La priorité absolue est de donner l’habitude à tout le monde de chercher les faits et de ne pas s’arrêter aux discours, surtout aux discours politiques. Tout le monde pense par exemple que la pollution est la plus importante dans les grandes agglomérations... Pourtant, voici une image du niveau de pollution de l’air sur terre... On peut obtenir une image en temps réel sur le site airvisual
A l’échelle de la planète, ce sont les déserts dont l’air est le plus pollué car le plus chargé de poussières... Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de poussières dans les zones urbaines, mais simplement que la réalité est plus compliquée... Par exemple, de quelles poussières parlent-ton ? Comment les caractériser ? Sont-elles toutes dangereuses de la même façon ? Quelle est l’impact de la météorologie et notamment des vents dans la diffusion ou non des poussières ?
L’épisode parisien d’alerte de mars 2014 doit être ainsi vu dans un cadre plus large, qui tient compte des mouvements d’air en Europe...
- Épisode de particules de mars 2014
- Source : http://www.les-crises.fr/la-pollution-de-l-air-en-europe-ii/
De fait, la pollution de l’air est un phénomène à la fois local et global ! L’émission de polluants est toujours locale, mais sa diffusion en fait un impact global... et selon les vents, chacun envoie ses polluants vers un de ses voisins !
On dit aussi souvent que la France serait sous menace de sanctions européennes pour non respect de ses obligations sur la qualité de l’air, mais les cartes diffusées par l’U.E. montrent que ce problème n’est pas propre à la France, autant pour les poussières, où la France est bien meilleur élève que la Pologne ou l’Italie,
ou pour les oxydes de souffre, où la France fait nettement mieux que l’Allemagne !
Alors, partons des faits, et commençons par regarder la tendance depuis 10 ou 20 ans... Toutes les études, publiées par l’U.E. comme par la France ou les organismes de contrôle de la qualité de l’air sont unanimes... La pollution de l’air est en forte baisse continue depuis longtemps...
On voit que la qualité de l’air s’améliore globalement… avec des situations différentes selon les polluants et selon les années et la météorologie. Notons que les polluants industriels (SO2, Benzène) sont en très nette diminution, bien entendu à cause de la désindustrialisation, mais aussi grâce à l’application d’une réglementation stricte avec des investissements lourds sur de nombreuses installations, par exemple les chaufferies de réseau urbain... La pollution n’est pas une fatalité !
La baisse concerne tous les secteurs mais est très importante pour les émissions des ménages, et cela est du d’abord au remplacement de chauffage au bois le plus souvent par du chauffage électrique qu’on toujours critiqué mais qui a un impact très positif sur ce point..
- La baisse des émissions en France par secteurs
Certains diront : « pourtant le nombre de jours d’alerte augmente ? »
En fait, avant 2006, il n’y avait pas de seuil d’information ni d’alerte aux particules donc forcément aucun épisode de pollution dans les media. De 2006 à 2011, le seuil d’information a été fixé pour les particules à 80µg/m3 et le seuil d’alerte à 125µg/m3, ce qui donnait 2 à 4 informations par an et aucune alerte. Mais les seuils ont été abaissé en 2011 à 50µg/m3 pour le seul d’information et 80µg/m3 pour l’alerte, ce qui produit de 10 à 30 jours d’informations et de 2 à 4 jours d’alerte par an. Le nombre de jours d’alerte augmente, et pourtant le niveau d’émission diminue !
La réalité est bien la baisse constante de la pollution de l’air, notamment dans les zones urbaines !
L’étude des émissions par secteur d’activité permet de rappeler que pour les PM2.5 le transport représente moins de 30%, en forte baisse, et que c’est au contraire sur le dioxyde d’azote (NO2) que l’automobile reste le plus gros pollueur
- Agglomération de Lyon, émissions par secteurs
- Source : Think Tank LUTB – MOTOR – émissions de particules fines 10 mai 2017
D’ailleurs, c’est bien le NO2 dont la présence est concentrée près des axes routiers et pas les poussières
- La contribution de l’axe routier est plus forte pour le NO2 que pour les poussières...
- Think Tank LUTB – MOTOR – émissions de particules fines 10 mai 2017
La simplification du débat public autour de quelques mots clés stigmatisants qu’il suffirait ainsi d’exclure est un contresens pour ceux qui veulent réellement continuer le processus d’amélioration de la qualité de l’air.
Ainsi, la part du carburant dans les émission d’un véhicule devient moins importante que celle des différentes "abrasions" liées aux frottement, des freins, des pneus, et de la remise en suspension des particules par le roulement.
L’usure des pneus, de la route et des freins représente désormais 46% des émissions, et si on tient compte de 30% de "remise en suspension", on s’aperçoit que les émissions à l’échappement, quelque soit le carburant, représentent désormais moins de la moitié des émissions totales d’un véhicule neuf !
Il ne s’agit évidemment pas d’arrêter tout effort sur les émissions de poussières liées au diesel, mais de hiérarchiser les priorités, et de constater que le plus important est sans doute le taux de renouvellement du parc automobile !
On le voit nettement sur ces graphiques du CITEPA qui nous montre l’évolution des émissions de la combustion et de l’abrasion selon la norme Euro du véhicule, autrement dit, sur son ancienneté. Dans le cas du diesel, on voit que l’apparition du filtre à particule fait complètement chuter les émissions, et que le diesel récent respecte les mêmes valeurs limites d’émission que l’essence !
- Facteur d’émissions et VLE véhicule diesel
- Les émissions sectorielles de particules en France
Think Tank Motorisation et chaîne cinématique - Particules fines, Mercredi 10 Mai 2017
Mais par contre, on constate avec le même graphique sur l’essence, que la priorité est désormais de s’attaquer aux émissions liées à l’abrasion.
- Facteur d’émissions et VLE véhicule essence
- Les émissions sectorielles de particules en France
Think Tank Motorisation et chaîne cinématique - Particules fines, Mercredi 10 Mai 2017
La présentation par le CITEPA résume les messages essentiels qu’il faut retenir dans le débat public...
Diminution des émissions de la combustion dans le transport routier malgré une diésélisation du parc, due à la généralisation du filtre à particules (FAP)
Attention aux injections directes essence pour les pousières
Augmentation des émissions des abrasions liée à l’augmentation du trafic. Elles sont devenus prépondérantes. Il faut mieux les caractériser
Penser aux aérosols secondaires et donc aux précurseurs [1] (COV, COsV, NOx, etc.). Il y a besoins de connaissances sur les abrasions pour les freins (métaux lourds, HAP...) [2]
Il faut donc répéter que pour les pollutions liées au carburant, l’essentiel est d’accélérer la modernisation du parc automobile ! En effet, le parc existant de 32 millions de véhicules personnels a un age moyen de 8,8 ans, autrement dit, il est en moyenne à la norme euro 3 ou 4... et émet 50 fois plus qu’un véhicule actuel en euro 6... Si le diesel représente 80% des émissions de particules, une action volontaire de reprise de la moitié des véhicules diesel aurait un impact de l’ordre de 40% des émissions de poussières... et quelle occasion de renforcer les filières de recyclage automobile et d’économie circulaire !
C’est le premier message de cet article.
On sait améliorer la qualité de l’air, on le fait depuis des années, et le débat public devrait porter sur le bilan de ce qui fonctionne le mieux, et sur ce qui est le plus facile à réduire encore...
On sait réduire les émissions polluantes liées au transport, on le fait depuis des années et tout est une question de rythme de renouvellement du parc automobile....
Il reste un autre message important concernant l’impact sur la santé... Car à force de répéter "48 000 morts" liés à la pollution de l’air, tout le monde pense que la pollution de l’air est aussi dangereuse que le tabagisme, l’accidentologie automobile ou l’obésité. Or ce n’est absolument pas le cas ! En fait, il s’agit de 48 000 morts prématurés, par rapport à leur espérance de vie sans pollutions...
Comme le répète Thierry Philip, cancérologue et vice-président de la métropole de Lyon, ce sont des morts prématurés de 2 à 6 mois qui sont en fait des mois d’espérance de vie en moins que ce qu’on aurait pu gagner sans la pollution..
Mais de fait, un lyonnais de 40 ans en 2017 a une espérance de vie nettement supérieure à celle d’un lyonnais de 40 ans en 1967...
Ce sera le sujet d’un autre article...