L’histoire fera plus tard le bilan, mais ce ne serait pas rendre hommage à l’homme politique, au penseur du réformisme, au formidable débatteur public craint par tous ses contradicteurs, dans cette enceinte notamment, que de masquer nos désaccords, nos divergences, et parfois de durs combats politiques. Il avait à la fois une étonnante connaissance de si nombreux dossiers, et un sens de l’histoire au cœur de tout engagement politique. Porté au siège de maire par l’union de la gauche, il a construit un régime politique élargi, ce vieux projet d’un centre progressiste qui avait échoué avec Deferre en 1969 et qu’il a pu construire pendant 20 ans à Lyon, déstabilisant ses adversaires comme ses alliés, les communistes s’en souviennent en 2014…
C’est en tentant de le porter au plan national, comme un des pères fondateurs de la macronie, qu’il a butté sur une impossibilité. Il ne peut y avoir de gauche, fut-elle centriste, sans les milieux populaires, et le capitalisme pousse toujours les contradictions à leur forme la plus violente, poussant comme il le dira en quittant le ministère de l’intérieur, à vivre face à face plutôt que cote à cote…
Il laisse ouvert ce vieux débat historique du rapport entre la gauche et les classes sociales. J’en garde un souvenir personnel dans le mandat de 2008. J’avais utilisé une citation de Marx qui m’avait valu une réplique surprenante de sa part, dénonçant l’attaque du réformiste Berstein [1] par le révolutionnaire Kautsky [2], celui pourtant dénoncé comme renégat par Lénine. Au-delà de sa culture historique et politique hors du commun, il m’avait sans équivoque rappelé le vieux débat entre réformisme et révolution, un débat qui reste plus ouvert que jamais.
En pensant à tous ses proches, je garde le souvenir de son incroyable énergie redevenu conseiller d’opposition, de notre dernière rencontre dans les couloirs de la métropole et de son tutoiement amical et souriant, malgré la maladie.