La guerre en Ukraine, trois ans après l’invasion russe, dix ans après le début de la guerre civile au Donbass, demeure une plaie ouverte au cœur de l’Europe. Derrière l’enlisement militaire et les discours belliqueux, une évidence s’impose : aucune solution purement militaire ne mettra fin à ce conflit. Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron sur « l’autonomie stratégique européenne », évoquant notamment l’éventuelle extension du parapluie nucléaire français, sont un aveu d’impuissance. Ce projet, flou et dangereux, ne répond pas aux urgences actuelles : désamorcer l’escalade, assurer la sécurité collective et penser la paix hors des logiques de blocs. Nous vivons la fin des illusions de la puissance occidentale gouvernant la planète, le temps où nous pouvions impunément bombarder Belgrade, pays européen, pour imposer la partition du Kosovo, et même bombarder l’ambassade chinoise. Ce rappel illustre à quel point le deux poids, deux mesures, délégitime tout le discours occidental, de la Palestine à la Russie.
Un million de victimes plus tard, le constat est implacable : l’escalade militariste a échoué. Les livraisons massives d’armes, censées faire barrage à l’agression russe, n’ont fait qu’alimenter une machine de guerre destructrice, affectant gravement les populations ukrainiennes, russes et européennes. Les profits record des industriels de l’armement (+29 % pour Lockheed Martin en 2024) contrastent violemment avec l’asphyxie des budgets sociaux européens, où inflation et dette publique fragilisent les services essentiels.
Cette guerre, issue d’une mondialisation capitaliste en crise, ne bénéficie à aucun peuple. Elle profite exclusivement à des minorités : oligarques russes avides de rentes énergétiques, oligarques ukrainiens détournant les aides occidentales, fonds spéculatifs tirant profit de la dette ukrainienne, et complexe militaro-industriel occidental. Tandis que les armes font des centaines de milliers de victimes sur le terrain, c’est dans les capitales, les conseils d’administration et lors de négociations opaques que se décide l’avenir de ce conflit — un avenir où l’Ukraine risque de sortir exsangue, quel que soit le camp proclamé « vainqueur ».
Les projets de « reconstruction » de l’Ukraine, souvent présentés comme un espoir, risquent de poursuivre la prédation de l’Ukraine transformée en laboratoire néolibéral dirigé par des institutions telles que BlackRock ou le FMI : accaparement des terres agricoles par des fonds spéculatifs, privatisation des infrastructures au bénéfice des multinationales, droits sociaux sacrifiés sur l’autel de la « compétitivité ». Ce scénario, déjà observé en Irak ou en Grèce, imposerait une double peine aux Ukrainiens : après la guerre, la dilapidation.
L’Europe, quant à elle, paie le prix de sa dépendance stratégique, ne voulant pas voir l’importance de ses relations à l’Est et au Sud pour son développement, soumise aux intérêts US, notamment énergétiques, allant jusqu’au ridicule, quand nous dénonçons les ingérences politiques russes au moment où un vice-président des USA fait un meeting électoral en Allemagne, et en nous taisant sur les surveillances technologiques des USA, des arrestations du patron de ALSTOM pour servir les intérêts de GE, jusqu’aux écoutes téléphoniques de nos dirigeants. Pris de court par un Donald Trump isolationniste qui entend redéployer ses forces face à la Chine, Emmanuel Macron s’est livré à une rhétorique martiale, préparant les Français à un effort de guerre. Jean-Noel Barrot affirmait dans un lycée de Nantes le 10 mars « le réarmement des esprits commence à l’école ». Habituer nos enfants à la guerre, voilà ce que propose ce gouvernement.
Mais qu’en est-il de l’effort de paix auquel aspirent tous les peuples ? L’idée d’une guerre imminente contre une Russie prête à débarquer sur les Champs-Élysées n’est que la répétition des discours anti-allemands préparant la première guerre mondiale, justement dénoncés par Jean Jaurès, malheureusement trop seuls parmi les socialistes. Ce sera la contexte de la création des partis communistes. Il faut espérer que ce discours guerrier soit du bluff pour une justification commode à des politiques d’austérité renforcées. Malheureusement, certains sont déjà prêt à chanter « Macron, nous voilà, tu nous as redonné l’espérance… » Les « corps intermédiaires » sont déjà sur le pied de guerre : Gilbert Cette, président du conseil d’orientation des retraites, estime que l’entrée dans une économie de guerre rendra dérisoire les débats sur l’âge légal à 64 ans, poussant au contraire à l’augmenter rapidement.
Alors que nos collectivités locales cherchent désespérément à faire plus avec toujours moins, et que nos services publics s’épuisent à pallier les carences, ce que le dialogue avec le collectif hébergement jeudi dernier montrait, le gouvernement fait croire qu’il pourrait être capable de mobiliser soudainement d’immenses ressources pour alimenter une escalade militaire aux objectifs incertains. Cette contradiction révèle un choix politique évident : sacrifier les besoins sociaux pour défendre une souveraineté factice, quitte à accentuer davantage les fractures internes d’une société déjà fragilisée par des crises successives. L’urgence véritable serait de reconstruire un modèle de coopération internationale fondé sur la solidarité, préservant ainsi à la fois la paix et le progrès social, plutôt que d’alimenter une spirale infinie de confrontations aux conséquences imprévisibles.
La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a les moyens de sortir de l’immobilisme. Au lieu de s’enfermer dans une rhétorique guerrière, elle doit :
- Exiger un cessez-le-feu immédiat et soutenir des négociations sous l’égide de l’ONU, en impliquant des pays non-alignés (Inde, Brésil, Afrique du Sud) ainsi que les acteurs locaux ukrainiens et russes.
- Relancer les principes d’Helsinki de 1975, affirmant l’inviolabilité des frontières, le droit des peuples à l’autodétermination, et la coopération paneuropéenne, tout en garantissant la sécurité de tous les États, y compris la Russie.
- Dialoguer activement avec les BRICS et organiser une conférence internationale sous l’égide du G20, afin de réduire le risque d’une guerre mondiale en incluant les pays du Sud global majoritaire.
La paix en Ukraine ne sera ni victoire ni capitulation, mais l’art fragile de concilier des intérêts antagonistes. À nous de refuser les simplifications dangereuses et de renouer avec notre vocation de puissance de paix, en exigeant l’arrêt immédiat des combats, en relançant le désarmement nucléaire et en construisant une sécurité européenne inclusive. Cela implique de rompre avec les logiques libérales qui ont laminé notre industrie, fragilisé notre souveraineté et jeté les peuples les uns contre les autres.
Monsieur le PrésidentJe vous fais une lettreQue vous lirez peut-êtreSi vous avez le tempsJe viens d’vous écouternous app’ler à la guerrejusqu’au feu nucléairedes milliards à payerMonsieur le PrésidentNous avons mieux à faired’urgences à satisfaireSanté et logementVous parlez de menacesoubliant nos misèresMais nous aurons l’audaced’être unis sur la terre