lyon est une exception puisqu’en plein confinement en mars, nous avons connu un pic de pollution aux poussières signalé par l’organisme de surveillance de l’air ATMO
Pour les NOx, c’est bien sûr la région parisienne où les émissions sont le plus élevées, et la carte des baisses d’émissions ressemble étrangement à la carte des flux de circulation autoroutière. De fait, la circulation ayant pratiquement disparu sur les autoroutes, les émissions de NOx qui sont caractéristiques du transport routier ont aussi fortement baissées.
Le résultat en terme de santé publique est évalué par le rapport pour la première fois en faisant la différence entre ce qui vient des poussières et ce qui vient de l’azote. [5] Résultat, les poussières pèsent pendant le confinement deux fois plus que l’azote [6].
La limitation des activités pendant le confinement au printemps 2020 a entraîné une réduction de l’exposition de la population française au NO2 et aux PM qui a permis d’éviter environ 2 300 décès en lien avec les PM2,5 et près de 1 200 en lien avec le NO2 sur la période de juin 2019 à juillet 2020
Cet impact sanitaire n’est pas direct, la majorité de ces décès ne sont pas du à une pathologie déclenchée par la pollution, mais aggravée ou révélée par elle.
Ces impacts sont majoritairement dus à des effets à plus long terme (diminution de la contribution de la pollution au développement de pathologies conduisant au décès), et dans une moindre mesure à des effets à court terme (décompensation de pathologies préexistantes).
Réévaluation de l’impact sanitaire de long terme pour la période 2016-2019
C’est sans doute le plus important de ce rapport, une mise à jour de l’étude publiée en 2016 et de l’impact sanitaire dont tout le monde parle, 48 000 décès prématurés de 9 mois. Cette nouvelle étude utile les mêmes scénarios et risque relatif que l’étude précédente (voir https://pierrealainmillet.fr/Mortalite-anticipee-due-a-la). Mais l’étude de 2016 ne tenait compte que de l’exposition aux PM2,5. Cette fois, l’impact des Nox est lui aussi mesuré, et le résultat confirme deux choses importantes
- d’abord l’amélioration continue de la qualité de l’air se ressent sur une réduction de l’impact sanitaire passant de 48 000 décès prématurés de 9 mois à 40 000 décès prématurés de moins de 8 mois, représentant 7% de la mortalité totale en France.
- ensuite, le poids des NOx dans l’impact sanitaire est faible, puisque l’impact sanitaire est évalué à 7000 décès prématurés de 1,6 mois, représentant 1% de la mortalité totale en France.
chaque année près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition de la population aux PM2,5, et 7 000 décès à une exposition de la population au NO2, représentant respectivement 7 % et 1 % de la mortalité totale annuelle (Figure 6). Cela représente en moyenne une perte d’espérance de vie de 7,6 mois en raison d’une exposition aux PM2,5, et de 1,6 mois en raison d’une exposition au NO2 pour les personnes âgées de 30 ans et plus.
Le rapport conclue que
si la mortalité liée à la pollution de l’air ambiant présente une tendance à la baisse, elle demeure un facteur de risque conséquent en France et que les efforts de réduction de la pollution de l’air ambiant doivent par conséquent être poursuivis durablement pour toutes les sources de pollution avec une transition adaptée mais néanmoins ambitieuse.
On ne peut que partager cette conclusion, tout en insistant sur deux constats
- il faut situer cet enjeu sanitaire à son bon niveau (8% de la mortalité en France, ce qui confirme qu’il faudrait sans doute s’intéresser tout autant à la surmortalité liée aux conditions de travail qui font que l’espérance de vie d’un ouvrier reste de plus de 6 années inférieures à celle d’un cadre, même quand il habite au cœur d’une grande agglomération.
- la priorité à la réduction du diesel ne peut se justifier par l’impact sanitaire des Nox, puisqu’il est 6 fois plus faible que l’impact sanitaire des poussières. En tenant compte que le transport routier représente 1/3 des émissions de poussière, ce qui compte, ce n’est pas la sortie du diesel, remplacer un diesel par de l’essence de la même année a tendance à aggraver l’impact sanitaire du véhicule ! Ce qui compte, c’est bien la réduction globale de la part modale de la voiture dans les déplacements.
Enjeu de l’accélération ou non de la tendance à l’amélioration de la qualité de l’air.
Faut-il vraiment des ZFE pour améliorer la qualité de l’air ? On peut s’interroger à la lecture des graphiques mesurant l’évolution des niveaux de pollution de 2016 à 2019. On voit que sans ZFE, l’évolution « naturelle » est à la baisse, notamment pour les émissions de Nox, tout simplement parce que le parc automobile s’améliore… sans doute trop lentement peut-être, mais de manière significative…
C’est d’ailleurs la même chose pour les poussières, mais cela interroge sur les priorités. On est passé en 4 ans de 48 000 décès prématurés de 9 mois à 40 000 décès prématurés de 7,6 mois… Il est difficile de prolonger cette tendance de manière linéaire, mais une telle baisse « naturelle » de 20% en 4 ans est quand même une très bonne nouvelle, sachant que ce qui nous intéresserait le plus, est d’avoir ce chiffre par rapport à la situation de référence OMS.
Bref, il reste à montrer en quoi une ZFE « stricte » réduirait de manière significative l’impact sanitaire des transports.
Vos commentaires
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
Suivre les commentaires : |