ZFE, le piège d’une politique de l’environnement dirigée par la finance et les règles européennes… Enregistrer au format PDF

Vendredi 28 mars 2025

Avec le vote de la suppression de la loi ZFE par une commission de l’assemblée nationale, le piège se referme sur l’enjeu de la qualité de l’air. Une loi mal écrite, fondée sur des a priori, sans étude d’impact social, a conduit de nombreuses collectivités locales a déployer d’énormes moyens pour tenter de mettre en œuvre un système compliqué, peu lisible pour l’habitant, tenter de compenser ses impacts sociaux, de gérer de nombreuses dérogations…

Le passage aux Crit’air 3, qui concerne des milliers d’habitants populaires interdit de circulation dans les ZFE, peut tout bousculer. Il sont près de 10 000 à Vénissieux, un tiers des automobilistes, plus de 100 000 à l’échelle de la métropole.

Les contestations s’étaient exprimés depuis deux ans, mais l’ampleur de l’impact social fait monter la pression, de plus en plus d’habitants expriment leur incompréhension, leur colère, de nombreux élus interviennent pour obtenir un délai…

Les élus communistes ont alerté depuis le début sur le risque de noyer l’objectif légitime de la qualité de l’air dans des contraintes inefficaces et injustes, dans un système technocratique impossible à comprendre pour le citoyen. La gauche a beaucoup discuté, sans arriver à des conditions socialement acceptables. Au final, les élus communistes métropolitains ont voté contre la mise en œuvre de cette loi, malheureusement seuls à gauche.

Résultat, comble de l’ironie politique, à l’assemblée c’est la droite extrême et l’extrême-droite qui en profite pour se présenter en défenseur des milieux populaires, votant pour la suppression des ZFE, alors qu’en conseil de métropole, le 17 mars dernier, la droite proposait un vœu qui disait être pour la ZFE, et demandait le rétablissement par le gouvernement des aides au changement de véhicule….

On ne sait pas si ce vote en commission se traduira par un vote final de l’assemblée nationale. Ce n’est pas impossible. Certes, le gouvernement défend les ZFE. Elles avaient été créée par la loi d’orientation des mobilités de 2019, votée par les seuls parlementaires de la majorité macroniste ! [1]. Aujourd’hui il n’y a plus de majorité macroniste à l’assemblée.

Michèle Picard avait écrit au ministre, les communistes demandaient depuis des mois l’annulation de cette loi pour la réécrire totalement, en gardant l’objectif de la qualité de l’air, mais en redéfinissant les étiquettes « Crit’Air » à partir des contrôles techniques et pas seulement de l’âge du véhicule, et en supprimant le volet « sanction » injuste et illégitime.

Donc, la suppression peut sembler un succès, mais ce serait évidemment un recul de ne plus se fixer d’objectifs pour améliorer la qualité de l’air !

C’est le piège de cette vie politique qui ne s’occupe que du buzz médiatique, des effets d’annonce, qui instrumentalise toutes les questions concrètes en débats politiciens. Certains votent contre une loi quand ils sont dans l’opposition, puis la défende quand il sont dans la majorité, ou votent pour à l’assemblée, mais dénoncent dans leur commune, ou encore votent pour à l’assemblée européenne, et dénoncent en France.

Au passage, l’argument des sanctions européennes contre la France qui ne fait pas assez pour atteindre les objectifs européens de qualité de l’air est terrible. Pour certains, il fallait faire les ZFE pour ne pas être sanctionné par l’U.E.. Mais quand cette même U.E. annonce 800 milliards pour la guerre, qui lui demande l’impact sur le climat et la qualité de l’air ? Cette Union Européenne est une vaste fumisterie et ses réglementations technocratiques des impasses. C’est un enjeu démocratique essentiel de s’émanciper et de retrouver la souveraineté des décisions nationales.

C’est aussi le piège d’une écologie politique qui croit s’imposer en ajoutant des taxes et des contraintes sur les habitants, plutôt que des investissements publics ! Cette conception de l’écologie tournée vers les comportements individuels, cherchant à s’imposer plutôt qu’à motiver est le résultat d’une récupération des enjeux environnementaux par des majorités gouvernementales sous domination de la finance. Cela a commencé dès l’accord électoral entre Hollande et les écologistes, accélérant la privatisation de l’énergie, s’est poursuivi avec Macron cachant la finance derrière des évènements médiatiques comme la « convention citoyenne pour le climat » vite oubliée. L’écologie médiatique est devenu un prétexte, un argument publicitaire utilisée par les grandes entreprises, les publicitaires et beaucoup de forces politiques.

Pendant ce temps, les conditions de vies concrètes se dégradent pour beaucoup, notamment pour l’adaptation au changement climatique, de plus en plus inégale ! Car ce que cette écologie des « bons gestes » ne dit pas, c’est que la première des mesures écologiques, c’est d’avancer vers la justice sociale, vers l’égalité !

Comment demander à une personne dans le mal logement, sans domicile, ou en suroccupation aggravée, ou dans une passoire thermique, de faire attention à son impact carbone ? Comment demander à une famille au RSA de refuser l’offre alimentaire de mauvais « eco-score » du hard discount quand elle n’arrive pas à se nourrir ? Comment demander à un travailleur de ne plus utiliser sa voiture pour aller travailler quand il lui faudrait 3 ou 4 fois plus de temps pour y aller en transport en commun ? Et comment demander aux millions de salariés pauvres de changer de véhicule ?

Il faut vraiment une « révolution », un changement complet de la vie politique, de son contenu pour une politique tournée vers l’intérêt du plus grand nombre, et de son fonctionnement pour réinventer une démocratie malade. Il faut le dire, les institutions actuelles sont totalement dépassées ! Et pour l’instant, la gauche reste divisée sur le fonds de son projet politique. On peut le voir sur l’enjeu prioritaire de la guerre. Les communistes dénoncent la fuite en avant militariste, et malheureusement, beaucoup à gauche la justifie sans reconnaître qu’elle implique d’abandonner toute ambition sociale comme environnementale !

Je le dis en toute franchise à tous les militants de gauche, et surtout à tout le monde du travail, à tous les milieux populaires, rien ne viendra d’en haut ! Pour bousculer ce piège médiatique et politicien, il faut un large mouvement populaire, des millions de citoyens qui s’organisent, discutent, proposent, vérifient, et surtout font le lien avec l’expérience pratique, leur expérience pratique. Nous n’avons pas besoin d’un débat en chambre, genre plein de conventions citoyennes organisées par les institutions pour produire un rapport de plus. Nous avons besoin de citoyens organisés qui interviennent dans les décisions concrètes, mesurent les résultats, tiennent compte des erreurs, des ratés, pour corriger les décisions…

En attendant pour ces ZFE, il faut ré ouvrir le chantier d’une vrai loi pour la qualité de l’air, à partir de l’enjeu sanitaire, y compris donc de l’enjeu des moyens de santé publique, et des enjeux de chauffage en accélérant le développement des réseaux de chaleur urbain et des pompes à chaleur ailleurs, et des enjeux de mobilité avec le développement du rail et des transports en commun…

C’est d’ailleurs ce que porte le plan climat des communistes « empreintes 2050 » dont la deuxième version doit sortir prochainement…

[1Mais la création des ZFE n’était que l’article 86, du troisième chapitre du titre IV, presqu’un détail dans cette loi qui portait aussi sur la programmation des investissements et la gouvernance des mobilités…

Revenir en haut