La réunion présentait le diagnostic réalisé depuis 2 ans par la mission énergie de la métropole et de nombreux partenaires, diagnostic qui avait été lancé dans le débat public par un premier séminaire du schéma directeur le 25 Juin 2015. Les questions que je posais à l’époque restent totalement d’actualité, ce diagnostic illustrant au fonds, plus précisément, un état des lieux que nous connaissons.
Oui, toute cette énergie métropolitaine pour qui ? pour les habitants ? Il faudra alors vite préciser en quoi ce projet les concernent, quels en sont les objectifs : tarifs ? qualité de service ? transparence ? équité territoriale ?
Mais c’est à travers les scénarios énergétiques à venir que peut-être certaines des questions trouveront des éléments de réponse… Ces scénarios devraient être présentés fin 2017 pour permettre des décisions politiques en 2018… A suivre donc.
Mais en gros, on sait désormais pour chaque quartier de la métropole (correspondant à ce que l’INSEE appelle la maille IRIS [2]), quelles sont les consommations en électricité, gaz, chaleur, et quelles sont les productions… On peut donc se poser des questions comme « et si ce quartier est reconstruit avec 1000 nouveaux logements, quels seront les besoins en réseaux électriques, de gaz, ou de chaleur… »
Ce que fait apparaitre immédiatement ce diagnostic, c’est une réalité que les discours sur les « territoires à énergie positive » font oublier… Une grande agglomération est d’abord une zone de consommation énergétique forte et de production (très) faible… Ainsi, la métropole de Lyon ne produit que 6% de l’énergie qu’elle consomme… et qui vient, on le sait tous, pour l’électricité des barrages du Rhône et de la centrale du Bugey, pour le gaz des gazoducs qui desservent l’agglomération, et pour les carburants, de raffineries le plus souvent lointaines malgré la présence de Feyzin [3]…
J’ai demandé d’ailleurs comment on pouvait territorialisé la consommation énergétique des transports, qui par définition sont mobiles, et représentent 24% de la consommation totale… La réponse est troublante… En fait, ces consommations énergétiques seraient non territorialisées, et sans tenir compte des transports de transit, mais seulement des déplacements internes des habitants… Autrement dit, les consommations des trains à la Part-Dieu ou Perrache, comme les consommations des camions… ne sont pas pris en compte.
Cela dit, les deux premiers sujets sont l’industrie (27%) et le résidentiel (29%). La place de l’industrie est une particularité de l’agglomération lyonnaise, et sur ce sujet, la capacité d’action publique est limitée… Ainsi, malgré des années d’études de valorisation des énergies « fatales » [4], nous n’en savons pas plus, et la représentante des entreprises chimiques était très interrogative sur le potentiel… Les études continuent certes, mais il est clair que pour l’instant, il est plus simple pour les industriels de rejeter de la chaleur dans l’air ou dans l’eau que de chercher comment la valoriser… [5]. Pourtant, si la valorisation est incertaine, ou plutôt variable [6], l’énorme quantité de chaleur dissipée dans l’eau ou l’air est, elle, tout à fait certaine… les poissons et les oiseaux le savent depuis longtemps.
Concernant le logement, l’action politique est au contraire forte avec le plan « ecorenov », mais le diagnostic montre que la priorité serait de traiter les 120 000 logements collectifs anciens, autrement dit, à raison de 25 000€ par logement, un besoin de financement de plus de 2 milliards… même en se donnant 20 ans, cela représente 5 fois plus que ce qui se fait aujourd’hui chaque année.
Le diagnostic permet aussi de prendre conscience des poids respectifs des différentes formes de production sur la métropole, majoritairement renouvelables (en gros 2TWh de renouvelable/récupérable pour 1TWh de fossile). Sur ces 6% de la consommation produite localement, le plus gros concerne l’hydraulique (barrages), puis à la surprise générale, le chauffage bois individuel qui représente presque 4 fois plus que le chauffage bois des réseaux de chaleur. On comprend que ce soit un enjeu fort de la qualité de l’air. A noter que le photovoltaique ne représente que 0,8% de cette production, malgré le nombre important de projets publics accumulés ces dernières années !
On constate aussi le chemin à parcourir sur les réseaux de chaleur puisqu’au total, les renouvelables ne représentent que 12% de l’énergie des réseaux de chaleur, même si avec les incinérateurs, on arrive à 45% de renouvelable-récupérable… Les fossiles sont encore majoritaires… [7]
Je suis intervenu après la présentation pour faire trois remarques critiques afin de faire vivre un vrai débat public sur cette démarche, tout en notant d’abord que bien entendu, c’est un gros travail qui donne une connaissance utile.
- D’abord, on ne peut pas oublier que l’énergie, c’est toujours un flux, pour la raison fondamentale que, sauf en en science-fiction, il y a des lieux de production et des lieux de consommation, et qu’ils sont souvent éloignés. Le chiffre de 6% de notre consommation produite localement est éclairant… De fait, l’expression territoire à énergie positive est peut être à la mode, mais elle est totalement irréelle en dehors de villages sans industrie, et elle est surtout un masque sur cette réalité pourtant évidente : l’énergie, ce sont des réseaux qui mettent en relation les lieux de production et les lieux de consommation.
La compétence énergie métropolitaine est donc ambiguë. Ce qui est clair, c’est qu’elle a pris la compétence aux communes, et que pour l’instant comme l’a souligné l’élue de Villeurbanne, elle n’a pas dit comment elle allait travailler avec ces communes, mais surtout, c’est une compétence partielle sur un territoire qui est massivement consommateur d’énergies produites ailleurs… Et les réseaux de transport d’électricité, de gaz ou d’approvisionnement bois, ne sont évidemment pas métropolitains…
- La deuxième remarque porte sur la complexité réelle du projet de planification énergétique métropolitaine, tentant d’inscrire la concurrence des technologies et des acteurs dans un cadre qui devrait répondre aux attentes urbaines. Mais c’est en fait le problème de la planification, pas seulement énergétique mais urbaine et économique. Et à vrai dire, Gérard Collomb promoteur de la concurrence libre et non faussée est mal placé pour parler de planification. Pourtant, le diagnostic nous montre une carte des parts de consommation renouvelable qui met en valeur le résultat d’une époque ou la planification marquait l’espace urbain, avec d’ailleurs des qualités et des défauts. Ce sont en effet les ZUP des années 70 avec réseaux de chaleur, dont les villes ont travaillé depuis les années 2000 au développement de la biomasse, qui sont les quartiers les plus « renouvelables » énergétiquement : La Duchère, Rillieux, Vénissieux, Vaulx-en-Velin auquel s’ajoute Sathonay avec le développement de la ZAC de la gendarmerie,
- Enfin, ce schéma directeur des énergies n’a de sens que pour aider à construire des réponses publiques dont la seule légitimité est de répondre aux besoins des habitants. Et de ce point de vue, le débat avec les citoyens, la prise en compte de leurs attentes sont essentielles. Car quelles prévisions de consommation énergétiques ferons-nous ? J’ai assisté à Bordeaux comme d’autres à la présentation du nouveau scénario Negawatt qui propose un effort de « sobriété »marqué, une forte réduction des besoins, au-delà de l’efficacité énergétique elle-même. Cette baisse des besoins dans ce scénario est de 30% et même de 50% pour la mobilité, autrement dit, il faudrait se déplacer deux fois moins. Mais qui demande aux citoyens leurs besoins ? Faut-il se déplacer moins, ou plus, même autrement ? C’est vraiment une dimension essentielle de toute planification énergétique métropolitaine, le débat citoyen sur les besoins en énergie. On ne peut considérer les besoins comme le résultat d’une équation sur les possibles, mais bien comme le point de départ des scénarios énergétiques [8].
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