Exemple du principe du « logement d’abord », formule pour dire que les personnes sans domiciles ont droit d’abord à un logement et que les centres d’hébergement ne doivent pas être la première solution. Il est vrai que les solutions d’hébergement peuvent être un piège quand la personne hébergée n’arrive pas malgré les années à en sortir pour retrouver un droit au logement « normal ». Sauf que cela concerne souvent des personnes qui font face à diverses difficultés, sociales, familiales ou psychologiques et que les structures d’hébergement ont souvent des capacités et l’expérience d’accompagnement des personnes pour faire face à ces diverses difficultés.
Théoriquement, le « logement d’abord » peut aussi proposer un accompagnement avec des associations pour aider la personne à bien s’installer dans son logement pour résoudre petit à petit ses difficultés. Mais la réalité est que le système logement de l’état comme l’ensemble des services sociaux de la métropole ou des communes sont totalement débordés par le nombre de situations d’urgences, de demandes prioritaires, et de besoin d’accompagnement.
C’est ainsi que Mr L, très connu des services sociaux, de psychiatrie, de police, après des années de vie à la rue ou en prison, est placé par la préfecture dans un « logement d’abord » par une attribution DALO, accompagné par une association. Personne n’a vraiment évalué les difficultés de Mr L et le besoin d’accompagnement, et la commission DALO n’a même pas signalé le risque. L’association découvre la difficulté en tentant de travailler avec monsieur L. et au bout de deux mois, son salarié démissionne et l’association doit annoncer qu’elle ne peut assurer l’accompagnement prévu.
Monsieur L. est dans un logement, mais comme s’il était toujours à la rue, les conflits avec ses voisins se multiplient, monsieur se promène avec deux chiens, un couteau, et à chaque occasion insulte, menace, agresse verbalement… Tous les services publics sont alertés, la police intervient et les agents confirment que la personne est dangereuse. Cela dure des mois, les locataires font des pétitions, alertent leur bailleur, la police, la mairie… Une procédure de placement d’office est étudiée, il faut pour cela l’avis d’un médecin ou des faits graves justifiant une mesure de police… Or, comme le disent les voisins, tant qu’il n’a tué personne, on ne peut pas prouver qu’il est dangereux…
J’ai alerté toutes les autorités et même évoqué cette situation directement dans des réunions logement en préfecture…
L’association met fin au bail et monsieur se retrouve donc sans droit ni titre, le bailleur engage une procédure d’expulsion qui aboutit après un an. L’expulsion est difficile, monsieur plante une hache dans la porte à coté de l’huissier. Il est interpellé, présenté à l’hôpital psychiatrique qui ne sait pas quoi en faire, présenté au procureur qui ne sait pas quoi en faire, puis relâché à la fin de la garde à vue.
Il est dehors, retour à la case départ, le logement d’abord est redevenu « la rue d’abord », car personne ne sait quoi organiser pour cette personne.
Je l’ai dit en conférence intercommunale du logement, en réunion habitat à la préfecture. On ne peut pas répéter "logement d’abord’ sans avoir un vrai retour des difficultés de ce type et dire la vérité sur les besoins d’accompagnement.
Je disais en introduction « personne n’est sur le terrain… ». Ce n’est pas tout à fait ça… car l’élu au logement, le maire, les services de police, de la ville, ont bien été mobilisés, et j’ai eu de nombreuses occasions pour en discuter avec les riverains. Mais les services sociaux, notamment de la métropole, sont totalement débordés par les urgences sociales de toutes sortes, et sont dans l’incapacité d’assurer un vrai suivi de proximité.
Pendant ce temps, les milliards s’accumulent dans les dépenses militaires et les spéculations financières…