Non, Olivier, ce ne sont pas les communes qui font problème ! Enregistrer au format PDF

Mercredi 24 septembre 2014

Lors du débat sur la gestion de la demande locative, au congrès national des HLM, je suis intervenu et la réponse du vice-président Brachet m’a laissé sans voix sur l’instant. Voici en résumé mon intervention, ce que j’ai retenu de sa réponse, et mes commentaires !

Mon intervention.

Une première question plutôt technique : comment ce système informatisé de gestion des demandes va permettre d’améliorer la gestion des attributions, et notamment la transparence et l’équité des attributions ? Car je suis étonné que personne ne parle du déséquilibre qui domine entre l’offre et la demande de logement. en quelque sorte, ce système de mise en relation des demandes et des offres de logement, c’est une place de marché, mais la tension entre offre et demande se traduit dans une place de marché par la fluctuation du prix ! Or, le logement social, le logement tout court d’ailleurs, n’est pas un marché de marchandises, et la tension d’une demande très supérieure à l’offre suppose des règles,des critères de priorité. Dans la dernière commission à la quelle j’ai participé pour un petit bailleur de l’agglomération Lyonnaise, nous avons eu une demande d’un Orléanais, devant suivre un traitement anti-cancéreux de longue durée au centre Léon Bérard, et qui choisissait de chercher un logement proche de son cousin. Comment un système de règles automatisées peut prendre en compte une telle situation humaine ?

La deuxième question est plus politique et concerne les communes, car j’ai bien compris que les communes n’étaient pas pertinentes pour intervenir dans cette gestion de la demande,alors que pour les habitants, le maire et son adjoint au logement reste l’interlocuteur le plus connu. J’ai noté d’ailleurs l’utilisation répétée par plusieurs intervenants de l’expression la « tentation des politiques » d’intervenir dans les attributions. En quelque sorte, le politique est suspect, et je suppose que la technique et la gestion sont vertueuses ?

Or, je suis un militant et un élu politique, qui affirme un choix sur la politique de logement, de gestion de la demande, et je ne vois pas dans ce qui est proposé quel est le lieu du débat démocratique sur ces choix politiques. Mon objectif est de construire un vrai débat démocratique sur la politique du logement,bref, de considérer le demandeur non seulement comme un « usager » du service public [1], mais aussi comme un citoyen !

La première réponse du directeur de Est métropole Habitat, après avoir joué sur les mots techniques et politiques me répondaient que bien sûr, les commissions d’attribution devait garder la main sur les situations particulières comme celle que j’évoquais… A vrai dire, réponse très défensive puisque j’avais bien compris dans la présentation initiale du ministère que ces commissions avec présence des élus locaux n’étaient plus vraiment en odeur de sainteté, et aucun élément précis sur cette question cruciale de la transparence des critères d’attribution, renvoyés aux étapes ultérieures après la mise en œuvre de la gestion unique de la demande…

Mais la réponse de Olivier Brachet m’a fortement surpris. Elle portait principalement sur un point. Pour lui, il y a 20 ans, il y avait 5000 logements vacants dans l’agglomération car les communes refusaient de loger certaines familles, (autrement dit, les immigrés, les familles nombreuses, les pauvres…). Tout le problème venait du pouvoir des maires sur les attributions. Et depuis, avec la compétence logement de la métropole,pour lui, il n’y plus de problème. Il évoquait même un dossier qu’il conduit de relogement de 70 familles roms dans le parc social, dossier exemplaire pour lui puisqu’il ne serait pas possible si c’était les maires qui géraient les demandes de logement.

Passons sur cette idée que les élus de la Métropole serait par nature meilleurs que les élus des communes. Olivier Brachet connait trop la vie politique Lyonnaise pour penser que c’est parce qu’ils seraient plus à gauche… Il suffirait de publier l’évolution de la part de logement social chez les maires soutenant la majorité de Gérard Collomb pour se rendre compte que c’est plus compliqué. Peut-être pense-t-il qu’ils sont moins proches des électeurs donc moins sensibles aux pressions et réactions des habitants. Ce n’est pas faux, mais pour moi complètement un contresens, car moins on fait vivre la démocratie populaire, plus ce sont les plus aisés qui tirent les ficelles du système… et l’expérience des systèmes financiers, de plus en plus sophistiqués et informatisés, c’est que de nouvelle loi en nouvelle loi de « régulation », les boursicoteurs trouvent à chaque étape de nouveaux moyens de tricher. Seule la démocratie, l’intervention populaire, la mobilisation sociale, peuvent faire progresser l’égalité et la fraternité. Et ce ne sont pas les actions que conduit un vice-président, fut-il progressiste, qui renverseront cette lourde logique du système.

Mais ce qui est vraiment inacceptable dans cette réponse, c’est l’accusation des maires d’être responsable de la vacance des années 90 !. S’il y bien sûr des maires de villes riches de l’Ouest Lyonnais qui refusent depuis toujours le logement social, et qui continuent de le freiner au maximum, il faut dire que la vacance la plus forte était, avant la mise en œuvre de la politique de la ville…dans les banlieues populaires.

Nous savons tous que les Minguettes et Vénissieux ont perdu des milliers de familles et se sont retrouvés avec des centaines d’appartements vides, non pas parce que Marcel Houel puis André Gerin, ne voulaient pas loger les pauvres, mais parce que tous les pauvres qui le pouvaient fuyaient les Minguettes !

Encore une fois, c’est un point de vue technocratique qui efface une réalité sociale et économique dominante, celle des inégalités et de la crise qui se poursuit et s’approfondit. Et s’il n’y a plus de vacances dans le parc social, à quelques exceptions près, ce n’est pas parce que le Grand Lyon serait plus social que les communes, mais parce que la politique de la ville, le plan de rénovation urbaine, les conventions urbaines de cohésion sociales, etc…ont permis ce « retournement » des quartiers populaires que les politiques municipales ont ou pas organisé. Et aussi parce que ceux qui y habitent ne peuvent plus, comme dans les années 80 ou 90, partir ailleurs, car les constructions ailleurs sont trop chères, que les possibilités de construction à bas prix à moyenne distance des emplois Lyonnais sont épuisées. Je n ’oublie bien sûr pas l’impact positif des politiques publiques, et notamment à Vénissieux, sur ce « grand bond en avant » qui fait que des familles reviennent vivre aux Minguettes,que des lyonnais y viennent au cinéma, que le tram fait circuler les gens et bousculent les idées préconçues…Mais il faut avoir conscience de la gravité de la crise qui conditionne les choix de vies et de logements.

Autrement dit, l’argumentaire principal de Olivier Brachet est révélateur de l’illusion dans laquelle il s’installe. La richesse relative de l’agglomération lyonnaise, qui a depuis 2002 « asséché » les recettes fiscales professionnelles des communes en s’accaparant tout le dynamisme économique, et bénéficié en grand de la politique de la ville, a permis une certaine « redistribution » dans l’agglomération, et des effets positifs sur le logement social. Mais les ségrégations réelles, spatiales et sociales, se sont aggravées comme le montrent les études INSEE. Mais le logement d’urgence explose avec un 115 qui ne peut plus répondre à des centaines de situations insupportables humainement ! Mais ce sont toujours dans les relations avec leur commune que les habitants cherchent, parfois désespérément, une planche de salut.

Et les dernières élections municipales ont souligné avec éclat cette fracture politique aussi grande à Lyon que dans le reste de la France.

- Non, vraiment, ce ne sont pas les communes le problème, c’est un système économique qui marche sur la tête.

  • Non, vraiment, ce n’est pas la métropole qui est le remède miracle, ce sont les mobilisations populaires qui peuvent faire revivre l’espoir de la justice et de la fraternité.

[1et pas comme un client comme le disent de plus en plus certains

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