Vendre des logements HLM ? dans l’intérêt de qui ? Enregistrer au format PDF

Jeudi 10 octobre 2019

J’ai participé le 29 septembre dernier à une rencontre de présentation de la « vente de logements HLM » organisée par le vice-président de la métropole Michel Le Faou.

La présentation a été illustrative des contradictions de la politique gouvernementale que la métropole veut bien sûr mettre en œuvre mais qui se heurte aux réalités économique, sociales et urbaines… dont la fragilisation des bailleurs sociaux confirmée par la dernière conférence des présidents des trois offices métropolitains.

Michel Le Faou a présenté la démarche mise en place par la métropole pour organiser la vente de logements sociaux aux occupants.

La vente de HLM à ses occupants est possible depuis longtemps, mais elle ne concernait jusqu’à maintenant que très peu de logements, car ce n’est pas simple… Ainsi, à Vénissieux, des logements vendus dans une tour de l’avenue Thorez ont conduit à une situation difficile pour les ménages propriétaires, minoritaires dans un immeuble dont la majorité des parts restent au bailleur… Visiblement, ils avaient beaucoup de difficultés à se faire entendre. Des maisons HLM de la rue du sablon, vers la piscine intercommunale, sont en vente depuis 10 ans pour leurs habitants. La ville l’a autorisé pour tenir compte d’un site particulier, d’habitat individuel, et de demandes d’habitants, mais pour l’instant, seulement la moitié des maisons ont été effectivement vendues… Au total, en France, on ne vendait « que » 8000 logements HLM par an, alors qu’on en construisait autour de 100 000 ces dernières années [1]

Car un habitant peut se dire que c’est intéressant de rembourser un emprunt plutôt que de payer un loyer, mais il faut tenir compte de tout ! Il y a les charges nouvelles quand on devient propriétaire, et il prévoir payer les travaux futurs, donc l’estimation est très importante ; réhabilitation thermique, réfection des toitures ou des descentes d’eaux usées… Les gestionnaires d’immeubles savent bien qu’il faut un budget de maintenance annuel et prévoir une réhabilitation d’un immeuble tous les 20/25 ans !

Mais comme le gouvernement a piqué dans la caisse des bailleurs sociaux, les bailleurs sont dans le rouge, et ont besoin d’argent… le gouvernement leur dit donc « vendez ! »

La présentation de la métropole a le mérite de la franchise, le gouvernement a prélevé 6 milliards en 3 ans sur l’argent des bailleurs. C’est même le directeur général du bailleur métropolitain LMH qui a détaillé cet affaiblissement des bailleurs. Je lui ai fait remarquer qu’on était content qu’il le dise en 2019, mais qu’il aurait du le dire avant le vote de la loi, car tout le monde le savait, et qu’il s’était bien gardé de le dénoncer, ou même de prévenir ses locataires !

Les bailleurs sont donc incités par la loi à vendre des logements et ils doivent même inscrire dans un document contractuel, la « convention d’utilité sociale » (CUS), un chapitre sur leurs objectifs de vente. La plupart des bailleurs ont donc informé la métropole de leurs objectifs… Au total, 12375 logements à vendre, dont 4122 encours et 8253 nouveaux… Cela représente trois ans de construction de logement social dans la métropole !

Le document métropolitain fait état de 5024 autorisations, s’ajoutant donc aux 4122 en cours et de 3127 refus… mais ne parle plus des encours pour en conclure que sa décision n’aurait qu’un impact limité ne représentant que une année de construction…

Ce qui est amusant, c’est que le directeur général de LMH reprendra l’argument gouvernemental, « avec la vente de un logement, on peut en construire 3… ! » un chiffre dont j’ai déjà dit qu’il était fantaisiste, mais admettons, sauf que cela devrait donc conduire à accélérer la construction ! Si la métropole autorise à vendre 4000 logements sociaux, alors elle doit ajouter 12000 logements à construire ! Sinon, elle nous confirme ce que nous savons tous. Non seulement les bailleurs n’ont pas les moyens de construire 12000 logements, mais ils ne peuvent même plus financer les 4000 logements annuels prévus par la métropole ! C’est ce que disent les présidents des Offices métropolitains. La vente a seulement pour objectif de maintenir le niveau actuel de construction, en compensant le désengagement de l’état.

La méthode de travail proposée par la métropole

Michel Le Faou a donc présenté la méthode de travail proposé par la métropole. Si les logements à vendre sont inscrits dans la convention d’utilité sociale (« CUS ») du bailleur, alors, les ventes sont autorisées. La décision est donc renvoyée aux partenaires qui signent la CUS… Sachant que ces CUS contiennent aussi le plan stratégique du bailleur, sa politique sociale, d’attribution, de relation avec les locataires… Il sera difficile de tout refuser à cause du seul chapitre « ventes HLM »…

Si la vente n’a pas été inscrite dans la CUS, alors le bailleur doit solliciter l’avis de la métropole qui doit solliciter l’avis des communes. Dans les communes qui ont peu de logements sociaux, celles qui sont en dessous du seuil de la loi SRU de 25% de logements sociaux, l’avis du maire est obligatoirement respecté. Mais dans toutes les autres communes, dont Vénissieux, l’avis du maire n’est que consultatif, et la métropole peut autoriser la vente.

J’ai demandé au vice-président Le Faou si la métropole avait l’intention de tenir compte de l’avis des maires, elle en a la possibilité. Il n’a pas souhaité me répondre sur ce point et le document présenté prévoit que c’est justement le vice-président de la métropole qui décide…

Les critères de décision pour autoriser une vente

La métropole propose une « charte de bonnes pratiques » avec les bailleurs pour organiser la vente de logements HLM afin d’accompagner des locataires dans leur parcours résidentiel… Le bâtiment doit être en bon état technique, et notamment énergétique. Les locataires ont la garantie du maintien dans leur logement, les locataires du parc social sont prioritaires et il faut limiter la vente aux investisseurs et le risque de spéculation foncière. Il faut faire attention au taux d’effort des ménages et s’engager à leur racheter le logement en cas de difficulté. Les prix de vente aux occupants doivent être « préférentiels ». Le bailleur devra rester dans la durée impliqué dans la gestion…

Michel Le Faou a précisé aussi que bien évidemment, l’objectif n’était pas de vendre du logement social dans un quartier où il n’y en a pas beaucoup. La difficulté est que c’est pourtant là qu’ils sont le plus facilement « vendables », et qu’à l’inverse, il sera très difficile de trouver un acquéreur pour un logement social dans un quartier prioritaire de la ville… Pour le vérifier, il suffit d’ailleurs de regarder la carte des sites concernés par les propositions de vente des bailleurs. A Vénissieux, les ventes sont principalement proposées au Moulin à Vent et à Parilly…

Toutes ces règles sont évidemment utiles, mais elles conduisent en gros la métropole à valider 61% des propositions des bailleurs. Autrement dit, elles sont peu sélectives…

A quelles conditions peut-on accepter de telles ventes de logement social ?

Je suis intervenu à cette rencontre, après le maire de Bron et de Villeurbanne qui ont tous deux critiqué cette politique de vente de logement, mais aussi le maire de Limonest qui se demandait à quoi sert pour un bailleur de vendre du logement d’un coté alors qu’il est conduit parfois dans le même quartier a acheter des logements sociaux en « VEFA » dans des immeubles privés ?

Si on ajoute les inquiétudes exprimées par le vice-président Le Faou sur le risque de création de copropriétés fragiles, qui peuvent devenir des copropriétés dégradées plus tard, le fait est que la ville de Vénissieux n’est pas du tout isolée dans la métropole sur ce sujet !

Nous dénonçons clairement le principe de compenser la fragilisation des bailleurs par la vente de leur actif. Le gouvernement avait déjà fait le coup du « endettez-vous » aux bailleurs, comme si la dette publique n’était plus un problème. Il ajoute le cynisme de la vente des bijoux de famille pour maintenir l’activité. Le résultat est clair, le logement social en recul !

Cela dit, nous savons que des habitants peuvent être tentés par l’aventure de l’accession, surtout si elle se fait dans de bonnes conditions, et donc nous pouvons étudier les conditions pour qu’une opération soit réellement d’intérêt général. Nous avions d’ailleurs déjà écrit à la métropole pour un premier avis, avant cette réunion du 29 septembre.

D’abord, nous voulons renforcer les critères « techniques » avec deux points précis.

  • Le premier est qu’aucun logement « passoire thermique » ne doit être vendu avant d’être complètement réhabilité pour en faire un logement aux normes actuelles. Autrement dit, on ne peut vendre que des logements de classe thermique A ou B [2]]], et éventuellement de catégorie C avec des explications sur les raisons techniques de cette classe.
  • le deuxième est que la future copropriété doit être réellement autonome de ses décisions sur ses espaces extérieurs, résidentialisation, stationnement, points de collecte… Le plus simple étant que le site à vendre soit déjà résidentialisé, avec son propre stationnement, son propre accès, son propre point de collecte…

Ensuite, nous voulons être plus sécurisé sur les critères sociaux des habitants.

  • Il est utile de prévoir un filet de sécurité, mais s’il faut l’activer trop souvent, il risque de noyer tout le monde ! Il faut donc des critères objectifs sur la capacité de la grande majorité des locataires concernés à assumer les charges d’acquéreur. On peut le mesurer par la mesure des capacités d’investissement des locataires. en demandant que la grande majorité des locataires ne dépasse pas un taux d’effort de 30%, charges comprises.

Enfin, si des logements sont vendus, alors ils doivent être reconstitués !

  • Le gouvernement nous dit qu’on peut faire trois logements neufs pour un vendu, nous savons que c’est du discours, mais nous considérons que cela vaut le coup si on peut réellement en faire deux. Donc nous demandons que tout bailleur vendant un logement social, s’engage à en construire deux neufs rapidement dans la commune, et si possible, dans le même quartier.

[1avant les réformes Macron… qui ont fait chuter la construction !

[2moins de 90kwh/m2

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