Mais il ne faut pas en rester à ce coté magique, un peu comme le smartphone conduit à des échanges sans valeur du genre "t’es où, je suis là"… Il faut comprendre l’ampleur de cette révolution qu’il faut appeler la révolution du calcul.
La révolution scientifique et technique du 19e a produit l’industrialisation, l’énergie, la mondialisation capitaliste, des guerres et des révolutions, et un impact climatique qui nous bouscule. Elle se poursuit vers la maîtrise de la fusion, la prise en compte des enjeux environnementaux….
Mais aujourd’hui, la révolution est dans l’immatériel, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique, et même en mathématique, où un théorème fondamental d’unification historique vient d’être publié fin 2024, une étape du « programme de Langlands » qui fait cogiter des milliers de mathématiciens de toute la planète, démontrée par une équipe dirigée par un mathématicien moldave éduqué au Tadjikistan, diplômé à Tel Aviv, professeur à Harvard et travaillant à Bonn…De telles avancées mathématiques accompagnent toujours des grandes avancées dans d’autres sciences, je vous conseille pour le comprendre la conférence d’un grand matheux français, Alain Connes "Mathématiques du monde quantique" que vous trouvez sur youtube. Je fais le pari que le vieux rêve des physiciens d’une théorie unifiée de la relativité et du quantique sera résolu prochainement, avec des conséquences qu’on ne peut soupçonner. Je vous rappelle que sans mécanique quantique, nous n’aurions pas d’électronique….
Un mot encore sur la puissance de calcul dont on parle. J’ai enfin compris récemment, à partir de la chaîne youtube quantum. Comme l’informatique quantique ne repose plus sur des 1 et des 0 bien séparés, mais les traite ensemble dans un état de superposition, ce qu’on appelle un "bit quantique" ou qubit, si une porte logique quantique traite 3 qubits, elle calcule 8 possibilités, si elle traite 10 éléments, elle calcule 1024 possibilités… bref, elle traite 2 puissance n valeurs possibles en une seule étape. Récemment, la Chine vient d’annoncer son ordinateur quantique avec 105 "qubits", comme google en 2024. Au passage, c’est un signe de plus du basculement du monde,. Nous avons oublié que la Chine il y a 10 ans était tout en bas de la chaîne de valeur mondiale, produisant en masse du textile et des meubles de mauvaise qualité. Elle organise aujourd’hui une alternative scientifique et technique au bloc occidental, et le site incyber.org évoquait récemment l’alliance quantique des BRICS. Mais avez vous une idée de la complexité qui se cache derrière 2 puissance 105 ? Et bien, les physiciens estiment qu’il y aurait 2 puissance 80 atomes dans l’univers, un milliard de milliards de milliards… [1] Un ordinateur quantique de 105 qubits pourrait donc calculer un problème d’une taille valant un milliard d’univers, bref, il pourrait donc simuler pas à pas la totalité de l’univers… Bon, il faut pour cela que les qubits restent intriqués, cette autre propriété quantique qui fait que tant qu’on ne les perturbe pas, les éléments intriqués restent cohérents indépendamment de leur distance… Et c’est toute la difficulté, car dès qu’on les perturbe, tout s’effondre et l’ordinateur n’est plus quantique…
Le théorème d’unification mathématique et l’informatique quantique sont les pointes avancées de cette révolution scientifique du calcul qui va massivement automatiser ce qui nous semblait le propre de l’humain… Cela fait peur. Comment faire confiance à une image, à une vidéo, qui peuvent être fabriquées par une IA. La guerre peut être conduite par des robots et qui maîtrisera Hal, l’ordinateur fou de l’odyssée de l’espace ?
Pourtant, la première révolution scientifique a automatisé les efforts physiques, mais il n’y a jamais eu autant de sportifs ! Et on bat chaque année des records sportifs, des millions de pratiquants font des Triathlons qui feraient peur à leurs arrières-grands-parents, sans compter les développement des sports de combats ou la beauté dansante de l’escalade olympique…
L’informatique devait tuer le livre, mais il a remplacé les CD et les DVD dans les supermarchés culturels ! et la musique est partout, pas seulement avec sa fête, mais avec toujours plus de groupes, de musiciens, des millions d’amateurs en France, un record de 32 millions d’entrée dans les festivals et concerts, après la chute du confinement, et dix fois plus d’intermittents du spectacle vivant qu’en 1983, malgré la réforme de 2006 durcissant le statut…
Alors, si l’humanité en s’est pas atrophiée en confiant l’énergie aux machines, pourquoi devrait-elle s’abêtir en leur confiant le calcul ? Ce qui est sûr, c’est que le travail industriel ou agricole a été largement libéré de l’esclavage physique, même si beaucoup reste à faire. L’enjeu premier du siècle, c’est la formation de tous pour un travail libéré du répétitif et du formulaire, centré sur la créativité, le sens et les relations humaines. Et vous sentez que j’en reviens au SITIV !
Je crois que le terme de révolution du calcul est beaucoup plus pertinent que celui d’intelligence artificielle, qui est très mensonger. Car elle n’a rien d’artificielle, il y a derrière des millions d’humains qui ont travaillé pour produire les données et organiser l’apprentissage ! et elle n’a rien d’intelligent, elle ne nous dit que ce qui a déjà été produit, plus précisément, ce qui est vraisemblable par rapport à tout ce qui a été déjà produit ! C’est un incroyable outil pour fabriquer… des mensonges crédibles ! Mais c’est un fantastique outil pour écrire plus vite, résumer, traduire, transcrire, présenter, imager, ordonner, classer.
Tout dépend de qui décide, et pour revenir enfin au SITIV, nous avons décidé qu’on ne pouvait pas laisser ce sujet se diffuser en pratique, et on peut faire confiance aux jeunes et aux passionnés pour essayer, sans que les institutions décident comment et pourquoi elles veulent s’en servir, sans garantir les droits des auteurs, des usagers, des agents, mais aussi des auteurs et des sources de ces océans de données qui sont nécessaires à l’apprentissage. Il me semble que les élus doivent donc s’en saisir notamment pour répondre à la question du pourquoi. Nous aurons certainement cette année un évènement tourné vers les élus, peut-être construit avec les territoires numériques ouverts, et je proposerai au prochain comité syndical d’inscrire pour la première fois une ligne budgétaire sur une action à construire sur l’intelligence artificielle.
Alors, je vous souhaite au nom du comité syndical et de tout le SITIV nos meilleurs voeux 2025 en espérant que cette nouvelle révolution du calcul poussent à des transformations économiques et sociales aussi importantes que la mondialisation capitaliste du 19e siècle. Permettez-moi de rêver à une société de coopérations et d’égalités, de codes ouverts et de données publiques, d’un numérique partagé et responsable, dans une société du temps retrouvé avec la semaine de 4 fois 7 heures et la retraite à 60 ans. Il faudrait pour cela sortir des guerres et inventer une démocratie libérée de la médiatisation marchande… de quoi chercher à être utile en 2025.