La lutte contre le dérèglement climatique exige d’en finir avec les privatisations ! Enregistrer au format PDF

Jeudi 8 juillet 2021

Une contribution au débat pour une autre politique climat-énergie qui sorte de la marchandisation et de la privatisation de l’énergie. Après le dernier rapport du haut conseil pour le climat, je partage l’avis de Fabien Roussel, candidat communiste à l’élection présidentielle, il faut « arrêter la procrastination climatique et agir ! »

La lutte contre le dérèglement climatique exige d’en finir avec les privatisations !

Le dérèglement climatique est une réalité reconnue aux conséquences importantes pour les générations futures. Il menace notre capacité à vivre dans une société soutenable pour le cadre de vie, l’eau, l’alimentation, le logement… comme l’ont montré les inégalités dans la crise sanitaire. C’est pourquoi nous n’opposons pas « fin du monde » et « fin du mois ». Cet enjeu doit être pris de manière globale pour construire la stratégie climat-énergie de la France, ce qui demande un débat contradictoire est nécessaire et une lecture critique des politiques de transition énergétique des gouvernements successifs.

Ce nouveau monde, dans lequel les énergies fossiles n’auront plus une place prépondérante, doit tenir compte des enjeux économiques, sociaux et environnementaux pour être efficace. Si l’énergie abondante a permis de libérer les hommes, comment construire une société bas carbone qui n’asservisse pas la population ? Au fond, comment éviter des politiques qui par le prix ou par un système énergétique complexe, exclut une partie de la population ? C’est le défi qui est posé aujourd’hui au politique. Nous devons y apporter des réponses justes et solidaires par opposition à une écologie parfois perçue comme punitive ou qui revient à ne rien changer au système dominant de notre société.

La convention citoyenne pour le climat a listé des propositions sans s’interroger sur leurs impacts concrets sur les modes de vie et les inégalités. L’inscription du climat dans la Constitution ne garantit pas plus d’atteindre des objectifs que pour le droit au travail qui est déjà dans la constitution !Nous devons donc nous interroger ensemble sur une trajectoire concrète, tenant pleinement compte de l’enjeu climatique, loin des effets d’annonce.

Nous avons besoin d’un débat public qui transforme l’inquiétude en revendication concrète pour une autre politique de l’énergie.

Sortir de la marchandisation de l’énergie

Depuis une quinzaine d’année, les politiques énergétiques ont consisté, pour l’essentiel, à créer des parts de marché pour le développement des énergies renouvelables éoliennes et solaires. A l’appui de subventions publiques massives, des promoteurs construisent des infrastructures de production, très attractives en bourse, mais qui contribuent assez peu à la transformation de l’économie. Le développement de ces filières repose sur des mécanismes néolibéraux assez classiques : les producteurs ne prennent aucun risque. Ils bénéficient d’une garantie de prix à long terme et d’une subvention de la puissance publique, financée sur la facture énergétique de tous les usagers. Dit autrement, le précaire énergétique, qui se chauffe avec un radiateur de mauvaise qualité subventionne le producteur capitaliste qui a les moyens de faire un crédit et de construire un parc photovoltaïque ou éolien.

Alors que l’électricité française est déjà très décarbonée notamment grâce au nucléaire et à l’hydraulique, on concentre l’essentiel de nos efforts (près de 120 milliards de subvention publiques pour les seuls contrats signés avant 2018) sur l’électricité alors que le plus gros de nos émissions viennent des énergies fossiles dans les transports et le logement.

Nous devons donc construire une vigilance politique et citoyenne pour que la transition énergétique ne serve pas simplement de nouvelle opportunité pour les capitalistes. Le modèle actuel n’est ni démocratique, ni juste, ni efficace pour le climat.

La situation de la France du point de vue du climat

L’enjeu climatique est mondial et ne dépend pas des origines nationales des gaz à effet de serre, mais de leur quantité totale dans l’atmosphère. Ce qui veut dire que l’urgence climatique porte d’abord sur les pays les plus émetteurs de carbone dont la France ne fait pas partie. La France est en effet un des pays européens le moins émetteur de carbone par habitant, le 26e avec 5,2g par habitant en 2018, contre 15,9 pour le Luxembourg et 9,14 pour l’Allemagne.

Et surtout, les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre au total sont dans l’ordre la Chine, les USA, l’Inde, le Japon, la Russie et l’Allemagne qui représentent à eux seuls les 2/3 des émissions mondiales. C’est du principalement à l’utilisation de combustibles fossiles pour produire de l’électricité (charbon, gaz).

L’urgence climatique en France comme sur toute la planète, c’est de peser au plan international pour que ces 6 pays engagent réellement leur transition énergétique en se dégageant de l’électricité fossile. Si la France devra prendre sa part, il parait vain d’être exemplaire chez soi si nos voisins émettent énormément de CO2.

La réduction des émissions de CO2 de la France reste toutefois un enjeu. Si nous sommes plutôt sobre en carbone par rapport à nos voisins, la France reste le 17e pays émetteur au total. Le rôle des importations reste élevé et il serait irresponsable de croire que si les émissions de CO2 sont délocalisées, elles ne nous concernent plus. Il faut donc aussi réduire les émissions de la France pour atteindre l’objectif du "facteur 4" pour les pays développés. Les deux sources principales d’émissions de carbone en France sont les déplacements (marchandises et personnes), l’agriculture, et le bâtiment (chauffage) ; auxquelles il faut ajouter les importations de marchandises.

La décarbonation de l’économie peut être une opportunité pour tous Vivre dans une société soutenable à moyen terme, donc décarbonée, est un enjeu d’émancipation, d’indépendance nationale, de cadre de vie… La réduction de notre dépendance aux énergies fossiles est une chance pour vivre mieux. D’abord car ses émissions sont néfastes pour notre santé (émissions de particules fines des centrales thermiques ou des véhicules), ensuite parce que la rénovation thermique des logements permet d’améliorer le confort de vie (avoir froid en hiver, très chaud en été dans des logements n’est pas acceptable). Enfin parce que la réduction de notre dépense énergétique, via l’efficacité, permettra de faire des économies. Mais il faut que cette décarbonation soit portée par un service public qui assure le droit à l’énergie pour sortir les 3,5 millions de ménages de leur situation de précarité énergétique.

L’urgence du climat en France doit donc conduire à agir prioritairement pour

1/ Décarboner les transports :

  • Le développement du fret ferroviaire pour la réduction massive du transport sur route, et ensuite le développement de transport route décarboné (hydrogène et électricité). Cela permettra d’ailleurs une décongestion des routes subie par la population.
  • Développer massivement les transports en commun interurbains (développement de « RER » dans toutes les agglomérations), et urbain pour réduire la part modale de la voiture, réduisant d’autant la facture transport de la population car l’utilisation d’un véhicule individuel au quotidien reste couteux.
  • Développer le véhicule électrique en substitution au véhicule essence ou diesel, en particulier pour les usages urbains.

2/ Décarboner nos modes de chauffage

  • réduire la part du gaz fossile comme source de chauffage avec le développement des réseaux de chaleur urbains non fossiles
  • développer le chauffage électrique dans l’habitat neuf non raccordable à un réseau de chaleur urbain non fossile
  • développer le biogaz et les foyers bois à faible émission dans l’habitat ancien non raccordable à un réseau de chaleur

3/ Réduire la distance entre les lieux de production et de consommation

La relocalisation de certaines activités économiques réduira les émissions de CO2 de leur consommation. De son coté, la réindustrialisation de la France permettra aussi de faire bénéficier du parc décarboné aux nouvelles industries.

Cela suppose un investissement économique, technologique et humain important pour reconstruire les savoir-faire perdus depuis des décennies, et nécessitera une hausse des consommations énergétiques à laquelle nous devons aussi répondre.

Les politiques menées jusqu’à présent ignorent totalement ces objectifs :

Depuis des années, les politiques gouvernementales parlent du climat, et la loi dite « transition énergétique pour la croissance verte ». Mais ces politiques n’ont agi sur aucune des priorités ci-dessus.

  • le fret ferroviaire s’est fortement réduit
  • le développement des RER est marginal et objet de polémiques politiciennes entre métropole de Lyon et région
  • La métropole de Lyon reste nettement en retard sur ses infrastructures de déplacements urbains (métro, tram). Si le plan vélo de la nouvelle majorité est ambitieux, l’ambition pour les transports en commun reste dans le cadre du PDU (plan de déplacement uebains) existant
  • la réindustrialisation fait l’objet de nombreux colloques et plans, mais la réalité reste les restructurations avec fermetures de sites , souvent faussement justifiés par la crise sanitaire
  • La rénovation énergétique des logements est soit l’objet d’opportunités pour ceux qui avaient déjà l’intention de faire des travaux, sans subvention, soit l’occasion pour des sociétés peu scrupuleuses de démarcher des propriétaires pour facturer énormément sans une qualité de travaux satisfaisante. Pourtant, le soutien public est significatif et doit être fléché vers ceux qui en ont le plus besoin, et les accompagner dans leurs démarches.
  • Les moyens publics ont été concentrés sur le développement des renouvelables électriques avec peu d’effet sur les émissions carbonées. Le photovoltaique et l’éolien ont des émissions de CO2 légèrement supérieures au nucléaire (base carbone ADEME). Remplacer l’un par l’autre, au-delà des difficultés techniques et économiques, ne contribue pas à l’enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les politiques énergie-climat menées par tous les précédents gouvernements organisent en fait la privatisation des services publics

Dans les faits, ces politiques publiques se sont principalement consacrées à transformer le modèle économique du service public sous pression des directives européennes. L’électricité qui était accessible, décarbonée et disponible presque partout est devenue une marchandise soumise aux bourses spéculatives, aux investissements privés guidé par les rentes garanties, comme avec le développement des cogénérations gaz.

La réalité des politiques publiques conduites par tous les gouvernements successifs de gauche comme de droite, avec des ministres de l’environnement socialistes, centristes, de droite ou écologistes, a été la privatisation et la marchandisation.

  • privatisation du fret ferroviaire
  • casse du statut de la SNCF et éclatement pour sa privatisation
  • casse du statut d’EDF et réformes successives de privatisation jusqu’au projet Hercule, qui consiste au démantèlement de l’entreprise
  • désengagement d’Engie de son métier essentiel, la fourniture de gaz naturel en France, ou l’investissement pour sa décarbonation (biogaz) pour utiliser les réseaux comme « rente financière ».
  • appels d’offres juteux de l’éolien dont les marges sont dénoncées même par la cour des comptes
  • soutien anarchique au développement du photovoltaïque privé ("votre toit vous enrichit") soumis à la mondialisation et détruisant les tentatives de développement de filière solaire en France

Il faut une autre politique climat-énergie !

Une autre politique climat-énergie n’est pas d’abord une question technique, de choix entre telle ou telle source de production, ou telle ou telle moyen de diffusion. Il faut bien évidemment assurer un mix ouvert à toutes les technologies existantes, innover et tester des technologies nouvelles, car personne ne sait exactement où en seront sciences et techniques dans 40 ans.

Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut

  • sortir de la marchandisation en considérant l’énergie d’abord comme un "droit" de chaque homme à pouvoir se nourrir, se déplacer, se loger, se cultiver, se distraire…
  • sortir de la concurrence des intérêts privés en reconstruisant un grand service public, assurant l’accès de tous à une énergie décarbonée, accessible, sûre et propre.
  • sortir de la mondialisation capitaliste des grands groupes et du pillage mondial des ressources naturelles en imposant des coopérations dans l’intérêt commun pour réduire la spéculation et les activités parasitaires autour de l’économie "extractive".

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