Les déclarations de Gérard Collomb assurant lundi soir à la communauté urbaine que l’euro-métropole restait basée sur les communes ne résiste pas à l’étude des déclarations des uns et des autres sur le mode d’élection de cette super-communauté qui deviendrait à l’évidence une collectivité de plein exercice, et non plus une intercommunalité.
Les échanges entre les principaux acteurs de cette réorganisation du territoire en 2009 lors de la commission Larcher nous disait d’ailleurs déjà l’essentiel. Le texte, publié à l’époque, était déjà très clair ! De ce point de vue, Gérard Collomb a tout à fait raison. Il ne prend personne par surprise. Il suffit d’écouter ce qu’il disait déjà avec Michel Mercier et d’autres à l’époque. Je résume :
« la commune peut rester pour l’identité, l’histoire, la reconnaissance (Queyranne 2009), mais la métropole doit s’organiser autour des conférences des maires (Collomb 2009), donc l’élection directe au niveau de ce territoire (Collomb en séance hier), et donc la métropole devient une collectivité à part entière (Mercier 2009)… ce qui implique que la commune ne l’est plus (Mercier, Perben, Gourauyt 2009)… BIen sûr, il ne faut pas le dire. On le fait donc en deux étapes, fléchage en 2014, élection directe en 2020 (Collomb hier soir) »
Voici le texte du débat de 2009
Gérard Collomb est sans ambigüité. Il y a « concurrence entre les territoires comme entre les entreprises »
et il faut donc se regrouper pour être les plus forts. Il faut « une métropole de Saint-Etienne au Nord-Isère, capable de concurrencer Barcelone et Munich »… « une agglomération qui prenne les compétences du département, de la communauté, et des communes ». … « organisée par territoire, dans l’esprit des conférences des maires, organisation actuelle du Grand Lyon, qui peuvent discuter entre eux des questions de proximité, propreté, voirie ».
… Pour être pragmatique, il faut « faire la différence entre les zones rurales et la zone métropole ».
Mercier est sur la même ligne, et ne défend pas du tout le rôle du département dans la zone urbaine. Au contraire, il « ne veut pas voir les choses en opposition » et est favorable à la construction des métropoles de Paris, Lyon, Marseille. Il considère que « le département pourrait s’occuper des 400 000 habitants du Rhône hors de l’agglomération lyonnaise ».
Perben en rajoute. Le « département est invisible dans la ville [1] où une collectivité s’occupe du cadre de vie, la communauté, et une autre du social, le département ». Il faut donc « regrouper compétences urbaine et sociale dans une seule institution »
Queyranne a le mot décisif et confirme le rôle essentiel de ces métropoles. Il faut « sortir du principe de spécialité, qui limite les compétences de la communauté et en faire une collectivité de compétences générales ». Il cite alors l’exemple le plus éclairant de la métropole franco-genevoise, insistant pour ne pas se limiter aux frontières nationales… Pour lui, les métropoles sont l’outil « contre la centralisation », [2].
Mercier réagit « on ne peut pas dire, on garde toutes les communes de la communauté urbaine, et la communauté à une compétence générale […] pour renforcer la métropole lyonnaise, je suis d’accord pour supprimer le département dans l’agglomération. Mais on ne peut pas dire qu’on ne touchera pas aux communes ! Bien sûr que si, on touchera aux communes. Sinon, c’est pas dire la vérité. Il faut dire la vérité aux gens, sinon ça ne marchera pas »
Mme Lamure, sénatrice et présidente de l’association départementales des maires, qui était intervenue en affirmant l’importance des communes, en rajoute « je vais dans le sens de Mr Mercier. soit on garde les 57 communes qui ont des compétences générales à l’intérieur du Grand Lyon, soit on va directement à la suppression des communes, je ne vois pas entre les deux où est l’espace pour organiser autre chose »
La formule est brutale, et certains s’émeuvent : « il y a des quartiers de Lyon qui ont des histoires », « on peut aussi garder des communes dans des territoires qui éliraient leur représentant à l’agglomération »
Yves Krattinger, sénateur représentant la commission Balladur, met les formes « si l’agglomération a la clause de compétences générales, elle ne pourra pas rester aux communes. mais que les communes disparaissent comme entité géographique, ce n’est pas ce que nous disons. les communes qui ont été rayées de la carte pendant la guerre de 14-18 existent toujours administrativement. [3] »
Queranne confirme « On n’a jamais dit qu’on faisait disparaitre les communes. Même si le Grand Lyon a une compétence générale, les communes sont une réalité d’identité, d’état civil, de reconnaissance »
Jacqueline Gourault, sénatrice, éclaire le fonds « tout réside dans l’histoire de la clause de compétence générale . Si c’est la métropole qui a la compétence générale, ça n’est plus du tout la même chose. On fait de l’agglomération une collectivité et non plus un EPCI. Aujourd’hui on est dans le principe, le pouvoir est dans l’agglomération si les communes le leur transfère. On peut garder les communes si on veut, mais si la communauté à la compétence générale, les communes feront ce que les communautés leur diront. Ce ne sera plus montant, ce sera descendant »
Mercier reprend pour qu’on comprenne bien où est le consensus « c’est un sujet trop sérieux pour ne pas dire la vérité. […] je ne veux pas faire disparaitre les communes, elles ont un rôle de proximité ».
Perben conclut le débat : « les communes qui sont à l’intérieur de la métropole qui a la compétence générale ne peuvent plus être des collectivités locales. Elles peuvent continuer à s’appeler commune, mais elle ne peuvent être juridiquement des collectivités. Il faut expliciter ce que ces "communes entre guillemets" peuvent être . Il y a un travail de mise en œuvre de la politique, de proximité, qui justifie qu’il y ait ces structures mais qui seront différentes. »
L’Euro-métropole est une rupture historique avec la république
La proposition de Gérard Collomb (PS), Michel Mercier (UDI), rejoints depuis par François-Noel Buffet (UMP) répond à la réalité géographique du phénomène d’agglomération par une rupture du cadre républicain qui porte d’ailleurs très symboliquement le nom « d’européen »…
Dans cette approche, le territoire national ne s’organise plus de manière égale partout, mais en fonction de cette « concurrence territoriale » qui est dans tous les discours de Gérard Collomb. Il faut être au niveau de ses concurrents, atteindre la masse critique qui permet de jouer dans « l’Europe Ligue »… Dans ce cadre, l’agglomération, pardon, l’euro-métropole doit être une collectivité capable de se mesurer avec ses alter-égos ; , Barcelone, Milan, Stuttgart… Elle doit être une collectivité pleine et entière, élue au suffrage universel. Le département ne lui est plus utile, et même l’affaiblit en représentant une autorité politique autonome. Les communes peuvent certes rester pour la mémoire, mais elles ne peuvent plus être la base du rapport à la politique, leur compétence générale est de fait sinon de droit, supprimée. Sur quoi pourrait-elle s’exercer qui ne soit pas mieux traité par une métropole qui s’accapare tous les moyens ? Certes, tout ne peut pas être fait pour 2014, donc il faut une étape intermédiaire, maintenant les communes comme base de l’élection, mais dès 2020, on y serait complètement, les territoires des conférences des maires deviendraient l’unité territoriale de la proximité, des sortes d’arrondissement de la métropole, et les maires de communes pourraient continuer à présider les cérémonies au monument aux morts…
L’alternative n’est pas le statu-quo, mais l’effort pour faire vivre le cadre républicain dans la réalité géographique d’aujourd’hui, ce qui suppose d’affirmer le rôle de la commune et l’égalité des citoyens dans tout le territoire d’une république « une et indivisible ». On peut réfléchir à des découpages, on pourrait par exemple créer un département du Rhône centré sur la zone urbaine de la ville de Lyon [4]. Pour qu’un redécoupage ne mette pas en cause le principe d’unicité de la république, il doit assurer l’existence pour tous les citoyens d’une commune, d’un département. Pour qu’il soit utile, il doit favoriser la mutualisation entre collectivités au service du citoyen, et organiser les compétences de manière efficace et transparente. Ce pourrait être les objectifs d’une nouvelle loi de décentralisation. Dans ce cadre l’agglomération est fondamentalement une intercommunalité… issue donc des communes, et tout habitant a un conseiller général…L’existence simultanée de la communauté et du département n’est dans ce cadre pas une concurrence, mais une répartition des compétences au service du citoyen.
On peut se remettre en mémoire le statut dérogatoire historiquement de Paris que les forces de gauche dénonçaient et qu’une loi de 1982, c’est à dire d’une gauche pas encore totalement complexée, a transformé avec une ville qui est à la fois commune et département… Il y a donc des conseillers généraux à Paris… On peut rechercher des solutions ad-hoc pour la région Lyonnaise, plus complexe puisqu’elle a de nombreuses communes.
Mais le projet d’’euro métropole, repose au contraire sur un nouveau statut dérogatoire, non plus pour des raisons de centralité du pouvoir national, mais pour permettre la libre concurrence entre territoires européens. L’Euro-métropole est à la république ce que les grands clubs de foot-entreprises sont au sport… Quelques gagnants chez les plus riches, pour beaucoup de perdants…
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