Car on considère presque comme logique, « normale », la survenue de drames dans des quartiers dits défavorisés… Le drame du chemin des Balmes à Vaux-en-Velin, celui de l’avenue Thorez à Vénissieux. On sait que ce sont des quartiers qui cumulent les difficultés et où se retrouvent tant de migrants sans droits, tant de travailleurs pauvres que l’injustice de leurs conditions de vie semble inscrite dans l’histoire urbaine. Cela fait quarante ans qu’on parle d’une « politique de la ville » censée réduire les inégalités territoriales…
Mais ce drame à la Part-Dieu, chez un bailleur qui logeait historiquement des cheminots, semble plus inacceptable. Car ce n’est pas une tour de quartier prioritaire où l’on suppose que les inactifs et les « cas sociaux » sont majoritaires. On n’est pas loin de la gare, à côté du plus grand centre commercial de l’agglomération, de la tour Suisse, de la tour Incity — pas des tours des Minguettes —, entre les halles Bocuse et l’auditorium que fréquentent les plus aisés, dans le centre « moderne » de Lyon, un quartier où le revenu médian est supérieur à la moyenne lyonnaise…
Et pourtant, le mal-logement et ses drames sont aussi présents ici, car ils sont partout : partout où des gens survivent avec les minima sociaux, dans la précarité généralisée du travail à temps partiel, en autoentreprise, comme ces livreurs à vélo que des consommateurs irresponsables utilisent sans s’interroger sur un modèle économique reposant sur un semi-esclavage…
J’ai souvent alerté, lors de réunions sur l’habitat métropolitain, sur cette réalité que j’estime massive : les squats de tout type, dans les parties communes comme dans les logements, les occupations sans droit ni titre, la marchandisation de la misère, l’habitat indigne invisible. C’était le premier point de mon intervention sur le projet de « PPGID » (Plan partenarial de gestion de la demande de logement), qui organise l’action métropolitaine et qui, à mon avis, prend insuffisamment en compte cette réalité.
Le pire, dans cette situation, serait de se renvoyer la balle : mais que fait le bailleur ? Que fait la ville ? Que fait la métropole ? Que fait la préfecture ? Que fait l’État ? Et ajoutons : que font les citoyens ? Je pense tout particulièrement au bailleur que ce drame bouscule, alors qu’il fait face, comme tous les bailleurs, à cette crise du mal-logement, résultat de politiques publiques successives, de gauche comme de droite, qui ont toujours affaibli le modèle français du logement social, et donc les bailleurs.
Presque tous les bailleurs subissent cette pression des squats, des occupations illicites, de la marchandisation parfois criminelle des marchands de sommeil, de ceux qui organisent les squats, ainsi que la pression des milliers de personnes cherchant désespérément un abri. Leurs agents, leurs gardiens, leurs gestionnaires de sites, leurs conseillers sociaux font face, tentent de prévenir, de réparer, d’accompagner. Mais la violence de la rue est trop forte, et les moyens financiers des bailleurs ne suivent pas : ils sont presque tous dans le rouge depuis 2023 !
Ce nouveau drame peut-il provoquer un réveil ? J’en doute. Dans notre société médiatique, tout passe. Et personne n’attend grand-chose d’un gouvernement et d’un Parlement aux abois, tout entiers consacrés à leur survie, à la prochaine élection, à cette vie « politique médiatique » qu’une majorité de Français rejettent désormais.
Restent les militants du droit au logement, les élus de terrain, les maires confrontés à ces drames. Malheureusement, la période électorale interdit pratiquement toute démarche citoyenne… Il faudrait pourtant réunir toutes les forces utiles pour défendre le droit au logement, le droit à une vie digne.
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