Mais malgré le cadre très orienté de cette consultation, il reste que beaucoup des actions proposées sont pertinentes, car elles sont indispensables pour réduire les gaspillages et donc le volume total de déchets à collecter et traiter… C’est un vrai enjeu pour un service public qui fait beaucoup discuter, au moment ou certains, de droite et de gauche comme on dit chez les macronistes, veulent le transformer en un service marchand qui ne serait plus financé par la fiscalité (la taxe appelée TEOM que les anti-impôts de la CANOL [3] attaquent depuis des années…)
C’est pourquoi je propose à tous de participer à cette consultation…
Un nouveau programme, qui fait suite à un premier. quel bilan ?
Ma première remarque porte sur le contexte de ce nouveau programme, qui fait suite au plan stratégique de gestion des déchets 2007-2017 qui comportait notamment l’objectif d’« agir sur le gisement », c’est à dire de viser la réduction des déchets produits par ménage. Le résultat est significatif avec 7% de réduction entre 2009 et 2015, soit 22kg par habitant.
Mais le projet actuel n’aborde pas la question des inégalités sociales et territoriales dans cette réduction des déchets ni les difficultés constatées dans le plan précédent qui sont pourtant révélatrices des freins qu’il faut surmonter.
Commençons par le bilan… Si les premiers efforts de 2005 à 2013 ont été concluants, avec le plus gros de la baisse de 7% affichée dans le projet, les résultat stagnent plutôt depuis comme le montre ce graphe issu du rapport annuel sur la qualité du service public des déchets.

La production de déchets par habitant n’a baissé que de 0,2% en 2016 et surtout, la part de collecte sélective a elle baissé pour la troisième année consécutive, tandis que la qualité du tri se dégradait.

L’élaboration du nouveau plan devrait commencer par une analyse détaillée des causes de ces difficultés.
Concernant les inégalités sociales, la métropole a pourtant fait réaliser en 2012 une étude détaillée sur le contenu de nos poubelles qui montraient les fortes différenciations entre quartiers… Cette étude ne faisait que confirmer la maxime du grand géographe déja cité « Montrez-moi ce que vous rejetez et je comprendrai qui vous êtes et comment vous travaillez »… Or, cette étude n’est citée que pour ses résultat sglobaux sur le contenu des poublles, sans utiliser la connaissance détaillée des déchets selon les situations sociales et urbaines. Or cette connaissance détaillée est un atout pour conduire et orienter les actions visant à leur réduction ! Il faudrait prendre en compte cette étude pour conduire des études permettant de mieux comprendre ainsi le lien entre consommation et déchets, et « cibler » des actions sur les territoires ou elles sont le plus pertinentes…
Les modalités d’élaboration de ce projet…
Le travail préparatoire a été important avec 75 personnes auditionnées et une commission de 6 élus métropolitains, principalement de l’exécutif, mais sans représentation de tous les groupes politiques, ce qui fait que la gauche est écartée du travail de préparation, dont bien sûr le groupe communiste et républicain. Il existe pourtant un groupe de travail « déchets » ou tous les groupes sont représentés…
On ne peut que le regretter, même si désormais la consultation permet à tous de s’exprimer. [4]
Le plan d’action proposé
La liste des 14 thèmes prioritaires contient des actions de communication et sensibilisation, des actions visant un flux de déchets spécifique (compostage) et des actions visant à mieux organiser les acteurs du cycle des déchets (achat durable)…
Il me semble que le projet n’aborde pas suffisament l’enjeu de l’innovation sur les produits et les modes de distribution à parti d’analyses comparatives entre différents solutions… Pour moi, la réduction des déchets n’est pas qu’une question de comportement individuel… Et on ne peut séparer la réduction des déchets de leur traitement, comme le montre bien le compostage !
Pour chaque flux significatif de l’étude sur le contenu de nos poubelles, il faut interroger le lien entre la production de déchets et leur traitement, pour identifier et supprimer les gaspillages et favoriser le meilleur traitement des déchets…
- Les putrescibles avec 29%, en gros tout ce qui vient de ce qu’on mange… Le compostage est naturellement mis en avant, mais il faut interroger le compostage local, (dans l’idéal, chacun chez soi ou en pied d’immeuble), solution pertinente pour sa dimension pédagogique, mais qui a le gros inconvénient d’être un facteur important d’émission de gaz à effet de serre ! Faut-il alors réouvrir le dossier d’une collecte séparée des putrescibles ?
- Les emballages avec 22%, qui sont bien évidemment très lié au mode de distribution… Sur ce sujet, l’action auprès des réseaux de distribution semble absent, de même qu’un travail autour des marchés pour aller vers la généralisation des sacs non jetables…
- Les textiles sanitaires avec 13%, dont tous les non-tissés, couches, mouchoirs.. voire mon commentaire introductif… Je sais que ces déchets sont une vraie difficulté pour nos réseaux d’eau car on en jette beaucoup sur la voie publique qui se retrouvent dans les réseaux d’assainissement et les bouchent. Mais je ne crois pas qu’on puisse dire de manière indifférenciée « supprimer les textiles sanitaires ! ». Ils sont par exemple une nécessité absolue dans la santé !
- Les papiers et imprimés publicitaires avec 12% [5]. Si la réduction des publicités papiers est urgente, faut-il vraiment supprimer le papier en général ? au profit du numérique ? Une des questions posées par les jeunes en service civique serait de revenir à l’ardoise en classe pour réduire l’impact environnemental d’une généralisation du numérique ! Le coût environnemental de la lecture numérique n’est pas nécessairement bien meilleure que celle de la lecture papier ! Autrement dit, mieux vaut un papier recyclé et une gestion circulaire de la production de papier et de la gestion des forêts que la suppression du papier !
De fait, il faudrait une forme d’observatoire des usages et des techniques permettant de partager une connaissance des alternatives à un déchet, des solutions qui existent sur la conception du produit ou du service qui génère le déchet, sur sa production et sa distribution, et sur son cycle complet de vie, pour faire apparaitre sur chaque usage la ou les « bonnes pratiques » qui sont le meilleur compromis entre la qualité d’usage, le coût économique, et le coût environnemental complet.. et donc de faire apparaitre aussi les « mauvaises pratiques » qu’il faudrait réduire… voire interdire !
Les objectifs de réduction…
Compte tenu de toutes ces remarques, l’objectif général de réduction des déchets de -1,5% par an me parait peu adapté, d’autant plus qu’il est très éloigné du dernier chiffre connu, -0,2% entre 2015 et 2016… Sans le construire à partir de choix plus précis selon les déchets et les actions décidées, il fait office d’un « voeu » comme les 1,5°C pour l’évolution du climat, qui est plus l’enjeu d’un débat médiatique que d’une vraie décision politique. Pour le climat, je pense que l’engagement sur la réduction de l’usage des fossiles dans la production électrique devrait être le principal indicateur mondial à suivre ! Concernant les déchets, c’est d’abord la part des déchets non recyclés qui doit nous préoccuper, c’est celle là qu’il faut réduire, soit qu’on réduise le déchet à la source, soit qu’on trouve comment le trier et le valoriser !
De plus, cet objectif annuel me fait irrésistiblement penser aux gestionnaires d’entreprises qui ont l’objectif de « réduire les coûts de 5% par an »… Au bout d’un moment, il ne leur reste plus qu’à fermer boutique à force de réduire des ressources jusqu’à leur destruction…
L’objectif de 1,5% par an, appliqué depuis le dernier chiffre connu, 297,4kg/habitant en 2016, conduirait à 193,3kg/habitant en 2024, soit une réduction de 33%… Visiblement, les moyens accordés à cette politique, centrée sur la sensibilisation et les comportements des citoyens sont totalement insuffisants pour espérer atteindre un tel objectif !
Au total, je connais et comprends l’engagement de nombreux acteurs pour sortir de ce qu’on peut appeler une « culture du déchet », et je suis le premier à pester contre les comportements inciviques de ceux qui croient qu’un bien dont on ne veut plus n’est qu’un rebus à jeter dans l’espace public ! Bien évidemment, le service public de la collecte ne peut être construit pour de telles incivilités, voire délits. Mais cela ne veut pas dire qu’il faudrait "réduire régulièrement la collecte de déchets jusqu’à un monde idéal sans déchets qui n’existe pas !
En tout cas, si ce débat de fonds est nécessaire, il est aussi utile au concret pour prioriser les actions qui répondent aux urgences telles qu’elles sont vécues dans les territoires, prenant en compte les modes de consommation. Ce projet devrait lui donner plus de place.
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