Comment le réseau électrique français a géré un mois d’hiver somme toute « normal » en janvier 2017
Depuis l’automne RTE (Réseaux de Transport d’Électricité, en charge de l’équilibre du réseau) s’inquiétait d’une fragilisation de nos moyens de production en raison de l’arrêt de plusieurs réacteurs [1], imposé par l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN).
Début janvier Météo France annonçait l’arrivée d’une vague de froid et, le 18 janvier 2017, Madame Ségolène Royal affirmait : "Aujourd’hui, avec les très bonnes conditions météorologiques, les énergies renouvelables, l’éolien et le solaire, vont produire l’équivalent de huit réacteurs nucléaires, huit gigawatts" , laissant entendre que les énergies renouvelables allaient assurer la stabilité du réseau. Vérité ou intox ?
Les courbes suivantes, extraites des données publiques de RTE (Eco2mix), devraient vous permettre d’en juger.

Quelles étaient en janvier 2017 les contributions de l’éolien et du solaire ainsi que de leur somme ?
Leurs puissances installées étaient respectivement de 11 ,7 e t 6,8 GW soit un total de 18,4.
En réalité les données de RTE indiquent que le 18 janvier à 12h30, comme le montre la figure 2, leur s production s horaire s cumulées était de 7,36 GWh pour une demande de 82,5 GWh à 12h30 , mais qu’elle n’était plus que de 4,8 GW h lors de la pointe du soir à 19h , quand la consommation horaire atteignait 93,3 GW h 2 .
L’affirmation ministérielle d’une contribution majeure de l’éolien et du soleil apparaît donc bien optimiste car sur un seul jour et pas à la pointe du soir.

Une période de grand froid s’est effectivement présentée entre le 17 et le 26 janvier. Cet épisode n’a cependant pas été exceptionnel puisque la puissance maximale appelée, proche de 94 GW, est considérée comme « médiane » par RTE, loin de ce qui s’était passé en 2012 avec un appel de 102 GW (soit une température plus basse de 3 à 4°C .
Mais le réseau était fragilisé car manquaient par rapport à 2016 environ 5 à 6 GW de nucléaire et 2 GW de centrales fossiles arrêtées. [2]
Quand on examine à la figure 3 l’éolien et le solaire en détail (par ¼ heure) pendant la période du 19 au 25, la plus froide, on constate que le niveau de puissance instantanée délivré par le cumul de ces deux énergies intermittentes , avec des maximums de 3 à 5 GW à midi et de seulement 1,5 à 3 GW lors des pointes du soir reste très inférieur à la puissance installée de 18,4 GW .

La puissance intermittente a été de 0, 79 GW le 2 janvier à 5h , soit moins de 1% de la puissance appelée. Lors du pic du soir, avec le seul éolien, la pr oduction n’ a couvert que 1,5 % de la demande le 22 janvier à 19h .
Les facteurs de charge (production réelle sur production à pleine puissance), si on observe les cinq jours consécutifs du 21 au 25 janvier, n’étaient que de 11,5 % pour l’éolien, 8,5% pour le solaire et 10,5 % pour cet ensemble intermittent. Sur l’ensemble du mois ils étaient respectivement 21,9%, 7,27% et 16,6%. Dans le même temps les centrales nucléaires opérationnelles ont fonctionné à quasi peine charge, entre 98 et 99%.
On voit clairement que la production d e s énergies intermittentes peu t être tr ès faible en hiver lors de pér iodes froides anticycloniques et que le réseau ne peut s’appuyer sur elles.
Les pays voisins nous auraient - ils sauvé ? La figure 4 ci - dessous compare les productions horaires intermittentes françaises et allemande s de janvier. Le parallélisme est flagrant et le vent était absent lors des périodes les plus froides en France comme au nord de l’Allemagne.
La situation de ce mois de janvier 2017 démontre une fois de plus que le foisonnement des productions en Europe de l’Ouest est très limité. Les cartes météorologiques montraient en effet un temps calme sur tout le nord de l’Europe.

Globalement la France était cet hiver 2016/2017 fragilisée par la baisse temporaire du nucléaire français, en cours de résorption, l’arrêt de centrales fossiles anciennes, le manque de fiabilité de centrales fossiles encore opérationnelles car elles ne produisent plus de manière régulière pour laisser la place aux productions intermittentes.
Il a fallu faire appel au maximum aux centrales fossiles françaises, d’où des émissions de CO2 par kWh très sensiblement supérieures, passant en moyenne par rapport à janvier 2016 de 60 à 95 g/kWh, soit en augmentation de 58%. De plus nous avons basculé sur la même période d’une position d’ exportateur en 2016 (8 % de la production) à une position d’importateur ( - 3,7% de la production ), comme le dé montre la figure 5 ci - dessous :

Equilibre des échanges avec les pays voisins…

Le cas de la Bretagne en janvier 2017
La Bretagne reste une région française très faiblement productrice d’électricité, qui repose massivement sur les productions du reste de la France, nucléaire et hydraulique essentiellement.
La contribution de la production bretonne à sa consommation a été de 11,6 % en janvier 2017 se répartissant pour les principaux moyens de production comme suit :
- Fossiles : 3 ,3 %
- Eolien : 4,9 % avec une puissance évoluant de 23 à 758 MW (la puissance installée était de 91 3 MW fin septembre 2016)
- Solaire : 0. 3 % (la puissance installée était de 187 MW fin septembre 2016)
- Hydraulique : 1.9 %
On constate, comme sur l’ensemble de la France , une contribution très faible de l’éolien lors des deux périodes froides. Par exemple du 20 au 25 janvier la contribution de l’éolien aux besoins a évolué lors du pic du soir de 1,1 à 1,9 % seulement du besoin, le solaire ayant eu un apport faible en milieu de journée .

La figure 8 ci-dessous présente en haut le détail des productions horaires de l’éolien et du solaire sur le mois. On constate la brutalité des évolutions de l’éolien pendant les perturbations atlantiques, évolutions qui doivent être compensées essentiellement par des centrales fossiles, et la modestie de la contribution du solaire en hiver. Les périodes anticycloniques (4 au 8 et 20 au 25 janvier) sont caractérisées par des productions éoliennes très faibles sur des journées et plus exceptionnellement des semaines (en 2012) . La courbe en bas présente en parallèle l’évolution des températures à Brest. On constate la faiblesse du vent lors des épisodes froids, et que les périodes ventées correspondent le plus souvent à des épisodes atlantiques plus doux. Il y a cependant eu deux épisodes courts de vent froid, avec un ressenti de froid accentué.

Les facteurs de charge (production réelle sur production à pleine puissance), si on observe les cinq jours consécutifs du 21 au 25 janvier, n’étaient que de 7,1 % pour l’éolien, 8,6% pour le solaire et 7,3% pour cet ensemble intermittent. Sur l’ensemble du mois ils étaient respectivement 19%, 5.7% et 16,8%.
On note de plus un profil éolien typique des mois d’hiver avec des épisodes de vents très violent, avec par exemple le 12 janvier une puissance éolienne qui a cru de 64 MW à 4h30 à 758 MW à 14h30 (82% de la puissance installée).
Faut-il vraiment conclure devant ces réalités !
La ministre lance une affirmation très inexacte puisqu’elle vante la production éolienne et solaire qui n’a dépassé une production horaire de 8 GWh que pendant 3 heures sur l’ensemble du mois, et s’est bien gardée de dire comment on gérait la crise le reste du temps !!
Contrairement à ce qu’affirment les promoteurs de l’éolien, on ne peut s’appuyer aveuglément sur un foisonnement à l’échelle de l’Europe en hiver. S’il avait fait quelques degrés de moins sur l’Europe (comme en février 2012), c’est tout le continent qui aurait pu disjoncter.
- Le solaire était bien présent par un temps froid, sec et ensoleillé, mais avec un facteur de charge bien faible, de 8,5 % car c’était l’hiver !
- Heureusement que le nucléaire était là malgré ses faiblesses temporaires ! Quelle idée de vouloir arrêter des réacteurs maintenant !!!
- Quant aux allemands, faisant fi de leurs déclarations lors de la COP 21, ils se sont massivement replié sur charbon, lignite et gaz.
- Et la Bretagne : le feuilleton de sa dépendance énergétique est loin d’être terminé.
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