Depuis plusieurs années, nous intervenons sur ce rapport annuel du développement durable en insistant sur la nécessité de prendre en compte le débat public et ses contradictions, de présenter les réalisations mais aussi les limites. Cette demande éclate d’actualité dans la situation inédite que connait notre pays avec des luttes sociales qui bousculent les discours consensuels sur ces transitions écologiques qui s’imposeraient à tous, qui exigeraient des efforts de tous, et qui remettraient tout en cause, sauf bien sûr la marchandisation généralisée de tout ce qui est utile aux femmes et aux hommes.
Dès 2011,nous disions « S’il faut évidemment valoriser les succès et les avancées, il est donc indispensable d’identifier les freins et les limites, ce qui fait défaut dans le rapport ». En 2012, nous demandions une réflexion critique de l’exécutif. En 2014, je répétais que ce rapport « passe sous silence les limites, les contradictions que ces actions révèlent et dont la prise en compte conditionne pourtant toute avancée réelle avec les habitants. ». En 2015, je soulignais « une nouvelle fois l’écart entre un discours positiviste et les difficultés connues au concret par l’immense majorité des habitants ». En 2106, nous défoncions, déjà « Macron rêvant de jeunes devenant milliardaires grâce à la net-économie, pas pour résoudre les problèmes économiques et sociaux, mais pour accéder à leur jet privé… quand les 9 syndicalistes de Goodyear ont droit à 9 mois de prisons ferme. » et cette COP21 dont s’extasiait Fabius mais qui était « le comble de ce qu’est devenu la démocratie occidentale, une vaste scène médiatique dont les acteurs se désintéressent de toute vérité ».
En 2017, je vous proposais de « rêver d’une autre agglomération Lyonnaise ». J’avais tort, visiblement, nous ne pouvez rêver d’une autre société, et il faut que la société vous bouscule, comme le font les gilets jaunes, pour qu’enfin, ce cauchemar gouvernemental de l’intervention populaire éclaire les contradictions de vos politiques de développement durable…
Oui, il y a contradiction dans la loi de transition énergétique entre l’affirmation d’une volonté politique majeure et le choix de la déréglementation et du marché pour y répondre. Oui, il y a contradiction dans la loi de transition énergétique entre l’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la priorité aux mesures concernant l’électricité qui concentre les aides publiques, alors que notre électricité est déjà dé-carbonée !
Le résultat est effectivement la confusion dans le débat public et beaucoup de militants du climat qui partagent la colère sociale et cherche comment lier sincèrement fin du mois et fin du monde, ne savent comment faire avec l’appel de 60 acteurs pour les marches du climat qui dit, je cite « La hausse du prix des carburants est l’une des mesures nécessaires pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. ». Et bien non, ce qui est nécessaire et urgent, c’est l’investissement public massif dans les transports non carbonés, à commencer par le rail que ce gouvernement vient d’affaiblir avec sa réforme de la SNCF après les précédents dont le terrible bilan était la réduction de moitié du fret ferroviaire, en poursuivant par un plan global de changement d’échelle du transport en commun urbain…
De même, cet appel aux marches pour le climat continue à masquer l’urgence en affirmant je cite « refuser les fausses solutions comme le nucléaire » alors même que le dernier rapport du GIEC affirme le contraire, et que les investissements record de l’Allemagne sur les ENR électrique ne réduisent pas sa production électrique fossile. Et rien n’est dit sur les scandales et gabegies capitalistes du financement de l’éolien en mer ! Imaginons ce qu’on pourrait faire sur le logement et le transport en France avec les énormes moyens consacrés au soutien aux ENR électriques.
L’irruption des gilets jaunes a déjà conduit à rouvrir le débat public sur la pauvreté, les salaires et les prix, les fortunes, les inégalités sociales et territoriales, les militants du climat doivent rouvrir aussi le débat public de la transition énergétique.
Est-ce que ce rapport nous donne des outils pour cela ? Il semble vouloir en tout cas nous donner un observatoire dont l’ambition serait de mettre, je cite « le territoire en capacité d’anticiper les évolutions liées aux transitions environnementales, sociales, économiques, démographiques ». Et il nous propose deux sphères, l’une sur notre rapport à l’environnement, l’autre sur les rapports entre l’Homme et la société et le développement humain.
Et bien il y a une certitude, nous n’avons vraiment pas anticipé les évolutions des transitions sociales, économiques et territoriales ! Quand aux rapports entre l’homme et la société, ce qui domine, y compris la métropole, c’est la profondeur de la fracture entre les élites, les institutions, les médias et le peuple !
Pour ne prendre que quelques exemples. Comment pouvons-nous devant l’indicateur du nombre d’enfants déscolarisés, 1421 ados de 15 et 16 ans, nous contenter de constater que c’est de 0,12% inférieur à la situation nationale ?
Comment peut-on écrire pour le logement que, je cite, « La question du logement est au cœur des politiques d’aménagement, de cohésion sociale et territoriale » sans faire le lien avec une file d’attente qui a doublé en quelques années, un délai moyen d’attente qui ne cesse d’augmenter et malgré les efforts de nombreux acteurs, des situations prioritaires, des situations d’urgence toujours plus nombreuses !
Nous avions soutenu l’objectif d’un observatoire métropolitain du développement durable, mais il n’a de sens qu’en lien avec les actions de nos politiques publiques et leurs résultats ! De ce point de vue, cet observatoire n’a fait que la moitié du chemin, et comme souvent, le mieux est l’ennemi du bien, à vouloir une vue globale et détaillée, transversale et précise, on produit un document de communication difficile à appréhender et difficile donc à utiliser.
Dans sa construction, la métropole avait consulté notamment les communes, et de nombreuses communes avaient apporté leur contribution, à partir de leurs expériences propres, mais rien de leur proposition ne se retrouve dans ce qui nous est présenté, pas de territorialisation des indicateurs à l ’échelle de la commune, alors que notamment la ville de Vénissieux, avait exprimé le souhait de pouvoir inscrire ses indicateurs dans l’observatoire métropolitain. De même, rien ne facilite la contribution de cet observatoire aux démarches Citergie, ce que nous avions demandé.
Au total, une démarche qui, comme toute observation, est utile et provoquera beaucoup de discussions sur ses résultats, mais compte tenu de son ampleur et des moyens mobilisés, ne correspond pas aux urgences actuelles, ne nous aidera pas à dépasser les fractures qui traversent notre métropole comme toute notre société.
En conclusion, j’ai la conviction que pour « anticiper les évolutions liées aux transitions environnementales, sociales, économiques, démographiques », il faudra que le mouvement populaire se renforce jusqu’à bousculer l’ensemble de nos institutions, jusqu’à créer les conditions de changements réels des politiques publiques.
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