la découverte en pratique de « TERRE ET HUMANISME » Enregistrer au format PDF

Dimanche 5 décembre 2021 — Dernier ajout lundi 6 décembre 2021

Le décès de Pierre Rhabi fait couler beaucoup d’encres. On ne peut que respecter la personne et ses proches, et les polémiques sur son histoire personnelle sont mal venues dans ce contexte, mais ses idées souvent mises en avant restent bien sûr après lui, et elles méritent d’être discutées, tant l’agriculture est un enjeu primordial de tout projet de société, autant pour le climat que pour les inégalités sociales.

De ce point de vue, il est important de faire comprendre pourquoi sa conception de l’agroécologie est une illusion, et, plus grave encore, une impasse profondément réactionnaire pour la planète, pour les humains et pour les paysans.

La visite effectuée dans sa ferme en Ardèche il y a quelques années par une association pour l’information scientifique est sans doute un peu ancienne, mais elle interroge les pratiques agricoles réelles de cette expérience. Ce n’est évidemment pas à partir de là qu’on peut faire évoluer les pratiques agricoles, ni même inspirer des politiques publiques pour une « agroécologie ». Pourtant, des idées évoquées dans cette expérience sont essentielles, et notamment de considérer le sol comme la vraie richesse, la vraie source de la production, et dont la biodiversité est la clé, alors que l’agro-chimie occidentale le considère simplement comme une surface vide dont on fait ce qu’on veut. Mais respecter le sol pour ne pas produire de quoi nourrir l’humanité est une impasse !

D’autant que les travaux de recherche et les expériences pratiques sur l’agroforestation, l’agroécologie, la permaculture sont nombreux, et parfois anciens. C’est ce que montre l’exemple bien connu de l’agriculture biologique à Cuba, tout comme l’impressionnante activité de recherche agricole de l’INRAE ou de manière surprenante ce que révèle un biologiste dans un livre sur l’histoire de l’écologie soviétique

Une alternative à l’agrochimie occidentale développée sous pression US et au cœur de la politique agricole commune est une urgence, mais elle ne peut exister qu’en cherchant comment nourrir correctement 10 milliards d’êtres humains. Et heureusement il y a de nombreuses expériences utiles. Ce n’est pas le cas des idées de Pierre Rhabi.

« TERRE ET HUMANISME » : 

NOTRE VISITE CHEZ DES AGROECOLOGUES ARDECHOIS

Le 19 juillet 2012, le site Bastamag publiait un article d’Agnès Rousseaux et d’Ivan Du Roy, intitulé : « s’initier à l’agroécologie : mode d’emploi ».

Cet article fait l’éloge d’une ferme expérimentale, le mas de Beaulieu, de l’association « Terre et Humanisme », situé en Ardèche sur la commune de Lablachère et qui existe depuis 1998.

http://www.bastamag.net/article2556.html

La production du « mas de Beaulieu » n’aurait, avec 4 fois moins d’eau et sans recourir aux pesticides ni aux engrais chimiques, rien à envier aux productions « classiques », c’est-à-dire intensives… Ce « véritable laboratoire des techniques agroécologiques » produirait 2 tonnes de fruits et légumes par an qui permettraient de préparer 5000 repas par an pour les 175 stagiaires et 150 bénévoles.

Leur réussite serait tellement importante que « Terre et Humanisme » commencerait à intervenir dans les lycées agricoles. L’article se termine en affirmant que l’on peut aussi apprendre à faire pousser des tomates en plein hiver sans source d’énergie externe…

Il n’en fallait pas plus pour nous décider à aller visiter ce lieu exceptionnel pour combler notre curiosité.

Le lundi 27 août à 10h00, le parking de la ferme est plein pour ce jour de visite. Et effectivement, de l’autre côté de la route, la parcelle est remplie de belles vignes comme le faisaient « les anciens ».

Nous sommes une bonne vingtaine de personnes. L’accueil est sympathique. On nous invite à nous asseoir à l’ombre sur des bancs disposés en rond, où l’on nous offre à boire et des chapeaux pour la balade dans le jardin.

Nous sommes reçus par deux salariés de TetH. Julie, une des jardinières qui s’occupe du travail du sol, des semis, des plants, des plantations, de la récolte des semences, et des transformations et Alexandre, qui est responsable de la communication et du site web. Ils invitent les visiteurs à se présenter et à expliquer en quelques mots leurs motivations à venir visiter le site.

Beaucoup de gens se disent « curieux » et veulent voir comment TetH s’y prend, comment ils règlent tel ou tel problème (par exemple : la question de l’arrosage en cette période de sécheresse, ou comment ils ont « revitalisé » le sol). Quelques-uns parlent de leur jardin, mais personne ne semble vouloir se lancer en agriculture (si ce n’est pour un jardin). Parmi les visiteurs, les plus explicites sont aussi ceux qui feront le plus d’interventions [en dehors de Afis 07]dans la visite, et déclarent être partie prenante d’actions de solidarité avec des paysans dans des pays pauvres (Indonésie ou Afrique).

Le responsable de la communication de l’association commence son intervention de présentation de TetH.

L’association est née en 1994, d’abord sous le nom des « Amis de Pierre Rabhi », mais, à la demande de celui-ci, le nom change en 1998 pour éviter de donner l’impression d’un culte de la personnalité. La biographie de Pierre Rabhi est rapidement évoquée.

Le Mas de Beaulieu est acheté en 1998. La surface du lieu correspond à moins d’un hectare. « Ce qui fait qu’on a très peu d’espace pour cultiver, donc c’est avant tout un lieu d’expérimentation, et un lieu de production aussi, quand même, malgré tout, puisque ça permet de nourrir en partie les bénévoles et les stagiaires ; et un lieu où l’on essaie de construire des rapports humains différents ».

« La mission vraiment de Terre et Humanisme, c’est de diffuser et transmettre l’agroécologie, que ce soit en France ou à l’international ».

TetH accueille entre 150 et 170 bénévoles par an. Ils ont beaucoup de demandes, alors ils limitent la durée de bénévolat… à une ou deux semaines. D’ailleurs sur le site, il est indiqué que c’est complet jusqu’en octobre. On apprend aussi sur le site dans le chapitre « devenez bénévole », que le bénévole s’engage à travailler 6 heures minimum par jour, « La durée de participation aux activités est de 6 heures minimum par jour (début de la journée de travail de bonne heure pendant l’été !) », mais aussi qu’il doit « Une participation solidaire aux frais inhérents à votre séjour vous sera demandée : 4 euros par jour en période de formation, 3 euros hors période de formation » en plus de l’obligation d’adhérer à l’association pour 16 euros [1].

Petit calcul : 10 jours X 6 heures par jour X 150 personnes = 9 000 heures de travail gratuit par an. Souvent les employeurs se plaignent du coût trop élevé de la main-d’œuvre en France, même lorsqu’elle est au SMIC, TetH a trouvé une solution à ce problème et sait comment faire travailler les gens gratuitement.

Les bénévoles sont hébergés en camping s’ils le souhaitent. Ils ont accès à des salles de bain, à des toilettes sèches et à une cuisine, d’ailleurs TetH « met la nourriture de base à disposition des bénévoles (céréales, légumineuses, huile, condiments, sucre, thé, café…). »

« Ils participent vraiment à la vie de l’association : ils travaillent dans les jardins, mais aussi à l’intérieur [par exemple pour la transformation des produits récoltés] ».

Plus fort encore :parfois la main d’œuvre paie pour travailler ! « Transmission aussi par le biais de formation, puisque nous avons chaque année 200 stagiaires qui viennent suivre une formation d’une semaine à Terre et Humanisme. (…) ça, c’est une de nos ressources principales.

On veut bien croire que c’est l’une des ressources importantes de TetH lorsque l’on regarde les tarifs pratiqués [2] 

Pour un stage d’initiation à l’agroécologie d’une durée de 5 jours, le prix minimum est de 350 euros, mais si on le souhaite, on peut payer davantage, bien sûr. Prenons le tarif du stage le moins onéreux et multiplions-le par le nombre de stagiaires reçus par an : 200 X 350 = 70 000 + 3 200 d’adhésion obligatoire + le temps de travail, car comme nous le verrons un stagiaire à TetH a un travail réellement productif, c’est pas mal, non ?

L’association vit aussi grâce à ses adhérents et donateurs et grâce aux souscripteurs du livret Agir mis en place par le Crédit Coopératif, banque « éthique et solidaire ». Les souscripteurs du livret choisissent de partager leurs intérêts avec une association de leur choix. « ça nous permet de mener nos actions de sensibilisation en France et des programmes à l’International »

Le chargé de communication de TetH finit son exposé par une présentation des projets de solidarité internationale : Mali, Burkina Faso, Sénégal, Maroc, Cameroun. Les membres de l’association ont l’air très attachés au fait que ces projets sont portés par les paysans africains eux-mêmes. Ils ont souvent lieu dans des zones très sèches, mais « Le Cameroun, ça nous permet d’expérimenter et de tester les techniques agroécologiques dans un milieu complètement différent, un milieu tropical humide avec de très bonnes terres. Au Cameroun, ils ne sont pas en recherche d’autonomie alimentaire, c’est le grenier à blé de l’Afrique, mais ils sont plutôt dans une recherche de préservation des sols et de lutte contre les intrants chimiques ». Louables intentions, même si l’on a du mal à comprendre dans cette présentation quelles sont les qualifications particulières de l’association et de ses membres pour aller former/aider des paysans à l’autre bout du monde. D’autant plus que nous parlons là de paysans qui, par le simple règne de la nécessité, sont habitués aux méthodes agronomiques traditionnelles adaptées à leurs sols particuliers, et qui se passent dans la grande majorité des cas de tout intrant chimique… faute de pouvoir se les payer ! La présentation en reste au niveau des principes et présuppose (comme si cela allait de soi) que les Français de Terre et Humanisme ont quelque chose à apprendre aux paysans maliens ou burkinabés…

Puis Alexandre nous donne une définition de l’agroécologie. « C’est à la fois un ensemble de pratiques agricoles et une éthique de vie. » Pratiques agricoles : « on aborde le maraîchage et la nature dans son ensemble de manière globale, c’est-à-dire qu’on essaie de ne pas séparer les différentes composantes de la nature, et l’homme en fait partie, il n’est pas le centre de l’univers. On essaie vraiment de redéfinir le rapport homme/nature.  » pratique agricole fondée sur « la préservation et la régénération des sols » et la nécessité de « recréer le lien qui manque avec la terre ». Un peu plus tard, nous revenons sur le mot « agroécologie » :

  • AFIS07 [3] : 
  • vous utilisez le mot agroécologie, c’est quoi la différence avec le bio, c’est la même chose ou pas ?
  • TetH  : pour nous, il y a 2 cultures biologiques, la culture bio qui répond à la demande actuelle qui est vraiment, presque exponentielle avec une forte croissance et donc cette agriculture, elle reprend les mêmes défauts que l’agriculture productiviste à niveau industriel. C’est-à-dire que l’on va cultiver, on va faire de la monoculture, on va pas forcément s’occuper de la vie du sol c’est-à-dire qu’on supprime les engrais chimiques, mais on va mettre des engrais organiques sans s’occuper de l’équilibre des sols. C’est vrai qu’il y a une dimension sociale (dans l’agroécologie…). Quelqu’un qui travaille en agroécologie, par exemple « nature et progrès », eux travaillent dans une ferme, déjà c’est une ferme, on parle de ferme, on ne parle pas d’exploitation. Exploitation ça veut dire qu’on exploite la terre, ça veut dire qu’on exploite les individus, on exploite les animaux, on tire parti vraiment d’eux. C’est vraiment plus travailler, avoir une ferme qui soit à taille humaine, c’est vraiment une agriculture à taille humaine et c’est ça qui est intéressant, c’est-à-dire que tout le monde doit être quelque part en harmonie homme/ nature. L’homme avec sa terre, l’homme avec les produits qu’il produit. C’est vraiment cet aspect humain qui nous différencie d’une culture biologique(…). Je suis allé en Espagne l’année dernière et j’ai vu des fermes, enfin des exploitations, enfin c’est des immenses serres avec aucune vie du sol, des endroits complètement arides en dehors des serres bien sûr. Enfin pour moi ce n’est pas de l’agriculture bio ça, ce n’est pas possible.
  • AFIS07 : si je comprends la différence, pour un consommateur, ça serait de dire que pour le consommateur il peut acheter son produit bio dans un supermarché, mais s’il voulait se nourrir selon vos principes, il faudrait qu’il le fasse lui-même en fait, il faut qu’il fasse son jardin ?
  • TetH  : non c’est pas seulement lui-même, par exemple il y a des solutions qui sont très simples. Il y a beaucoup d’AMAP. Les AMAP, c’est des associations qui donnent aux consommateurs le choix déjà de consommer local. Les produits des AMAP, c’est toujours dans un périmètre limité, la zone de production et ça leur permet de soutenir une agriculture à taille humaine. Les AMAP, ce ne sont pas des gros producteurs, ce sont des petits producteurs qui font tout un panel de produits. La solution est toute simple, en tout cas le bio des supermarchés c’est une chose qu’on ne soutient pas du tout et on ne se reconnaît pas de cette pratique parce que c’est une logique productiviste. 

Ces agroécologistes disent se différencier de l’autre culture « bio productiviste » par une éthique qui prend en compte l’aspect humain et social et prend ses distances avec le monde du business. Ils semblent pourtant ne pas avoir de problème moral lorsqu’il s’agit de trouver de l’argent en passant par « l’épargne solidaire » :

  • Le crédit coopératif qui permet de faire une souscription est actuellement en plein conflit social avec l’ensemble des syndicats. Ils demandent, ce qui pourrait surprendre, plus de justice sociale : « La direction doit mettre en adéquation les valeurs morales, éthiques et solidaires qu’elle affiche sur ses communications commerciales et marketing avec le traitement qu’elle réserve à ses salariés. »  [4]
  • « Epargne en conscience » fondée par Josette Amor, est l’autre organisme pour financer TetH ». « La CGPI a convaincu le Crédit coopératif d’intégrer, parmi les bénéficiaires de son Livret de partage Agir, l’association Terre et Humanisme, fondée par son ami et mentor Pierre Rabhi, agriculteur, écrivain et penseur français. L’association reçoit 350 000 € de dons annuels par ce Livret, via 4 300 souscripteurs. Soit autant de clients potentiels pour Josette Amor.  » [5]

Alors bien sûr, il faut bien de l’argent pour monter des projets divers et on peut comprendre qu’ils peuvent « pour la cause » brader leurs soi-disant principes et accepter l’argent du monde financier, responsable d’une crise qui aggrave les conditions de vie des populations et ainsi que celles des paysans. Tout le monde le fait, en faisant un emprunt pour sa maison ou sa voiture. Mais ce lien avec le monde du business est-il vraiment limité à cet apport financier ? Pas si sûr… :

Pierre Rahbi, l’initiateur et président d’honneur de TetH, a des relations avec de grandes entreprises. Avec son association Colibris, il fait de la publicité pour Ecover, devenu le premier fabricant mondial de produits d’entretien 100% écologiques [6].

On y trouve aussi de la pub pour Weleda, Jardin Bio et d’autres qui ont financé sa campagne 2012 « tous candidats » [7].

Sur le site de la fondation Rabhi, crée sous l’égide de la fondation de France, et dont TetH est l’une des structures historiques, ont trouve parmi les membres fondateurs des noms tels que :

  • François Lemarchand, fondateur de Nature et Découverte, 472e fortune de France [8]
  • Charles Kloboukoff, président fondateur du groupe Léa Nature [9]
  • Jacques Rocher,ancien président de la fondation Yves Rocher et actuel « Directeur du développement durable et de la prospective » du groupe Yves Rocher, 26e fortune de France avec sa famille, selon le magazine Challenges. [10]
  • Et une princesse, Constance de Polignac. C’est charmant… on se croirait dans Gala. [11]

Dans le comité exécutif de cette fondation Rabhi, on trouve le directeur général du WWF, Serge Orru, qui est un grand spécialiste du « Greenwashing » et du partenariat avec de grandes entreprises, qui en contrepartie d’un financement de l’association bénéficient d’un redressement de leur image de marque [12].

Tout cela pour tout dire que la réalité, non seulement agronomique, mais aussi financière, est forcément un peu plus complexe que ce qui nous a été présenté.

Mais revenons à notre discussion d’avant visite…

La conversation porte sur la critique de l’agriculture bio « intensive », qui n’est pas celle que veut promouvoir Terre et Humanisme. Le problème des rendements ne semble inquiéter ni les intervenants de l’association, ni les gens du public qui interviennent. L’un d’eux explique que quand on convertit en bio un sol qui a été « dévitalisé » par les pratiques de l’agriculture conventionnelle, forcément les rendements chutent dans un premier temps (ce qui explique le prix des produits bio), mais qu’ensuite, au fur et à mesure que le sol se revitalise, les rendements augmentent. Ce que confirme le porte-parole de l’association, qui en profite pour expliquer la manière dont eux surveillent l’évolution de leurs propres rendements (pendant que les AFISiens présents se demandent à haute voix pourquoi diable les agriculteurs conventionnels continuent à dépenser autant d’argent en intrants coûteux, si c’est si simple et que ce n’est qu’une question de « revitalisation »…) :

 TetH  : c’est vrai qu’au début il n’y avait pas vraiment un surplus de production, mais là au bout d’un moment le sol a été retravaillé donc sur ce jardin, par exemple, qui est là vraiment depuis six ans, on commence maintenant à avoir de bons résultats et on a pu faire une moyenne. On pèse nos légumes, jardin par jardin, sorte de légumes par sorte de légumes pour bien voir ce qu’on a. Je n’ai pas les chiffres en tête comme ça [c’est dommage, pour un responsable de la communication. On constatera par la suite qu’en fait personne ne les a en tête, les chiffres], mais on en a parlé au printemps dernier avec un maraîcher bio, mais qui travaille dans l’esprit du sol pas en intensif et on lui a donné les chiffres et il a dit que pour le type de terrain, et aussi avec le peu d’eau qu’on avait, c’est un peu notre limite à nous, on avait une production qui était à peine au-dessus de la moyenne, qui était honorable pour le type de terrain. Maintenant on a cherché à optimiser l’utilisation de l’eau depuis deux ans justement après cette rencontre. Parce qu’on s’est rendu compte qu’on voulait cultiver tout, tout ce qui était cultivable et en définitive on ne faisait pas de rapport avec la quantité d’eau qu’on avait. On ne voyait pas si c’était équilibré et on a vu que ce n’était pas équilibré et on a vu que le coût de production à ce moment-là il y a deux ans trois ans étaient en dessous de ce que ça aurait pu être donc on a réduit les surfaces de culture pour que l’eau soit suffisante pour les légumes plantés. Là on a vu qu’on a eu un meilleur rendement du coup en poids global avec une surface réduite et en optimisant, en mettant des ombrières et en veillant vraiment au paillage, en étant très sérieux sur le paillage, en plantant plus d’arbres, au au fur et à mesure les arbres grandissent pour recréer un écosystème avec l’ombre, les buissons. »

Nous orientons alors la discussion sur ce qui nous semble être le fond du problème, avant même de voir les jardins eux-mêmes [qui nous réservent bien des surprises…] :

  • AFIS07  : Et si on voulait s’installer c’est-à-dire j’ai envie de faire une ferme comme ça et d’en vivre, pas de faire une expérience, d’en vivre. Quelle est la surface pour faire de la production et vendre ?
  • TetH  : 4 à 5 ha. Il faut faire attention, avec 4 à 5 ha, car tu te retrouves vite à être…. fatigué !!!
  • AFIS07  : Oui parce qu’après, la question, c’est le travail. Vous, vous avez beaucoup de bénévoles qui viennent travailler, ça doit vous aider beaucoup tous les bénévoles qui travaillent sur votre hectare
  • TetH  : ça, j’en parlerai après, car il y a un truc important avec le bénévolat. Ça nous aide beaucoup et en même temps, nous on est un lieu de transmission, on ne travaille pas pendant 8H par jour
  • AFIS07  : Si je veux m’installer comme paysan, donc, je dois dépenser mon travail… quelle surface il me faut et quelle quantité de travail il faut injecter pour arriver à sortir au bout du compte de quoi vendre sur le marché d’à côté, suffisamment pour en vivre, pour avoir autre chose que de la nourriture ? Parce que parfois il faut s’acheter un peu de carburant. On peut vivre chichement, sobriété heureuse tout ça, mais moi je ne suis pas assez bon en plomberie, il va falloir que je paye le plombier quand il vient faire une réparation chez moi
  • TetH  : quand on parle de 4 à 5 ha, c’est pas uniquement 4 à 5 ha en maraîchage, bien sûr, c’est-à-dire que pour avoir un maraîchage pour avoir des sols vous êtes obligés d’avoir des animaux, du coup si vous avez des animaux il faut les nourrir en hiver donc c’est avoir des terres en été, avoir des céréales, de la paille. Voilà c’est tout un ensemble, c’est une ferme polyculture élevage
  • AFIS07  : C’est énorme 4 à 5 ha pour ici
  • TetH  : Oui, oui, c’est vrai
  • AFIS07  : vous arrivez vraiment avoir les mêmes rendements que l’agriculture intensive ? Vous ne pouvez pas me donner des chiffres ?
  • TetH  : je ne les ai pas là et je ne suis pas quelqu’un qui mémorise. On parle de sobriété,c’est-à-dire que si on reste avec nos modes de consommation actuelle il est évident que c’est un modèle qui n’est pas soutenable de toute façon. La preuve, c’est qu’il faut deux ou trois planètes pour un américain… Donc c’est sur ces changements en agriculture, elles doivent s’accompagner aussi d’un changement dans la société. Ça, c’est évident, on ne peut pas continuer à vivre au-dessus des moyens de la planète.
  • AFIS07  : Mais le changement, c’est plus de gens qui doivent être paysans ? Parce qu’aujourd’hui on est descendu à 3 %, un peu moins de 3 % de la population active qui est paysanne. Parce que les rendements ont tellement augmenté, la productivité du travail a tellement augmenté, avec un tracteur sur des grandes surfaces, c’est pour ça qu’il y a très peu de paysans, enfin par rapport à ce que c’était. Si on n’appliquait votre modèle à la France, il n’y aurait plus 3 % de paysans, il y aurait beaucoup plus de paysans dans la société. On retrouverait ce lien que vous dites à la nature par le fait que beaucoup de gens seraient paysans, mais ce que j’aimerais comprendre c’est ce que vous, vous dégagez comme surplus. Combien de personnes ça peut nourrir ? Par exemple si un paysan réussit à nourrir une personne de plus que lui, ça veut dire que c’est 50 % de la population qui doit être paysan pour que tout le monde mange à sa faim. J’aimerais savoir sur votre expérience, sur votre ferme expérimentale, combien vous nourrissez de personnes en plus que ceux qui travaillent dessus, pour voir quelle proportion de la population devrait être paysans dans le modèle de société ?
  • TetH  : Bah, nous, c’est biaisé. Nous par exemple les salariés, on mange seulement le midi… Les bénévoles restent plus, il y a des apports extérieurs parce qu’ici on n’est pas autonomes, il y a trop de passage
  • AFIS07  : Alors ça marche pas ?
  • TetH  : Si, mais…
  • AFIS07  : Si vous, vous n’êtes même pas autonomes, vous ne pouvez pas nourrir d’autres gens !
  • TetH  : Mais non, mais parce que…

Un visiteur [non AFIS] rappelle que selon Pierre Rabhi, un jardin de 200 m² bien exploité nourrit 4 personnes. On en apprend alors un peu plus sur ce que la production du Mas de Beaulieu permet de nourrir :

  • TetH : On est à peu près autonomes en légumes pour ce qui est le midi pour les salariés donc on est quand même de 9 à 12 salariés à manger le midi toute l’année. Après de mars à octobre, il y a les bénévoles qui mangent le midi et le soir donc on est autonome en légumes, mais pas en fruits, exceptés en légumes les pommes de terre les carottes et les oignons. Nous, on n’a pas assez de surface pour faire de grandes cultures d’oignons. Avec du surplus, on arrive quand même à faire des conserves, des confitures et après on donne une partie qui est à peu près, je dirais, un gros tiers des légumes pour les stages où il y a à peu près 32 semaines de stage par année et avec six jours de stage ça comprend les stagiaires qui sont entre 8 et 12 et le midi les salariés et les bénévoles. On produit à peu près un tiers des légumes pour la cuisine, disons qu’on donne tout ce qu’on peut pendant les semaines de stage à la cuisine et on essaye de gérer pour qu’il y ait des choses intéressantes aussi pendant les stages à la cuisine qui vient du jardin parce que c’est vrai, on est obligé à ce moment-là d’acheter. »

La discussion s’embrouille un peu, parce que, malgré nos questions répétées, nous n’arrivons pas à obtenir des chiffres précis sur le nombre de personnes réellement nourries ici ; ou plutôt : sur la proportion de nourriture produite au mas de Beaulieu dans la nourriture totale servie aux salariés et aux visiteurs, puisqu’il est admis par nos interlocuteurs que ladite « ferme expérimentale » n’est absolument pas autosuffisante :

  • « AFIS07  : Si vous n’arrivez pas à être en autonomie alimentaire, vous avez besoin d’apports extérieurs
  • TetH  : Sur cette surface, ce n’est pas possible, parce qu’ici il y a trop de personnes de passage
  • AFIS07  : Mais les personnes de passage ils bossent, quand même, non ?
  • TetH  : Non. Il y a les visiteurs comme vous, mais qui ne mangent pas, mais il y a les stagiaires.(…) Les stagiaires ne travaillent pas, par exemple
  • AFIS07  : Les stagiaires ne travaillent pas ?
  • TetH  : très peu, ils ont les travaux pratiques, mais on ne peut pas dire que ce soit eux qui font avancer complètement le jardin

Ainsi donc, Terre et Humanisme, qui parle ici des visiteurs et des stagiaires, mais oublie complètement les bénévoles, estime que les stagiaires ne travaillent pas vraiment et ne font pas vraiment avancer le jardin. Nous en reparlerons au cours de la visite….

Il est d’ailleurs grand temps d’aller voir les « différents types de jardin », avec notre guide Julie. En arrivant devant le premier, une personne demande quelle est la quantité d’eau utilisée pour 1 000 m2. :

  • TetH  : je ne vais pas répondre à des tas de petites questions sinon je ne pourrai pas expliquer quelque chose de global, je parlerais à une personne et pas à l’ensemble… ça, il faudrait voir avec Eric et Valou car eux ils font les comptes de l’eau et tout moi je m’en occupe pas. Ainsi donc, la responsable d’un des jardins ne sait pas quelle est la quantité d’eau utilisée, alors que la moindre utilisation de l’eau était une des performances mises en avant par Bastamag. Tout au long de la matinée, il nous a ainsi été expliqué que « c’est quelqu’un d’autre qui connaît les chiffres ».

Notre guide nous explique qu’il y a des endroits bien broussailleux, car laissés en jachère, étant donné que la surface exploitée a été réduite.

Le premier jardin que l’on découvre n’est pas lié à la production, mais il est dédié au plaisir, nous dit-elle, et ils l’appellent le jardin de la biodiversité. Beaucoup de vivaces, des petits fruits, des fleurs, des aromates. Ils laissent « le sauvage se développer en le gérant ». Ce sera le jardin le plus sympathique que nous verrons. 

Depuis cet été, ils ont installé deux petites mares faites en utilisant de grandes lessiveuses en plastiques. C’est pas très bio, mais en 24h les grenouilles sont tout de même arrivées ainsi que de nombreux insectes et libellules. TetH ne sait pas comment les grenouilles sont arrivées, mais en 24h, il semble évident qu’elles n’étaient pas très loin. Elles auraient donc survécu à ce climat si rude, sur ces terres si arides et criblées de roches que nous décrivent les auteurs de l’article de Bastamag ?

Le jardin suivant s’appelle le jardin familial, qui serait le type de jardin préconisé par Pierre Rabhi pour nourrir une famille de 4 personnes.

  •  TetH : Une petite surface qui peut être suffisante en dehors bien sûr des céréales, des pommes de terre et des oignons en grande quantité.
  • AFIS 07  : Et des animaux…
  • TetH : On l’appelle le jardin familial
  • AFIS 07  : on est d’accord : c’est cette surface entre là, entre ça et là… [nous essayons de cerner la taille de la zone]
  • TetH  : ça fait à peine 200m2
  • AFIS 07  : Mais il faut être végétarien ou végétalien puisqu’il faut encore les produits animaux
  • TetH  : On parle bien des légumes
  • AFIS 07  : Pas des fruits…
  • TetH  : Je ne vais pas mettre 3 vaches en plus là-dedans

Elle nous explique ensuite le fonctionnement du jardin :

  • TetH  : Alors, c’est un jardin qui, tous nos jardins où il y a des planches de production sont sur le principe de rotation des cultures. Du coup, vous voyez il y a un panneau « feuilles », « fruits » ici, derrière vous c’est « racines » et là-bas c’est « fleurs ». Et du coup, on crée une rotation, c’est-à-dire tout ce qui est en « fruits » cette année sera en « fleurs » l’année prochaine. Alors bien sûr c’est la culture principale de la butte parce que sur la butte elle-même on fait encore des associations. Donc ça va être par exemple « tomates » et je planterai mes tomates quand même avec des salades, du basilic, je ne sais pas moi, une ou deux courges, des œillets d’Inde pour protéger des les insectes et des vers. Ce jardin est un jardin où on travaille avec les stagiaires, on l’a dédié au stage, donc c’est vraiment un jardin. Vous demandiez tout à l’heure ce que font les stagiaires. Ben voilà eux ils ont mis en place toutes ces buttes donc on ne peut pas dire qu’ils travaillent, mais ils ont quand même fait cette partie-là
  • AFIS 07  : C’est du travail…
  • TetH : Après, nous ont fait l’entretien, on fait le suivi parce qu’ils ont planté des buttes dans la serre en bas, donc nous on a planté des buttes qui étaient en vide ici…

Donc les stagiaires ont fait les buttes dans le jardin familial, puis ils ont planté dans les buttes se trouvant dans la serre, mais TetH considère que ce n’est pas vraiment du travail puisqu’ils sont en formation.

Elle nous explique ensuite que le temps de greliner une butte dure une demi-journée. La grelinette est outil qui permettrait de ne pas retourner le sol, mais de l’aérer afin de permettre aux micro-organismes de garder leur place initiale, puis ils rajoutent du compost avant de planter et de pailler.

À ce moment-là une personne demande s’ils s’utilisent de la paille ou du foin. Elle répond que c’est de la paille et la personne fait remarquer que cela ne se désintègre pas trop. Elle nous donne donc ça méthode.

  • TetH  : alors si on la met par exemple au printemps, à l’automne elle commence un petit peu à se décomposer c’est-à-dire qu’à ce moment-là ce qui est dans les allées -car j’en mets aussi dans les allées — je vais le remettre sur les butes à l’automne je vais remettre de la nouvelle paille dans les allées et j’aurai mon sol, à la fin de l’hiver, là elle sera quasiment décomposée. 

Une nouvelle remarque se fait entendre sur le fait que la paille apporte trop de carbone à la terre.

  • TetH  : ce qui est bien c’est de semer un engrais vert de temps en temps… 

Les engrais verts qu’elle utilise sont : la phacélie, la moutarde blanche, la vesce ainsi que du sarrasin.

Elle nous indique une butte en disant :

  • TetH  : ici c’est un mélange d’engrais verts, avec des jeunes salades qui ont été mangées et des épinards sauvages, pas des épinards, des arroches, des épinards rouges, au fond. Mais malheureusement c’est les ipomées qui ont pris la place. Les ipomées sont assez envahissantes quand même donc elles ont pris une grande partie de la place. Là je vais faucher bientôt et à l’automne je peux faire de nouvelles plantations là-dessus, mais l’engrais vert, une fois fauché, on ne l’enfouit pas, on le laisse en surface, on peut l’enfouir, mais sur 2 à 3 cm et on repaille par-dessus juste pour que ça rentre en contact. À l’automne, il y a des buttes qui vont être remises en route, c’est-à-dire par exemple celle-là je vais tout faucher, je vais laisser sur place une semaine, et là je peux replanter des choses. C’était un engrais vert qui a été semé, je pense faire la même chose là-bas.
  • AFIS 07  : Quand vous dites-vous aller replanter à l’automne, qu’est-ce que vous allez planter ?
  • TetH  : Alors tous les légumes d’hivers salades, chicorées d’hivers, poireaux, choux il n’y a pas grand-chose :blette si j’en ai, choux chinois qui marche très bien.
  • AFIS 07  : Epinards ?
  • TetH  : Epinard nous on a du mal.
  • AFIS 07  : Pourquoi ?
  • TetH  : Le terrain ne leur convient pas ici, j’ai beaucoup de mal, ou alors, je ne sais pas, il faudrait planter dans ça de compost, du coup après ils sont déséquilibrés.
  • AFIS 07  : Donc poireaux, choux, blettes…
  • TetH  : Poireaux, choux, blettes, salade d’hiver en grande quantité, chou chinois qui marche très bien ici en automne…
  • AFIS 07 Et les carottes ?
  • TetH  : Les carottes on a beaucoup de mal, nous, tout qui est navets, carottes, on a beaucoup de mal. La tétragone marche très bien. Je plante arroches et tétragone en remplacement des épinards.
  • AFIS 07  : vous faites des tomates en hivers ?
  • TetH  : Non
  • AFIS 07  : Parce que j’ai vu ça dans l’article, je crois, si je me souviens bien…
  • TetH  : Qui a écrit cet article ? [dit-elle en rigolant], Des tomates en hiver !
  • AFIS 07  : Yvan Du Roi. Qu’est-ce qu’il dit… [on recherche]
  • TetH  : On avait 2 plants de tomates qui étaient restés dans la salle, qui avaient germé dans un pot, on les a gardés.
  • AFIS 07  : je suis sûr de moi, je l’ai vu. Du coup, je me demandais comment vous faisiez pour faire des tomates en hivers.
  • TetH  : Par contre on fait des semis de plants de tomates à partir de fin février.
  • AFIS 07 : Ah donc [c’est retrouvé] : quand on vient chez vous en stage, on peut « apprendre à faire pousser des tomates en plein hiver sans recourir à une source d’énergie externe ». C’est ça ce qu’il a mis.
  • TetH  : Alors là, non, il a extrapolé.
  • AFIS 07  : donc ce n’est pas possible. Peut-être qu’il a vu une serre où vous faites des plants…
  • TetH  : Peut-être qu’il a vu ça, car en février, c’est la prochaine chose que je vais vous montrer, on fait des couches chaudes. Ce que je peux vous montrer maintenant c’est l’installation des couches chaudes. »

On ne sait donc toujours pas faire pousser des tomates en hiver sans recourir à une source d’énergie externe, contrairement au fantasme des auteurs de l’article de Bastamag.

Nous entrons dans une petite serre qui leur permet de faire une production un peu plus précoce et un peu plus tardive, comme elle dit. Elle nous explique qu’en hiver, les choux chinois ne gèlent pas alors que dehors ils gèlent. Ils récoltent donc en premier ceux qui sont dehors avant de prendre ceux qui sont dans la serre. À l’intérieur de cette serre ils font aussi de la roquette, des salades d’hiver, des épinards et de manière plus précoce du basilic qui se sentirait bien grâce à l’ombre et à l’humidité de la serre. C’est aussi dans cette serre qu’ils utilisent le système « des couches chaudes » qui permet d’avoir un lieu chauffé pour les plans très précoces comme les tomates, le basilic, les aubergines, les piments, les poivrons.

Elle nous détaille alors les différentes étapes nécessaires à la confection du compost de « couches chaudes » 

Lorsqu’un visiteur fait remarquer que « en fait, le compost, ça utilise beaucoup d’eau, quand même  » et que la jardinière confirme que « ça utilise pas mal d’eau », nous nous sentons obligés de rebondir :

  • AFIS 07 : Mais pourtant, vous arrivez à utiliser moins d’eau que les agriculteurs autour
  • TetH : Oui, enfin, moi, je ne fais pas de comparaisons avec les agriculteurs, puisqu’ils ne travaillent déjà pas avec les mêmes méthodes que nous. On essaie de limiter au maximum, et par le fait des ombrières et du paillage, ça nous aide beaucoup à limiter.
  • AFIS 07  : Mais vous n’avez pas fait de comparaison ?
  • TetH :Non
  • AFIS 07 Donc quand dans l’article, ils disent que vous dépensez beaucoup moins d’eau, on ne le sait pas, en fait. : On fait un effort « pour limiter ».
  • TeH  : On le sait par rapport aux années d’avant.
  • AFIS 07  : Ah, vous dépensez moins d’eau par rapport aux années d’avant, ce n’est pas « moins d’eau par rapport aux agriculteurs autour ». 
  • TetH  : Tout à fait. C’est ça. Ça, on le sait, on l’a vu.
  • AFIS 07  : C’est à dire qu’au fur et à mesure, vous faites des aménagements, vous arrivez à optimiser votre utilisation de l’eau.
  • TetH : Au fur et à mesure que le sol devient plus humifère, on va dire, lui aussi garde mieux l’eau. (…) »

Cette idée de « 3 à 4 fois moins d’eau » avancée dans l’article de Bastamag vient des vidéos 4 et 6 de l’article, dans lesquelles on peut entendre Erick expliquer qu’ils estiment utiliser de 400 à 500 m3 par an pour 1ha, ce qui inclut 2000 à 2500m2 de jardin, le compost, les arbres et les haies, etc. . Il est néanmoins possible de s’interroger sur la précision et la valeur de cette nouvelle ’estimation’, et sur la manière dont elle a été établie. En effet, Erick rajoute qu’ils consomment 4 fois moins d’eau que ce qui se fait localement, alors que notre accompagnatrice nous affirme qu’ils n’ont fait aucune comparaison avec les agriculteurs des alentours. 

Une comparaison comme celle-là fait intervenir deux chiffres :

  • d’un côté, celui de la consommation du Mas de Beaulieu, pour lequel c’est la confusion qui règne. Soit l’information a de grosses difficultés à circuler entre les membres de l’équipe de TetH (lors d’une formation, en fonction de votre formateur, vous pourrez avoir 2 discours différents et donc revenir pour obtenir l’autre version), soit Erick nous raconte des histoires.
  • de l’autre côté, le chiffre de la consommation d’eau par les agriculteurs des environs. Pour ’estimer’ le bénéfice des pratiques du Mas de Beaulieu, il faut donc aussi enquêter auprès des voisins, les plus proches notamment, pour que la comparaison soit la plus pertinente. Or, lors de la discussion générale d’avant visite, nous avons pu constater par nos questions que les expérimentateurs agroécologues n’avaient en fait peu de liens ni même de vrais contacts avec les agriculteurs alentours sauf un, à proximité, qui a quelques vignes, des oliviers et des ânes - en dehors semble-t-il du fait de recevoir de certains d’entre eux du fumier gratuit. [13]

Bref, il nous sera permis d’être sceptiques sur la construction des chiffres proposés, dont la réalité de l’existence-même varie selon les interlocuteurs. On devine une construction aussi rigoureuse que les protocoles d’expérimentation des techniques agronomiques locales….

La question de l’eau et de sa gestion a encore été abordée en fin de visite, lors de la présentation du système de « phytoépuration ». Il s’agit d’un circuit que parcourent les eaux usées à travers des bassins et des plantes, pour au final produire une eau ainsi filtrée qui serait buvable (selon une analyse faite par un laboratoire spécialisé), bien que peu ragoutante de par sa couleur brunâtre. Notre attention est attirée par un grand bac, qui est « la première réserve d’eau », là où l’eau est collectée et stockée avant d’être remontée par une pompe plus haut sur la pente dans le circuit de phytoépuration

  • AFIS 07 [un peu interloqués par ce bassin métallique]  : Mais…heu… c’est de la ferraille que je vois là ! Et dedans, c’est peint en noir ? Vous chauffez l’eau ?
  • TetH : Non, c’est une bâche, une bâche plastique [qui ne recouvre pas le bassin, mais tapisse l’intérieur de la paroi, sur le dessus]
  • AFIS 07  : Mais vous la chauffez, l’eau ?
  • TetH : C’est pour… c’est pour que ce soit étanche, pour que la ferraille ne s’abîme pas. »

Quelques secondes plus tard, notre guide revient sur le sujet, alors que nous murmurons des choses à propos de l’évaporation : « Alors oui, le problème… je pense que maintenant il faut qu’on aille plus loin et qu’on mette des bâches, parce qu’il y a vraiment beaucoup d’évaporation, et c’est dommage, toute cette eau… »

Nous acquiesçons évidemment, en nous souvenant des explications de Bastamag sur la merveilleuse gestion parcimonieuse de l’eau au Mas de Beaulieu. Si nos questions ont aidé les expérimentateurs agroécologiques à « aller plus loin » et à plus prendre en compte le fait que dans un bassin métallique recouvert d’une bâche noire et à ciel ouvert il se produit une intense évaporation qui constitue un énorme gâchis d’eau, nous n’aurons décidément pas fait le voyage pour rien.

Revenons au compost. Nous vérifions que celui-ci incorpore bien du fumier animal. Nous demandons au bout de combien de temps il est utilisable : « Il est utilisable au bout de 4 mois pour des plantes très gourmandes, qui supportent le compost peu mûr, comme les tomates, les courges… » Nous faisons remarquer qu’un compost comprenant du fumier peut-être dangereux s’il est utilisé au bout de moins de 6 mois, car contenant encore des bactéries potentiellement pathogènes non éliminées [14], il nous est répondu que 

« les bactéries ne sont pas dangereuses » [ ???] et que de toute 

façon, « les bactéries, avec la chauffe, à partir de 60°, elles sont pasteurisées ». [ce qui est vrai [15] ]

Lorsque nous demandons si au fur et à mesure du temps, la quantité de compost à apporter diminue puisque le sol a été progressivement revitalisé, la réponse nous donne surtout des indications sur la manière de gérer des expériences dans cette « ferme expérimentale » :

  • TetH Je pense, oui. Ça, je ne l’ai pas calculé… ça, c’est une des choses qu’on aimerait… La synthèse de tous les éléments, collecter les éléments est un travail énorme. Et jusqu’ici on n’a pas trop eu le temps. On a commencé il y a deux ans  »

Effectivement, la recherche et l’expérimentation, cela demande du temps et des moyens, ainsi qu’une méthode rigoureuse. Mais, on a beau prendre le problème par tous les bouts et être prêt à faire des concessions, on ne voit pas très bien comment il est possible de mener des expérimentations sans « collecter les données », surtout après plus d’une décennie de pratique…

Nous descendons ensuite vers une petite « butte » de moins de 10 m2. Il s’agit de « quelque chose de particulier  », la technique de la « butte-sandwich », qui est enseignée aux stagiaires. Le but est de créer un sous-sol qui va être une réserve d’eau, avec transformation en humus profond. Il s’agit bien d’une transformation profonde de la structure du sol — mais sans labour, évidemment ! — qui se pratique dans les endroits très difficiles où l’on veut rapidement obtenir des résultats. « Là, il y a eu pas mal de courgettes qui ont produit, mais là c’est la fin ». « Pour faire ce genre de butte, il faut creuser le sol, sur 30 cm il faut dégager la terre de surface d’un côté, la terre de profondeur d’un autre côté, pour ne pas les mélanger. ». Ensuite, on met dans le trou du bois mort (« de petit diamètre  », mais ça peut-être aussi des planches… ou un tronc !), on tasse bien, et on met par dessus une couche de « quelque chose de vert, de bien azoté » (herbe tondue, ou des « ronces coupées en tronçons »), puis une couche de compost ou fumier, puis on remet la terre « de fond », puis la terre de surface. On plante, puis on paille et on plante des tuyaux qui descendent l’eau « jusqu’à l’endroit du fumier ». On arrose jusqu’à inondation : les végétaux enfouis et imbibés jouant alors le rôle de réservoir d’eau, pour qu’on n’ait plus besoin d’arroser qu’une fois par mois. En créant ainsi ce sous-sol humide, on « impose » aux plantes de plonger leurs racines profondément (parce que « des fois dans les jardins, si on arrose trop peu, les racines restent en surface et les plantes sont énormément fragilisées  »). On apprend à propos des racines « qu’elles vont aller jusqu’au fumier, mais elles ne vont pas aller dans le bois. D’abord, elles n’y seraient pas bien…. »

Ce qu’on se dit surtout, c’est qu’il est possible de jouer à faire ce mille-feuilles en creusant le sol à la pelle pour ensuite le remettre par dessus [sans le mélanger !] quand on travaille sur moins de 10 m2 (avec l’appui de la main-d’œuvre gratuite de nombreux stagiaires et bénévoles)… mais quel agriculteur devant vivre de son travail irait s’infliger une telle épreuve sur des surfaces un peu plus conséquentes ? Quelle est l’utilité d’une technique expérimentale tout simplement inapplicable en conditions réelles ? Et pour quel résultat ?

Car à ce moment, un visiteur s’inquiète pour les tomates de cette butte et de la manière de les protéger du mildiou. La réponse a le mérite de l’honnêteté :

  • TetH On a beaucoup de mal. On leur fait quand même des pulvérisations [ à base d’orties, prèles ou consoude], donc ça maintient quelque chose, mais vous voyez on arrive fin août et ça y est bien déjà depuis trois semaines.

Il semble à ce sujet qu’il y ait débat parmi les jardiniers de l’association sur la question de la bouillie bordelaise (une préparation à base de sulfate de cuivre et de chaux), utilisée en agriculture bio mais pas chez Terre et Humanisme. Il y a ici la fraction « moi je serais pour faire des pulvérisations avec uniquement du cuivre, en quantité très très infime, parce qu’ils le font en biodynamie », mais elle est à l’heure actuelle barrée par l’autre fraction, qui refuse toute utilisation du cuivre par peur de l’accumulation dans le sol. 

Et qu’en est-il donc des rendements de tomates sur cette butte mille-feuille, comparé à ce qu’on produit dans un jardin familial, demande l’AFIS 07 ?

  • TetH« Je n’ai pas calculé. Au niveau des pieds de tomates, par rapport aux tomates plantées là-bas [dans le carré familial] ? Une petite différence, mais je ne pense pas que c’est énorme énorme, en fait. Là, en tous cas, je ne trouve pas qu’ils soient très beaux, les pieds de tomates [murmure d’approbation chez les visiteurs de l’AFIS]. Elles étaient magnifiques, mais avec le mildiou…. »

Cette année, la jardinière a essayé de ne pas tailler les tomates, pour voir ce que ça donnait (« ça ne donne pas moins de production, en tous cas je n’ai pas l’impression  »). Face à toutes ces expérimentations, l’AFIS 07 décide alors de parler « méthode » :

  • AFIS 07  : Et alors, au niveau méthodologique, vous décidez de planter par exemple la même variété de tomates sur plusieurs années avec des sols différents, ou alors sur le même sol plusieurs années, relever les conditions météorologiques pour pouvoir faire des comparaisons sur ce qui marche, ou vous le faites à l’intuition ?
  • TetH  : On a justement beaucoup fait de manière empirique. Ça, ça a bien marché, mettre tel type de compost ça a bien marché alors on le refait… Et là, cette année, on a décidé que dans le verger-potager, le grand jardin, on allait collecter des informations de manière plus raisonnée. »

Au bout de 14 ans de pratique dans son hectare expérimental, Terre et Humanisme a donc décidé de… collecter des données sur le résultat de leurs expériences. C’est un premier pas, et la preuve qu’il ne faut jamais désespérer. Et peut-être que dans une dizaine d’années, les expérimentateurs agroécologues se poseront la question de l’existence à côté de leur plantation-test d’une plantation-témoin permettant de comparer la technique qu’ils veulent tester à ce qui se passe quand on ne l’utilise pas, afin de voir quel est son bénéfice éventuel…

On continue à descendre, vers le « compost ménager », qui recycle les déchets sortis de la cuisine sans y incorporer de fumier, et qui serait plutôt destiné à des plantes d’intérieur. On passe ce faisant devant un ou deux pruniers, à propos desquels nous exprimerons nos interrogations par la suite…

Devant le compost ménager, la discussion amène à parler du compost issu des toilettes sèches, qui n’est utilisé que pour des haies fleuries et plantes d’ornement. On pense un instant que c’est pour éviter la contamination d’aliments par des bactéries, mais pas du tout. Encore une fois : « Les bactéries sont cuites à la montée de chaleur dans le compost. » En fait, c’est pour éviter que ne passent dans les aliments les « toxines  » et les « toxiques » qui auraient été déchargées par les visiteurs accueillis au Mas de Beaulieu, visiteurs qui pourraient avoir pris des médicaments. Car ce sont des médicaments dont on se méfie ici, « beaucoup plus des médicaments  », et pas des bactéries. C’est d’ailleurs l’impression que donne la visite directe dans les toilettes sèches, qui sont pour le moins très rudimentaires, avec charge à chacun de recouvrir ses crottes avec de la paille puis d’amener le tout au lieu de stockage

On a connu des toilettes sèches plus élaborées, et sans doute plus hygiéniques.

L’apport de compost au Mas de Beaulieu n’a pas pour seul but de nourrir les plantes, mais plus globalement de « nourrir la vie du sol  », afin qu’il y ait de plus en plus de bactéries, de micro-organismes, de vers, de champignons. « Mission accomplie ! », diront les tomates dévastées par le mildiou [16] …

Ce serait en effet là la condition pour que les légumes soient en bonne santé, et « c’est ce qui se passe dans la forêt » (où, comme chacun le sait, il pousse naturellement d’énormes légumes en bonne santé). Si on ne voit pas très bien comment une population humaine pourrait être nourrie par ces techniques agroécologiques inspirées par une vision romantique de la nature, on constate par contre que, en effet, la vie du sol ici est très bien nourrie, notamment du côté des insectes. Mais cette vie qui s’épanouit, c’est aussi celle des « pestes », c’est-à-dire les ravageurs des cultures.

Comment les jardiniers de l’association protègent-ils leurs cultures des pestes ? demandons-nous :

  • TetH« On prépare pas mal de produits phytosanitaires par nous-mêmes, c’est-à-dire tout ce qui est extraits fermentés (ortie, bardane, consoude, prèle), et puis après… heu….c’est tout. 
  • AFIS 07 : Mais vous faites des patates, c’est ça ? Comment vous faites contre les doryphores ?
  • TetH  : Ha, on les enlève à la main…. On fait de petites quantités de patates. On les enlève à la main. Cette année, ça a été bien, mais il y a eu deux ans, c’était terrible, il y en avait, il y en avait, il y en avait toujours plus, quoi. Même si on les enlevait, ils revenaient.
  • AFIS 07  : La récolte était perdue, quoi ?
  • TetH  : Oh oui, quasiment  » 

S’ensuit une discussion entre participants sur la meilleure manière de tuer les doryphores sans pesticide, un visiteur expliquant que si on les écrase à la main, ils se multiplient (car les œufs sont libérés lors de l’écrasage) et qu’il vaut mieux les enlever de la plante puis les noyer…

  • AFIS 07 : Et contre les limaces, les escargots, tout ce qui peut manger les salades ?
  • TetH : Alors, j’avais tenté de moins pailler -ils aiment beaucoup la paille, ça c’est l’inconvénient de la paille – et à la fin j’en suis venu à un truc assez radical, pas très sympathique, mais… j’ai fait des bars à bière, et ça marche très bien  »

[ceux d’entre nous qui ont essayé confirment… mais ça nécessite de gâcher pas mal de bière ! Ceux d’entre nous qui aiment la bière sont très choqués]

Plus loin, sous une jolie serre (qui « n’est pas terminée, mais elle donne déjà pas mal de résultats »), la visite animalière continue. Un système de régulation thermique via des tuyaux d’eau dans le mur et a été mis en place, mais les légumes et les visiteurs ne sont pas les seuls à trouver la température à leur goût. On est d’abord rassurés de constater que notre guide a conscience que « c’est vrai que des fois il y a des problèmes de maladies dans les serres, il faut faire attention  ». Mais ce n’est toutefois pas ça le problème immédiat :

« Je pense qu’on installera des mini-rampes de brumisation, pour les tomates, parce que le problème en serre, c’est les araignées rouges. » En effet, les tomates n’ont pas l’air au mieux de leur forme, en tous cas sans doute moins que les dites araignées rouges qui y prospèrent, comme notre guide nous le montre complaisamment :

  • TetH : Les araignées rouges, c’est quand même un gros problème.[Elle montre les tomates] Vous voyez, elles n’ont quand même pas trop le mildiou, par contre c’est les araignées rouges qui font cet état-là.  »

Lorsque nous interrogeons notre guide sur la pratique d’un vide sanitaire nécessaire en hiver, elle nous explique

qu’il n’y a pas de vrai vide sanitaire, et que c’est la rotation des cultures « qui amène un nettoyage  ».

Mais aussitôt d’admettre :

  • TetH : Maintenant, on est pas exempts de maladies et de ravageurs. Vous voyez, les choux, ils vont se reprendre à l’automne, mais là ils sont envahis par les punaises, et les punaises les mangent, elles les piquent et les sucent, et c’est vraiment un gros problème [les gens autour d’elle sont impressionnés par les dégâts]. Oui, c’est elles qui ont fait ça, et depuis le printemps, c’en est bourré… Par contre, si les choux survivent jusqu’au moment où il y a un refroidissement, les punaises partent, et eux ils se développent, à l’automne et à l’hiver.
  • AFIS 07  : Et si les choux ne survivent pas, vous avez perdu votre production.
  • TetH : Ouais. Mais je ne trouve rien ! Si vous avez un truc, pour les punaises… J’ai cherché, j’ai cherché, j’ai cherché, je ne trouve rien. Et impossible de les attraper, parce qu’elles se laissent tomber dans la paille  »

Nous en sommes donc réduits à souhaiter un bon appétit aux punaises, et à brûler un cierge à l’Église en priant pour que le chou survive jusqu’à l’hiver, même si c’est mal parti pour lui :

Du coup, avec tout cela, on est quand même un peu dubitatifs lorsque la guide conclut en disant que « Mais sinon, on a quand même une super production dans la serre  ».

Nous passons ensuite une petite zone où la jardinière teste les différentes variétés de tomates, pour voir lesquelles sont les plus résistantes au mildiou (il s’avère que ce seraient… des sortes de tomates-cerises, dommage pour le poids de la production). Mais la production de tomates à cet endroit est quasiment finie, et « je crois qu’elles sont malades  »…

Dans le cadre de leur formation « Ravageurs et maladies : les solutions agroécologiques » à 140 euros sur 2 jours, les stagiaires apprennent ils à rendre les plantes malades et à nourrir les petites bêtes ?

Au milieu de cet imbroglio de plantes, on distingue une rangée de quelque chose de complètement desséché et racorni, et l’on demande si c’est du maïs :

  • TetH  : Oui, là il y a eu un essai de maïs.
  • AFIS 07  : ça, c’est un essai de maïs, c’est ça ? Et ça n’a pas marché, visiblement…
  • TetH : ça a marché, mais…. ils sont pas énormes, hein. Vous voyez, il y a un petit épi, quand même… Il y a un épi, mais normalement il devrait y en avoir plus… »

Au détour de la conversation, et surtout en regardant autour de nous, on comprend que l’arrosage a été insuffisant au cours de la période de canicule que nous venions de traverser. Pas assez de bénévoles ?

Plus loin, on est un peu surpris par la situation autour d’un pommier :

  • AFIS 07 : Et les pommes par terre ? Vous ne récoltez pas les pommes, vous ne les utilisez pas ?
  • TetH : On en a récolté plein la semaine dernière, et là elles sont retombées.
  • AFIS 07  : Et vous les laissez pourrir par terre directement, pour faire de l’engrais ?
  • TetH : Non, ils ne les ont pas ramassées. Normalement, les bénévoles auraient pu ramasser les pourries et les enlever, mais… nous, on a un peu du mal avec les fruitiers pour le moment.
  • AFIS 07  : Vous avez du mal avec les fruitiers ?
  • TetH  : Ouais ouais ouais. Ce n’est pas encore ça. »

Nous nous inquiétons du coup de la situation des prunes vues précédemment, qui sont en train de pourrir sur les arbres (alors que celui d’entre nous qui en a sur son terrain les avait déjà ramassées depuis une dizaine de jours)

Explication : « Elles ont été oubliées. Je voulais qu’on les récolte la semaine dernière, mais des fois, avec la collectivité, il y a des ratés. »

Pour finir la visite, alors que nous sommes presque revenus devant l’entrée, nous reposons une question qui avait été posée tout au début par une visiteuse lambda, à laquelle le chargé de communication n’avait pas pu répondre. La question portait sur l’identité d’une chose étrange suspendue au faîte de la maison…

  • TetH : C’est un mésentère de cerf
  • AFIS 07 : Un quoi ?
  • TetH : Un mésentère, c’est-à-dire une partie de l’intestin ou de l’estomac, je ne sais pas trop, de cerf, rempli de fumier, qui donc sèche, prend les influences cosmiques, et alors là on parle de biodynamie. Là on est sur des principes de biodynamie, où on utilise les principes animaux, donc avec du fumier, reliés au principe là du soleil. Et après, cette préparation sera diluée, dans des quantités assez infimes, dans des eaux d’arrosage, qu’on arrosera à certains moments particuliers pour activer certaines propriétés et qualités. Là, on va parler de la biodynamie, sur un plan vibratoire
  • AFIS 07  : Qu’est ce que ça veut dire « sur un plan vibratoire » ?
  • TetH : C’est à dire qu’ils amènent une qualité vibratoire….c’est quasiment homéopathique, des qualités biologiques quasiment homéopathiques pour le sol, ce qui permet après de démarrer des processus dans les sols différents.

Notre guide affirme ne pas être la spécialiste de la question dans le groupe, et ne pas être à l’origine de cette préparation biodynamique, faite par le jardinier que les autres appellent « le druide ». Elle ne s’aventure pas à répondre lorsqu’on lui demande si elle voit les effets de l’arrosage renforcé de qualités quasiment homéopathiques. Elle trouve que la biodynamie c’est « concret sur un plan qu’on ne voit pas », et pense que beaucoup de viticulteurs sont passés à la biodynamie avec « de super résultats ».

  • AFIS 07 : Grâce aux influences cosmiques et vibratoires ?
  • TetH : Voilà, en fait c’est les influences cosmiques liées aussi aux planètes.
  • AFIS 07 : Comme l’astrologie, un peu ?
  • TetH : Non, pas comme l’astrologie, comme…. comme les cycles de la lune, comme les marées. Donc, quand on parle d’influences cosmiques, on ne parle pas forcément d’ésotérisme.
  • AFIS 07  : Mais les marées, c’est un phénomène de gravité, à cause de la masse de la lune. Là, c’est quelle influence cosmique ? L’attraction de la lune, c’est la gravité qui a un effet sur le cerf ?
  • TetH : Non. Là, le cerf, relié à… le cerf, lui, c’est le côté terrien… le fumier qui est mis dans le cerf, c’est le côté terrien, et le cerf, lui, c’est le côté solaire.
  • AFIS 07 : Pourquoi le cerf c’est le côté solaire ? [elle hésite] Parce que ses branches, ça ressemble au soleil, c’est ça ?
  • TetH : Voilà ! Les branches sont reliées au principe soleil. »

La discussion s’éparpille quelques minutes avec d’autres visiteurs, notamment autour des calendriers lunaires utilisés en biodynamie, et sur le fait que tout cela s’explique par des « énergies », avec des influences différentes pour chaque planète. Mais lorsque l’on avance à nouveau que tout cela rappelle quand même l’astrologie, la dénégation est vigoureuse. La jardinière nous explique alors pourquoi elle fait toujours ses plantations en suivant le calendrier lunaire de la biodynamie, pour tenir compte de l’influence des différentes planètes sur le sol pendant les différentes saisons sur différentes plantes :

  • TetH : Parce qu’en fait, par exemple, Vénus, elle est reliée à l’eau, et donc si on veut planter des légumes-feuilles (salades…), il y a besoin qu’il y ait une énergie-eau à ce moment-là.
  • AFIS 07 : Qu’est ce que ça veut dire, « Vénus est reliée à l’eau » ?
  • TetH : Dans la symbolique et dans le vibratoire – symbolique et vibratoire se rejoignent – Vénus est reliée à l’eau. Et à ce moment-là, dans la météo, il y a une influence « eau », qui se passe à ce moment-là. Parce que cette planète influence à ce moment-là, dans le concret, dans la météo, sur notre planète.
  • AFIS 07 : C’est à dire que quand Vénus est apparente dans le ciel, c’est un jour où il pleut plus ?
  • TetH : Pas forcément de la pluie. Il y a une influence « eau ». Pas forcément un jour de pluie.
  • -AFIS 07  : Mais alors, qu’est ce que ça peut être, une influence « eau », si ce n’est pas de la pluie ?
  • TetH : …. C’est vibratoire !
  • AFIS 07  : C’est vibratoire, d’accord…Et Pierre Rabhi, il en parle, de ça ?
  • TetH : Il n’en parle pas forcément, mais c’est quelque chose qui l’intéresse. Disons que c’est quelque chose avec lequel il est relié, quoi. »

Nous revenons à des choses plus terre à terre et moins vibratoires lorsque, en changeant de sujet, notre guide commente ce qu’elle voit à côté d’elle :

« Vous voyez, ça, c’est une planche qui aurait eu besoin d’un ombrage ! Il n’y en a pas eu, et les blettes sont quand même… en difficulté. Et les choux aussi. Les choux on les a plantés parce qu’on les avait, mais [incompréhensible, rire] On les a plantés, mais je vois bien que c’est comme d’hab, ça ne marche pas. »

Nous arrêtons là notre enregistrement et nos questions, alors que, presque revenus au point de départ, nous atteignons la zone de compostage où les sangliers commencent à faire des incursions. Car le terrain de Terre et Humanisme n’est pas clôturé, et c’est d’ailleurs là le principal miracle auquel nous avons assisté ici : que les sangliers n’aient pas encore tout dévasté. Mais il semble, selon les explications que nous avons eues, que les zones périphériques de compostage jouent un rôle de paratonnerre en fixant sur elles l’attention de la bébête omnivore.

Un petit crocher à la bibliothèque du centre – où, bien évidemment, le petit rayon « santé » fait une place essentielle aux ouvrages de médecines alternatives - , nous amène à trouver, offert en présentation sur la table centrale, un écho des explications cosmiques et vibratoires que nous venons d’avoir :

En quittant les lieux, non sans avoir goûté les très bons sirops offerts et remercié nos hôtes, nous jetons un œil « de l’autre côté de l’asphalte  » à « la parcelle voisine », celle d’un autre agriculteur, que les journalistes de Bastamag s’étaient sentis obligés de dénigrer comme « sèche et poussiéreuse  » pour mieux l’opposer au sol transformé par Terre et Humanisme. Il s’agit en fait d’une vigne destinée à la production, soit quelque chose de très différent des petits potagers essentiellement décoratifs que nous venons de visiter :

Pas de paille partout dans ces vignes qui n’ont pas bénéficié du travail gratuit d’une armée de bénévoles, pas d’associations de plantes pour rendre le tout très joli, pas de tout ça, c’est vrai : le sol est plus nu et caillouteux. Mais on y constate quelque chose qu’il n’y a pas ou si peu du côté agroécologue de l’asphalte : de vrais fruits pas malades qui seront vraiment récoltés pour une vraie production qui sera vraiment utilisée.

Et avant de démarrer, affamés par le temps passé depuis le petit déjeuner, mais aussi par l’étalage de non-production vivrière auquel nous venons d’assister ce matin, nous nous ruons sur l’essai agronomique qui nous a semblé le plus abouti chez Terre et Humanisme, sur des plantes à l’air épanoui qui nous offrent leurs fruits goûteux en quantité normale. Nous voulons bien entendu parler de nos amies…. les ronces sauvages.

Au total, quel bilan tirer de cette petite visite fort instructive, en tous cas beaucoup plus que l’article de Bastamag qui, nous le savons désormais, présentait une vision complètement fantasmée de la réalité ?

Ce sont manifestement l’amateurisme et l’idéologie qui prévalent en ces lieux, avec une petite touche de croyances ésotériques pour finir de décrédibiliser l’entreprise.

Dans la présentation initiale qui nous a été faite par le chargé de communication, la ferme agroécologique se présentait comme étant à la fois un lieu de production et d’expérimentation :

  • en termes de production, le résultat nous a semblé plutôt désastreux. Au point que la présentation initiale , qui évoquait le rapport De Schutter [17] 

    et la possibilité de nourrir la planète avec les méthodes de l’agroécologie, nous est apparue rétrospectivement d’une prétention frisant l’indécence.

  • en termes d’expérimentation, le résultat est là aussi confondant, voire désarmant, puisque les animateurs n’ont tout simplement aucune notion de la moindre procédure expérimentale rigoureuse qui leur permettrait de valider quelque expérimentation que ce soit.
  • Après avoir constaté sur place la réalité de la situation, on en est que d’autant plus sidérés de retrouver en ligne sur le site de l’Express une interview du ’directeur’ de Terre et Humanisme, qui ose prétendre que ’nous avons de bons résultats avec nos potagers.’ ,et que ’les agricultures bio et biodynamique donnent de meilleurs résultats que l’agriculture conventionnelle.’ [18]
  • Au Mas de Beaulieu, l’ image donnée est celle d’une aspiration à l’autosuffisance alimentaire, avec même l’ambition de nourrir la planète avec ces méthodes. En réalité, il n’en est rien, et le centre expérimental n’arrive à afficher ses très maigres résultats que sur la base d’un apport massif d’aide extérieure, que ce soit sous forme d’argent [stagiaires, donateurs, souscripteurs], de recours systématique et généralisé à du travail gratuit, et d’intrants venus de l’extérieur. Ces derniers sont soit achetés avec les deniers des donateurs — en ce qui concerne la fameuse paille, omniprésente et le terreau de semis pour préparer tous les jeunes plants qu’ils utilisent dans les jardins, mais aussi qu’ils vendent —, soit offerts par d’autres agriculteurs – en ce qui concerne le fumier-. Avant de nourrir la planète, il faudrait donc que Terre et Humanisme soit déjà un minimum capable de se nourrir par elle-même avec ses propres efforts, ce qui est très très loin d’être le cas. Par contre le Mas de Beaulieu est assez rationnel si l’on considère qu’il n’est pas une « ferme », mais un outil de communication. Il faut le considérer comme une vitrine de l’association. S’il était bien agencé, si en 10 ans T&H en avait fait un terrain d’expérience agronomique cohérent avec les contraintes que cela implique, ils perdraient certainement leur fond de commerce et leurs bénévoles. 

Or, là, le Mas représente exactement ce que le « curieux » vient chercher. Une pseudo modernité (écolo-filtration et récupération d’eau…), et la nature dans un bordel bien organisé…. enfin, ’bien’ n’est pas le bon mot ! Et en plus, on peut y voir ou faire des expériences.

Si l’on prend « expérience » dans le sens de ce qu’un gamin expérimente en salle de classe, et si ’production’ veut dire que les graines germées ont fait des pousses.

Mais tout cela est-il bien grave, après tout ?

Absolument pas, tant que l’on est simplement face à des jardiniers amateurs qui vivent de l’aide des autres et font des expérimentations sans méthode qu’ils présentent à des convaincus d’avance ravis de voir leurs préjugés apparaître comme confirmés. Que, en captant au passage des énergies cosmiques aqueuses concentrées dans un un estomac de cerf rempli de fumier, Terre et Humanisme joue avec un hectare de terrain comme des enfants jouent avec un bac à sable, subventionné un peu par l’ADEME et le Conseil Général,cela ne regarde que Terre et Humanisme et ceux qui décident de leur fournir du travail et de l’argent.

Là où notre sympathie envers des gens que nous avons trouvés de compagnie agréable trouve ses limites, c’est lorsque deux lignes rouges sont franchies :

  1. Lorsque, comme l’indique l’article de Bastamag, Terre et Humanisme affirme intervenir dans des lycées agricoles de la région, c’est à dire dans des établissements laïcs où sont normalement enseignés des savoirs validés selon une démarche scientifique. Là, on ne rigole plus, et on est plutôt scandalisé de l’apprendre… à condition que ce soit avéré. En effet, le site Internet de l’association, lorsqu’il évoque ses activités, ne mentionne pas ces interventions en milieu scolaire. Nous avons oublié de poser la question sur place, mais le jour même nous avons téléphoné puis écrit à l’association afin de savoir quel lycée avait été le théâtre de quelle intervention. En l’absence de réponse à ce jour, malgré nos relances, on ne peut donc pas exclure qu’il s’agisse d’une autre information bidon relayée par Bastamag.
  2. Surtout, lorsque Terre et Humanisme explique que les méthodes agroécologiques qu’elle promeut sont capables de nourrir 9 milliards d’habitants au XXIe siècle, et quand elle prétend, dans une sorte d’ écolo-ethnocentrisme candide, aller dans d’autres endroits du monde expliquer aux paysans comment il faut s’y prendre chez eux pour assurer leur subsistance (alors que les « formateurs » ne sont déjà pas capables de le faire pour eux), nous sommes plutôt gagnés par une forme de colère. Parce que les paysans du Mali ou du Cameroun, eux, n’ont pas des donateurs croyants pour les soutenir financièrement ou pour leur fournir des centaines d’heures de travail gratuit, et ils ont plutôt besoin d’avoir accès à des intrants comme des pesticides ou des engrais chimiques, et surtout à un large développement de la mécanisation, afin de sortir du schéma de l’agriculture d’autosubsistance qui fait que la majorité des gens qui souffrent de faim sur cette planète sont paradoxalement des paysans, à qui le système économique refuse les moyens de sortir de la pauvreté.

Pendant ce temps, Terre et Humanisme théorise (sans conséquence pour elle, puisqu’elle vit sous perfusion) le refus de ces mêmes moyens et prétend exporter sa propre incapacité. 

C’est cela qui nous semble insupportable.

Le groupe ardéchois de l’ AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique)

[3Dans les transcriptions de nos dialogues avec nos interlocuteurs, nous n’indiquerons pas le nom de la personne, mais son association, car il ne s’agit pas pour nous de mettre en cause telle ou telle personne. Nos transcriptions sont normalement parfaitement fidèles aux propos tenus : nous avons demandé à pouvoir enregistrer la visite, ce qui nous a été accordé sans aucune difficulté. Nous nous sommes fondés sur l’enregistrement pour le compte rendu de la visite. En cas de contestation, nous pouvons donc fournir l’enregistrement sans difficulté.

[5http://www.argusdelassurance.com/portraits/josette-amor-gerante-du-cabinet-de-gestion-en-patrimoine-epargne-en-conscience-bonne-conscience.49677 )]

  • Josette Amor est membre de Finansol (en tant que personne qualifiée).« Fondée en 1995, Finansol est l’association professionnelle qui fédère les organisations de finance solidaire en France que sont les financeurs solidaires et certains établissements financiers distributeurs de produits de partage et d’investissement solidaire. Sa mission et de promouvoir et de valoriser le principe de solidarité dans l’épargne et la finance, de développer la collecte d’épargne solidaire et l’emploi d’investissements solidaires, de garantir la solidarité et la transparence des placements financiers labellisés (cf. infra — Le label). » On trouve parmi ses membres l’ensemble des grandes banques comme la Banque Populaire, BNP Paribas, le Crédit Agricole, le Crédit Lyonnais, la Banque Postale , etc.[[ http://www.finansol.org/UPLOAD/rubrique/pages/96/96_rubrique.php

[12Serge Orru, devrait quitter son poste fin septembre 2012, ce qui est sans doute lié à la remise en cause de sa gestion par une partie de ses salariés : .http://www.rue89.com/planete89/2011/06/24/les-salaries-du-wwf-demandent-la-tete-de-leur-patron-210658 Tout cela fait notamment suite à l’entretien avec Elise Lucet dans l’émission « Cash investigation », entretien au cours duquel Serge Orru a été interrogé et gravement mis en difficulté à propos du partenariat de WWF avec le Crédit Agricole (banque qui, entre autres, finance une plateforme pétrolière au Groenland). [Extrait visible ici : http://www.youtube.com/watch?v=Evig23gnJlw] Ce partenariat rapporte à l’ONG 400 000 euros par an, mais un audit interne indique des problèmes importants dans le fonctionnement de l’organisation, qui nuisent à son image. Pierre Rabhi a signé une lettre de soutien au greenwasher Serge Orru suite à cette émission..

[13On peut aussi signaler au passage que, plus généralement, leur insertion dans le tissu social local a l’air très limitée, ce qui devrait beaucoup interroger.

[14Nous avions en tête l’affaire des épinards bio qui en Californie en 2003 avaient provoqué la mort de 23 personnes suite à une intoxication à la bactérie E. Coli, la fameuse bactérie qui a défrayé la chronique en Europe lors de l’affaire des graines germées bio. Voir à ce sujet l’article sur le site de Agriculture et environnement : http://www.agriculture-environnement.fr/edito,2/riz-ogm-et-epinards-bio,141.html L’auteur de cet article écrit : « pour pallier l’absence de fertilisants de synthèse dont elle se prive volontairement, l’agriculture bio utilise des composts d’origine animale particulièrement riches en azote, mais susceptibles de véhiculer des germes bactériens pathogènes pour l’homme. Or, s’il est aisé de fabriquer soi-même son compost, il est beaucoup plus compliqué d’obtenir un produit de qualité, dépourvu de toxines. Comme l’a souligné le Dr Robert Tauxe dans le Journal of American Medical Association il y a déjà plus de dix ans, « nos connaissances concernant le temps et la température nécessaires pour rendre le compost d’origine animale sans danger d’infection microbienne sont totalement insuffisantes ». On sait cependant qu’un compostage de plus de six mois est efficace pour neutraliser l’essentiel des micro-organismes pathogènes. A ce jour, il n’existe aucune réglementation en matière d’épandage de fumier, et un agriculteur bio peut très bien répandre du compost fraîchement fabriqué sur une culture, quelques jours seulement avant sa récolte. En outre, il aura d’autant plus tendance à raccourcir le temps de compostage qu’un compost frais est plus riche en azote. Raison qui explique que le risque de contamination par Escherichia Coli est six fois supérieur en agriculture bio qu’en agriculture traditionnelle, comme l’a démontré une étude de l’Université du Minnesota publiée dans le Journal of Food Protection en 2004. »

[16On peut rappeler ici que la Grande Famine de 1845-1849 en Irlande était le résultat d’une épidémie de mildiou ayant détruit les pommes de terre.

[17Pour une analyse critique de ce rapport devenu la principale référence de ceux qui veulent croire que l’agroécologie peut nourrir la planète, voir :http://imposteurs.over-blog.com/article-de-schutter-l-agroecologie-et-l-imposture-politique-et-mediatique-par-wackes-seppi-80320617.html

Voir en ligne : publié sur le site de l’AFIS Ardèche

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