Quand faudra-t-il faire une sérologie COVID19 ?

Sérologies SARS-CoV-2 COVID19, pourquoi ? Chez qui ? Enregistrer au format PDF

par Dominique Dupagne, médecin et bloggeur
Mercredi 13 mai 2020

Voilà un excellent article d’un médecin que je ne connais pas mais dont je vous conseille le site internet. Sous forme d’un dialogue avec un patient qui nous est très parlant !

Je m’interrogeais beaucoup sur ces tests sérologiques dont on parle. Il y a même des commerciaux qui contactent la ville pour nous en vendre ! Le dernier proposé était de 36€ pour 20 000 tests, soit un petit million d’euros… Mais cet article confirme que pour l’instant, ce n’est pas pertinent au plan individuel, et que par contre, l’état devrait s’en servir pour étudier la diffusion de l’épidémie dans les zones à risques et les « cluster » où de nombreux cas sont détectés… [1]


Quand faudra-t-il faire une sérologie COVID19 ?

Le déconfinement arrive, et avec lui, une avalanche de demandes d’ordonnances pour faire une analyse sérologique au laboratoire et savoir si l’on a été contaminé ou non par le SARS-CoV-2. Ce n’est pas aussi simple. J’ai choisi la forme d’un dialogue avec un patient pour expliquer la problématique de ces tests.

Bonjour, docteur, comment allez-vous ? Avec moi, ça va être rapide, je viens juste chercher une ordonnance de test pour le Covid

Je vais bien merci, mais pourquoi voulez-vous faire ce test ?

Et ben pour savoir si j’ai eu le COVID-19 !

J’imagine que vous voulez vérifier si vous avez été contaminé, parce que si c’est le cas, vous seriez sûr de ne plus risquer de tomber malade et de ne plus pouvoir contaminer vos proches ?

Oui, c’est bien à ça que ça sert ?

Les tests sérologiques peuvent en effet servir à ça, mais là, pas vraiment.

Comment ça ?

Le test sérologique au laboratoire consiste à détecter et doser dans votre sang les anticorps que votre système immunitaire a fabriqué contre certains antigènes spécifiques de ce virus. Ces antigènes sont des morceaux de virus caractéristiques du SARS-Cov-2 qui permettent de ne pas le confondre avec un autre virus. Ce test s’appelle une sérologie.

C’est bien ce que j’avais compris, et donc c’est une sérologie que je veux. On m’a dit qu’elle n’est pas remboursée mais qu’on peut la faire avec une ordonnance.

Oui, cela coûte une quarantaire d’euros. Mais avant de vous prescrire cette analyse, il faut que vous sachiez des choses importantes. Tout d’abord, si la sérologie montre la présence d’anticorps, cela ne veut pas dire que vous êtes immunisé contre le virus.

Comment ça, mais vous venez de me dire le contraire ?

Je vous ai dit que la sérologie détecte et mesure un taux d’anticorps spécifiques. Leur présence éventuelle signifiera que votre organisme a rencontré le virus, c’est une “trace de passage”, mais cela ne veut pas dire avec certitude que votre organisme est protégé à court terme contre une nouvelle infection. C’est probable, mais pas sûr à 100%.

Ah bon, même si on a beaucoup d’anticorps ?

Oui, on ne connaît pas le seuil, le taux minimal qui permettrait d’affirmer qu’il existe une protection suffisante. On n’a pas assez de recul pour le dire actuellement.

Ah zut, c’est justement pour ça que je voulais faire le test !

Et ce n’est pas tout, il y a anticorps et anticorps…

C’est quoi ça encore ?

Il y a les anticorps “signature”, ceux qui prouvent votre contact avec le virus, mais ce qui est intéressant, c’est de connaître votre taux d’anticorps “neutralisants”, c’est à dire capable de tuer le virus.

Ce ne sont pas les mêmes ?

Non. Les analyses sérologiques qui permettent d’évaluer le caractère neutralisant des anticorps sont différentes de celles utilisés en routine. Il faut pour cela tester l’effet de votre sérum sur des virus vivants, c’est assez compliqué.

Ah bon, il y a aussi plusieurs test sérologiques ?

Oui, plusieurs centaines, de différents types, et à différents stades de leur validation par les Agences sanitaires de différents pays. Ceux qui sont disponibles actuellement en laboratoire de ville sont des tests qui détectent uniquement des anticorps “signature”.

Ça devient compliqué !

C’est pour ça que je voulais en parler avec vous. Nous en sommes au tout début de l’histoire de ces sérologies SARS-CoV-2.
Et en plus leur fiabilité n’est pas parfaite.

Comment ça ? Ils ne sont pas fiables à 100% ?

Non, comme la majorité des tests.
Les critères imposés en France sont une sensibilité de 90% et une spécificité de 98%.

Bon ben ça paraît pas mal… Mais ça veut dire quoi ?

Ça veut dire que le test détecte des anticorps spécifiques du SARS-CoV-2 chez 90% des gens qui l’ont attrapé, et n’en détecte pas chez 98% de ceux qui ne l’ont pas eu. C’est bien, mais cela veut dire aussi que 10% des contaminés auront un test négatif à tort, et que 2% des non-contaminés auront un test positif à tort.

OK, ça me paraît acceptable. On le fait quand même ?

Si vous voulez, mais je vous conseille d’attendre pour pouvoir choisir le meilleur test plutôt que le premier disponible. C’est l’affaire d’une dizaine de jours pour y voir plus clair. D’ailleurs, à ma connaissance, vous n’avez jamais eu aucun symptôme de COVID-19 ?

Non, mais je l’ai peut-être eu sans m’en rendre compte, c’est fréquent, non ?

Oui, mais les sérologies actuelles sont peu utiles dans votre cas.

Et pourquoi ça ?

Je vous ai parlé d’une spécificité de 98% pour les tests actuels, c’est à dire que 2% des gens non contaminés ont une sérologie positive à tort. Et bien si on fait cette sérologie chez quelqu’un comme vous, qui n’a a priori qu’environ une “chance” sur cent d’avoir été contaminé, un résultat positif est peu fiable. En effet, si on réalise une sérologie chez 100 personnes dans votre situation, il y aura un contaminé qui sera positif, mais aussi 2% de faux positifs chez les 99 autres. Deux non-contaminés seront positifs aussi, mais à tort. Cela veut dire qu’en moyenne, si on réalise le test chez 100 sujets comparables à vous, il y aura trois positifs, dont un seul contaminé.

J’ai rien compris…

Bon, c’est vrai que c’est un peu compliqué, cela veut dire que si vous êtes positif, vous n’aurez qu’une “chance” sur trois d’avoir été réellement contaminé, 33%, ce qui n’est pas très intéressant.

La capacité du test à faire un bon diagnostic n’est pas la même chez ceux qui ont eu des symptômes et les chez les autres. Le même type de calcul montre qu’en revanche, chez un sujet qui a eu des symptômes typiques de la malade COVID-19, un test positif indique une probabilité d’avoir été contaminé supérieure à 90%. Là, ça vaut le coup de le faire pour confirmer l’infection si on n’a pas eu de test PCR (nasal) pendant la maladie (voir le tableau plus bas)

Et les futurs tests seront meilleurs ?

Oui, on annonce pour bientôt des tests sensibles à 100% et spécifiques à 99%.

Bon, je vais peut-être attendre alors…

C’est ce que je vous conseille. Dans une quinzaine de jours, la situation sera plus claire. Les meilleurs tests seront identifiés et disponibles en ville. De toute façon, comme le test, quel qu’il soit, ne permettra pas d’avoir la certitude d’être immunisé/protégé efficacement, il faudra continuer à respecter les mesures barrières jusqu’à nouvel ordre.

Informations complémentaires

Il faut environ quinze jours après les premiers symptômes pour que les anticorps atteignent un taux suffisant pour être détectés de façon fiable. Les tests sérologiques ne sont pas destinés à faire le diagnostic chez un sujet malade. Dans ce cas, on peut utiliser en cas de doute le test nasal qui détecte la présence du virus (PCR).
Je ne tiens pas compte des indications officielles du test sérologique telles que précisées par la HAS. J’estime que chacun, après une information claire, doit pouvoir réaliser un test à ses frais s’il le désire. Il n’y aura pas de pénurie de tests sérologiques.
J’ai expliqué qu’un test positif chez un sujet n’ayant jamais été malade n’a que 33% de “chance” d’être fiable. En revanche, un test négatif affirme à 99,9% l’absence de contamination. Chez ceux qui n’ont eu aucun symptôme, seul un résultat négatif est digne de confiance. En revanche, chez un sujet qui a été malade, un test positif est très fiable (et un test négatif aussi). Voici un tableau qui en dit plus :

Pour ceux qui veulent approfondir, trois sources importantes :

- Un communiqué de l’Institut Pasteur.

- Un rapport de la Haute Autorité de Santé, moins synthétique, mais très complet.

- Une analyse ’profonde’ et passionnante de la problématique des anticorps dans les maladies à coronavirus/

Cet article sera mis à jour régulièrement. Suivez-moi sur Twitter pour être informé

Vous pouvez également lire ma synthèse sur la maladie COVID19 https://www.atoute.org/n/article383.html

[1voir cet article scientifique plus difficile à lire sur la vide des idées « que nous disent les sérologies »

Voir en ligne : Site du médecin Dominique Dupagne

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