Ces deux délibérations sont une nouvelle fois l’occasion d’éclairer les discours politiques sur le logement social et derrière, sur le projet de ville de certains et les contradictions du discours de la « mixité sociale ». Le terme est ambigu, mixité, qui peut être contre ? Pourtant, ce sont bien les politiques publiques conduites depuis des années qui ont créé la situation que Manuel Vals avait qualifié d’apartheid social ! L’INSEE constate que dans la métropole de Lyon, si le revenu moyen progresse, les inégalités se creusent et la précarité se concentre dans les villes populaires, autant à Rillieux qu’à Vénissieux ou Saint-Fons, Vaulx-en-Velin ou Givors, même si au niveau de quartiers, on trouve des poches de précarité à Caluire, dans le 5e ou à Albigny-sur-Saône… Notons que les poches de précarité se résorbent à Lyon, par exemple avec la rénovation urbaine de La Duchère.
Car pendant que certains cherchent à « répartir » les pauvres et les précaires, en tout cas à en faire partir de certains quartiers, le nombre total de pauvres et de précaires continue à augmenter ! Comme le montrait la chambre de bonne sous les combles, les riches ont toujours eu besoin de loger les pauvres quelque part pas trop loin des services qui les emploient… Autrement dit, quand la part d’ouvriers et d’employés diminue à Lyon, elle augmente dans les villes populaires…
C’est ainsi que derrière le discours de la mixité sociale, les statistiques montrent au contraire ce que les sociologues appellent la gentrification, phénomène qui touche désormais la Guillotière après la Croix-Rousse qui a rejoint le 6e dans les classements de revenus. Dans le 1er, la part des cadres est passée de 6% en 1975 à 37% en 2013, dans le 7e de 8 à 27%, dans le 3e de 11 à 33%. Certains ont peut-être le projet politique de poursuivre cette gentrification dans certaines villes ou quartiers populaires de première couronne, comme à Paris, ce qui suppose bien sûr de repousser plus loin les ouvriers et employés, notamment les plus précaires…
La loi « égalité citoyenneté » dit qu’il faudrait attribuer 25% des logements sociaux des quartiers riches à des demandeurs prioritaires. Mais c’est une équation impossible car il y a beaucoup plus de prioritaires que de logements ainsi disponibles… Et au fait, comment peut-on imposer à un locataire de déménager dans une ville qu’il n’a pas demandé ?
Robert J. Sampson, professeur de sciences sociales à l’université d’Harward et membre de l’académie des sciences, spécialiste de la ville et président de la société américaine de criminologie, est l’auteur d’un livre qui fait parler « Grand ville Américaine : Chicago et l’effet du voisinage durable ». Il étudie ce qu’il appelle « l’intelligence collective d’un quartier » qui se construit par l’ensemble des relations sociales et qui peut contribuer à sortir au contraire de la guettoisation.
C’est ce que ressentent beaucoup d’habitants qui voient bien les dégâts des trafics, de l’économie parallèle, de l’incivisme, de la violence sociale, familiale ou psychologique qui fragilise tous nos quartiers. Mais ils connaissent aussi les capacités de solidarité, d’action collective, de résistance et la présence de services sociaux, d’associations, de services publics qui permettent justement de construire cette vie locale, cette identité de ville populaire qui protège et qui rassemble.
C’est ce que nous disent les 2/3 des locataires concernés par les démolitions de la rénovation urbaine et qui veulent rester à Vénissieux ! C’est pourquoi nous continuerons à défendre le droit des Vénissians et de tous les nouveaux habitants à un logement social de qualité et accessible, même si bien sûr, il faudrait une autre politique nationale du logement. Et tant pis pour ceux qui s’enferment dans le communautarisme ou qui rêvent de gentrification. A chacun son projet politique pour la ville.
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