Rapport du GIEC : des mesures d’adaptation nécessaires face au changement climatique Enregistrer au format PDF

Dimanche 13 mars 2022

Cet article a été écrit avant l’entrée des troupes russes en Ukraine. Mais il ne fait que souligner que malheureusement, l’urgence climatique n’est pas dans les préoccupations des principaux dirigeants du monde, que ce soit d’ailleurs ceux de la Russie ou de l’OTAN pour qui les enjeux de domination géopolitique déterminent les priorités, loin devant l’atténuation ou l’adaptation au changement climatique.

La guerre a provoqué une réorientation radicale de la politique énergétique allemande, malheureusement pas pour réduire ses émissions carbonées, au contraire, pour se passer du gaz russe en acceptant de prolonger… le charbon !

Il faut le dire de plus en plus fortement. L’urgence climatique, ce n’est pas de changer nos modes de vies, mais de changer nos gouvernements et d’imposer une société de paix dont les premières priorités soient l’humanité toute entière.

Le 6e rapport du GT II du GIEC sur les impacts, l’adaptation, la vulnérabilité face au changement climatique confirme l’interdépendance du climat, des écosystèmes, de la biodiversité et des sociétés humaines. Il fournit un cadre intégré de description des risques associés au changement climatique, couplant l’aléa climatique, l’exposition et la vulnérabilité.

Thierry VIDAL

L’adaptation pour réduire la vulnérabilité et l’exposition

L’adaptation au changement climatique est l’ensemble des transformations qui réduisent l’exposition et/ou la vulnérabilité [1]. Le rapport souligne l’importance de la production et de la diffusion de la connaissance pour une adaptation effective, faisable, et juste, et éviter la « maladaptation ».

Le 6e rapport du GT II du GIEC montre que les personnes et les systèmes les plus vulnérables sont les plus affectées par les conséquences du changement climatique. Les événements extrêmes vont déjà au-delà des capacités d’adaptation des plus vulnérables. La vulnérabilité des personnes et des systèmes est augmentée par la conjonction de l’exploitation socio-économique, et de l’usage non durable de la nature. L’adaptation doit donc prendre en compte l’interdépendance de la nature et des sociétés humaines.

Alors que l’élévation de la température a déjà atteint 1,1°C, le seuil de 1,5°C qui figure dans l’Accord de Paris de 2015 amènera déjà une hausse irréversible des catastrophes. Limiter la hausse des températures est indispensable pour contenir les catastrophes, même si certaines seront inévitables. La hausse du niveau de la mer est ainsi engagée pour des siècles, quels que soient les efforts réalisés pour contenir le réchauffement, mais elle sera d’autant plus faible et moins rapide que les efforts d’atténuation seront importants. Y adapter les littoraux (habitations, zones agricoles, infrastructures d’énergie et de transport, etc.) est donc un impératif à engager dès à présent.

Interactions fortes avec les autres risques

Toutefois, les risques climatiques et non-climatiques vont de plus en plus interagir, ceci de façon complexe, ce qui rendra les catastrophes de plus en plus difficiles à gérer. Mais les effets de politiques d’adaptation sont déjà observés et donnent des résultats. Ces politiques sont à accélérer, à partager, et à décliner selon les contextes locaux. A l’inverse, la maladaptation peut verrouiller les efforts d’adaptation futurs et augmenter la vulnérabilité. Il est à noter cependant que la société prend du retard dans son adaptation par rapport à la vitesse du changement climatique.

En tous domaines, les synergies entre politique d’atténuation et d’adaptation doivent être recherchées et créer les conditions d’un développement humain résilient. Celui-ci doit favoriser les approches intégrées, répondant à un maximum d’enjeux, et s’appuyer sur la coopération à tous les échelons, du local à l’international.

France : Nécessité d’une vision intégrée

La politique climatique française doit s’appuyer systématiquement sur le couplage de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation à ses effets. A ce titre, elle doit encourager la réponse aux enjeux couplés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de production énergétique et alimentaire, d’aménagement du territoire, de transports, de préservation des écosystèmes et de lutte contre l’artificialisation des sols, de défense (liste non exhaustive).

Elle doit plus spécifiquement rechercher la compatibilité entre les documents d’orientation que sont la Programmation pluriannuelle de l’énergie, la Stratégie nationale bas carbone et le Plan national d’adaptation au changement climatique. Les dispositions de ces documents de la politique climatique nationale doivent devenir prescriptifs et être votés sous forme de lois annuelles au parlement, au même titre que les lois de finance, et évaluer l’atteinte des objectifs climatiques que la France s’assigne, en atténuation et en adaptation. Ces dispositions doivent s’appliquer à l’État, aux collectivités locales et au secteur privé.

Une complémentarité des approches à développer

Les synergies entre politiques d’atténuation et d’adaptation se trouvent par exemple dans la hausse de la production d’électricité nucléaire, qui permet d’étendre l’électrification décarbonée des usages finaux, de réindustrialiser le pays et de réduire le coût carbone et financier de la production. En outre, comme le rapport de RTE l’établit, plus on développe le nucléaire, moins on consomme de matières première et d’espaces naturels, contribuant à la lutte contre l’artificialisation des sols. Celle-ci est indispensable pour permettre aux sols d’absorber la pluie et de limiter le ruissellement et les inondations lors des précipitations extrêmes ; l’humidité ainsi conservée peut être rendue à la végétation et aux cultures lors des extrêmes de chaleur, contribuant ainsi à réduire la température de l’air. Ainsi, l’adaptation et l’atténuation sont les deux jambes d’une même politique.

Le caractère inéluctable de la hausse du niveau de la mer doit conduire l’État a organiser, avec les collectivités concernées, la stratégie à adopter, en définissant les zones à abandonner à la mer et celles à protéger. Lorsque décidé, le rapatriement des activités et habitations à l’intérieur des terres doit être accompagné pour les personnes, entreprises et collectivités concernées, et devenir irréversible. La gestion de la ressource en eau doit par ailleurs prendre en compte, d’un côté, sa diminution prévisible, et, d’un autre côté, un partage juste des usages. Les innovations techniques pour les économies de consommation (en matière d’irrigation, d’assainissement) doivent faire l’objet d’expérimentations, et, le cas échéant, permettre une évolution législative allant dans le sens d’économies de consommation fondées sur le progrès technique. La politique forestière, qui requiert le temps long et une gestion durable, doit concentrer ses efforts entre politique climatique et développement de la filière bois nationale. Le risque stratégique associé au changement climatique doit systématiquement être intégré à la politique de défense et à la diplomatie (sécheresses, guerres de l’eau, migrations, famines, etc.).

La politique climatique doit structurer toute l’action publique

Pour cela, le ministère de la transition écologique doit être renforcé dans ses capacités opérationnelles d’observation et d’ingénierie pour l’adaptation aux effets du système climatiques, en ce qui concerne notamment ses établissements publics (Météo-France, IGN, CEREMA) ; il doit devenir co-tutelle d’autres établissements proches pour qui il ne l’est pas déjà (SHOM, CNES). La réponse à l’enjeu climatique doit être inscrite dans les missions de toutes les administrations, quel que soit leur ministère de rattachement. L’administration centrale du ministère de la transition écologique doit aussi être renforcée en interministériel, de façon que la politique climatique gagne un caractère prescripteur aussi fort que le sont les projets de loi de finance ; à ce titre, le ministère de la transition écologique doit se voir confier chaque année l’élaboration de la loi climatique annuelle évoquée précédemment, et toute loi votée doit se voir évaluée quant à sa compatibilité avec la loi climatique annuelle. Enfin, une Cour climatique, équivalent de la Cour des comptes, doit être créée pour contrôler l’effectivité de la politique climatique, et déclinée régionalement par des Cours régionales climatiques.

Thierry VIDAL est ingénieur.

[1A noter que le rapport du GT I d’août 2021 décrivait les bases physiques du changement climatique, donc l’aléa lui-même, tandis que le rapport du GT III d’avril 2022 décrira les leviers pour réduire l’aléa (politique d’atténuation du changement climatique).

Voir en ligne : sur l’excellente revue « progressistes » du PCF

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