2005, 2007, 2023 : Comment en finir avec ces drames et les violences qui les suivent ? Enregistrer au format PDF

Vendredi 30 juin 2023 — Dernier ajout dimanche 24 septembre 2023

Nahel à Nanterre en 2023, après Moushin et Laramy à Villiers-le-Bel en 2007, et Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005… Comment en finir avec ces drames et les violences qui les suivent ?

La mort d’un jeune dans une intervention de police est un drame pour le jeune et la famille, mais c’est aussi une alarme pour la police et toute la société. Ce devrait être un moment de vérité pour que la justice fasse son travail, que la France se demande comment sortir de cette guerre entre une partie de la jeunesse et la police, comment sortir de ces violences contre des équipements publics, des biens privés, le plus souvent ceux d’habitants de quartiers populaires confrontés déjà aux injustices.

Des milliers d’adolescents et de jeunes des quartiers populaires ressentent à travers ce drame toute l’injustice des inégalités sociales et territoriales. Ils l’expriment dans le désordre, reproduisant ce que les médias et les réseaux leur montre, sans voir que la violence est une impasse pour les revendications.

Dans toutes les villes de France, notamment dans les quartiers populaires, des habitants inquiets observent ce qui se passe en espérant que le calme va revenir, que leur biens et leur cadre de vie ne vont pas être dégradé, que les biens publics, équipements, mobiliers, réseaux qui sont essentiels à leur quotidien ne vont pas être brulés.

Le gouvernement venait d’annoncer la tenue, enfin, du comité interministériel des villes qui devait redéfinir les « contrats de villes » et la géographie prioritaire, cette « politique de la ville » mise en place il y a 40 ans après les étés chauds et la « marche pour l’égalité des droits et contre le racisme ». Mais peut-il proposer autre chose que les discours méprisants de cet emploi de l’autre coté de la rue ou en traversant le vieux port ? Peut-il être crédible sur une politique contre le mal logement après avoir fragilisé les bailleurs ? Peut-il porter le projet d’une police citoyenne construisant un lien de confiance avec la population quand il a montré ne pas faire la différence entre une tête de cortège syndical et un black bloc violent ?

La France va mal, la France et les Français craquent. Le drame de Nanterre est un évènement de plus dans une situation globale explosive qui concerne des millions de familles pauvres, précarisées, des millions de salariés qui ne peuvent vivre dignement de leur travail.

C’est le premier message politique essentiel pour que la colère de notre jeunesse rejoigne la colère contre les injustices sociales, contre la vie chère et le travail précaire, pour qu’elle devienne une force véritable pour bousculer la politique française.

Pourtant, on assiste à des instrumentalisations politiciennes indignes du drame.

Certains justifient les tirs policiers et font croire qu’il suffirait de plus de policier pour écraser la colère, la réduisant aux seuls incendies et attaques de la police en masquant la profondeur sociale de cette France qui craque. C’est cacher l’essentiel, qu’au delà des drames qui deviennent des évènements, ce sont des millions de personnes qui souffrent dans notre société riche et médiatique. Dans la crise démocratique que vit notre pays, l’extrême-droite est aux aguets, prête comme en Italie, en Pologne, en Suède, et peut-être demain en Espagne.

A l’opposé, certains alimentent la colère en répétant « la police tue ». C’est mensonger et dangereux. Non, des policiers ont tué. Mais la généralisation est une impasse pour la jeunesse des quartiers en lui laissant croire que l’injustice ne repose que sur l’attitude de la police, en incriminant toute action de police pourtant demandée quotidiennement par les habitants des quartiers, en la coupant des forces sociales autour d’eux, en l’enfermant ainsi dans une impasse. La généralisation est mensongère, comme quand les droites dénoncent « les manifestants cassent ». Et l’instrumentalisation devient polémique médiatique, jusqu’à justifier les violences, refuser d’appeler au calme et de condamner les incendies de bien public.

Oui, la France craque… dans les urgences submergées qui concentrent tous les maux de notre société, dans l’explosion du mal logement et des SDF, notamment de jeunes, dans les souffrances psychiques massives qui débordent une psychiatrie exsangue, et bien sûr dans les inégalités territoriales qui s’aggravent, malgré la « politique de la ville ».

Il y a 40 ans, les balles prises par Toumi en 1983 ont conduit à sa participation à la marche pour l’égalité des droits et contre le racisme. Mais cette marche portait la revendication d’être reconnu réellement comme citoyen français. C’était un autre monde. Dans les quartiers populaires aujourd’hui, des milliers de jeunes Français réussissent dans leurs études, dans la culture, le sport, le numérique, l’entreprise, et même dans la vie publique, médiatique, associative ou politique. C’est ce que montre le clip du chanteur Kerry James « banlieusards ». Et pourtant les inégalités sont toujours là, et pourtant le racisme est toujours là. C’est ce que disait les jeunes des équipements jeunesse de Vénissieux dans un évènement récent, une performance d’éloquence organisant un débat sur l’utilité du vote. Une jeune fille avait conclu « plus la lutte est difficile, plus la victoire est belle »

Le chemin de la victoire pour la colère populaire, et notamment pour la jeunesse, c’est l’engagement pour unir, organiser, construire ensemble un projet politique de rupture permettant enfin de répondre aux besoins de tous, de logement, d’emploi digne, de services publics, de culture et de rencontres.

Faire reculer les inégalités réellement pourrait devenir l’urgence de la refonte de la « politique de la ville ». Au-delà de la rénovation nécessaire des quartiers populaires, engager enfin la rénovation des politiques publiques, d’abord de toutes les politiques de « droit commun », pour sortir de toutes les ségrégations.

Ce serait entendre enfin l’alerte du drame de Nanterre.

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