Pourtant, on assiste à des instrumentalisations politiciennes indignes du drame.
Certains justifient les tirs policiers et font croire qu’il suffirait de plus de policier pour écraser la colère, la réduisant aux seuls incendies et attaques de la police en masquant la profondeur sociale de cette France qui craque. C’est cacher l’essentiel, qu’au delà des drames qui deviennent des évènements, ce sont des millions de personnes qui souffrent dans notre société riche et médiatique. Dans la crise démocratique que vit notre pays, l’extrême-droite est aux aguets, prête comme en Italie, en Pologne, en Suède, et peut-être demain en Espagne.
A l’opposé, certains alimentent la colère en répétant « la police tue ». C’est mensonger et dangereux. Non, des policiers ont tué. Mais la généralisation est une impasse pour la jeunesse des quartiers en lui laissant croire que l’injustice ne repose que sur l’attitude de la police, en incriminant toute action de police pourtant demandée quotidiennement par les habitants des quartiers, en la coupant des forces sociales autour d’eux, en l’enfermant ainsi dans une impasse. La généralisation est mensongère, comme quand les droites dénoncent « les manifestants cassent ». Et l’instrumentalisation devient polémique médiatique, jusqu’à justifier les violences, refuser d’appeler au calme et de condamner les incendies de bien public.
Oui, la France craque… dans les urgences submergées qui concentrent tous les maux de notre société, dans l’explosion du mal logement et des SDF, notamment de jeunes, dans les souffrances psychiques massives qui débordent une psychiatrie exsangue, et bien sûr dans les inégalités territoriales qui s’aggravent, malgré la « politique de la ville ».
Il y a 40 ans, les balles prises par Toumi en 1983 ont conduit à sa participation à la marche pour l’égalité des droits et contre le racisme. Mais cette marche portait la revendication d’être reconnu réellement comme citoyen français. C’était un autre monde. Dans les quartiers populaires aujourd’hui, des milliers de jeunes Français réussissent dans leurs études, dans la culture, le sport, le numérique, l’entreprise, et même dans la vie publique, médiatique, associative ou politique. C’est ce que montre le clip du chanteur Kerry James « banlieusards ». Et pourtant les inégalités sont toujours là, et pourtant le racisme est toujours là. C’est ce que disait les jeunes des équipements jeunesse de Vénissieux dans un évènement récent, une performance d’éloquence organisant un débat sur l’utilité du vote. Une jeune fille avait conclu « plus la lutte est difficile, plus la victoire est belle »
Le chemin de la victoire pour la colère populaire, et notamment pour la jeunesse, c’est l’engagement pour unir, organiser, construire ensemble un projet politique de rupture permettant enfin de répondre aux besoins de tous, de logement, d’emploi digne, de services publics, de culture et de rencontres.
Faire reculer les inégalités réellement pourrait devenir l’urgence de la refonte de la « politique de la ville ». Au-delà de la rénovation nécessaire des quartiers populaires, engager enfin la rénovation des politiques publiques, d’abord de toutes les politiques de « droit commun », pour sortir de toutes les ségrégations.
Ce serait entendre enfin l’alerte du drame de Nanterre.
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