C’est pourquoi notre première question porte sur la paix. A priori, nous demandons tous un cessez-le-feu et la recherche d’un accord de paix pour tous les pays de la région. Mais certains parlent d’une paix imposé à une Russie contrainte à capituler comme l’exige le président Zelenski, réduite à 50 Millions d’habitants comme le demande Lech Waleza, démembrée en 4 pays indépendants comme le demandait Brezinski il y a déjà 30 ans. Cette paix suppose une guerre totale jusqu’au territoire russe avec les risques de mondialisation, notamment en Europe, jusqu’aux dérives nucléaires possibles.
Nous sommes convaincus que la paix ne peut au contraire qu’être le résultat d’un accord assurant l’indépendance et la sécurité de tous les pays de la région, et donc de la Russie. C’est pourquoi le dialogue avec la Russie est indispensable, comme la remise en cause de la stratégie agressive de l’OTAN. Ce n’est pas le choix des USA et tous ceux qui parlent de l’Ukraine doivent dire clairement s’ils s’inscrivent dans le projet US de démantèlement de la Russie, véritable enjeu de cette guerre. Qu’avez-vous dit au président Zelensky sur ce point, lui qui avait fait de la paix avec la Russie son premier thème de campagne électorale, avant de relancer la guerre dans le Donbass il y a 3 ans ?
Pendant que nos médias nous racontent chaque jour le narratif occidental diffusé par l’OTAN avec le président Zelensky comme héros, l’immense majorité de la planète regarde cette guerre au mieux de loin, refusant de s’inscrire dans les sanctions occidentales qui ne concernent que 20% du monde. Certains même observent intéressés l’hypothèse d’une défaite US, après celle d’Afghanistan, qui marquerait plus fortement la fin du monde unipolaire sous domination US. Et tous en profitent pour se dégager de la domination du dollar, les échanges en monnaies nationales se développant en grande vitesse, du Pakistan à l’Inde, du Brésil à l’Arabie Saoudite.
Nous savons bien que vous ne partagez pas cette lecture du basculement du monde sortant de la domination occidentale, mais la paix mérite un vrai débat politique en France, notamment entre les forces de gauche et écologistes, pour ne pas se retrouver embarqués dans une dérive militariste dangereuse. Historiquement, la paix a été un thème commun aux communistes et aux écologistes. C’est d’autant plus important que ce sont les pays européens qui paient cette guerre, jusqu’aux menaces du président Macron demandant aux français d’accepter de payer « le prix de la liberté » pour l’Ukraine.
Dans l’urgence, nous espérons que vos relations avec les dirigeants ukrainiens vous permettront de peser sur des situations de victimes de la répression politique en Ukraine, non pas de ceux qui avaient refusé le maidan en 2014 et qui ont participé aux républiques autoproclamées du Donbass, mais de toutes les forces progressistes et de gauche, syndicales, associatives, y compris de forces qui étaient impliquées dans les débuts du maidan.
Pouvez-vous peser sur la situation de Volodomy Chemerys, le "mouton noir" de la politique ukrainienne, un militant progressiste qui était un des dirigeants des débuts de maidan, réclamant le rapprochement avec l’union européenne et la démocratie, et qui a constaté que ses idées étaient rapidement supplantées par les idées d’extrême-droite dans le maidan même. Quand il a dénoncé l’agression militaire de Kiev contre le Donbass, quand il a dénoncé les violations de la constitution nouvelle dont il avait un des rédacteurs, il a fait face à une répression violente, des menaces. Il a tenu bon en maintenant son activité et ses publications. Mais il a été arrêté par la police accompagné de milices néonazis le 8 juillet dernier et ses proches sont sans nouvelles.
Nous pourrions vous demander aussi des nouvelles de Larissa, une ancienne habitante de Kharkov qui organisait une action humanitaire pour des villes sur la ligne de front du Donbass et qui a été arrêtée et torturée par le SBU, ou encore des frères Kononovich, dirigeants du mouvement des jeunes communistes d’Ukraine, arrêtés eux aussi après de multiples agressions de milices, et dont les proches craignent l’assassinat.
C’est d’ailleurs l’ensemble des droits démocratiques et sociaux qui sont écrasés par le régime de Kiev, interdisant tous les partis politiques d’opposition, et organisant un recul des droits sociaux et syndicaux qui feraient passer les lois travail de Macron pour progressistes. Avez-vous pris des contacts avec ces forces progressistes faisant face à la répression interne en Ukraine ?
Enfin, nous pensons que ceux qui ont des relations directes avec le président Zelenski doivent lui poser la question essentielle de la corruption, du risque qu’une grande part de l’aide occidentale soit détournée pour des intérêts privés, et même qu’une part de l’aide militaire devienne la base d’un trafic juteux au bénéfice d’intérêts obscurs ou mafieux. Un reportage occidental récent de la chaine CBS estime que seuls « 30 % des armes données à l’Ukraine arrivent sur le front », dans un contexte de conflits internes au régime comme le montre le limogeage le 17 juillet de la procureure générale et du chef des services de sécurité du pays.
Vous savez que le président Zelensky est un proche de l’oligarque Ihor Kholomoisky, qui avait été interdit d’entrée aux USA pour corruption, mais qui a été le financeur de sa campagne électorale. On peut comprendre de ne pas mettre la question de sa situation personnelle sur la table, malgré les alertes nombreuses notamment suite aux révélations des Pandera Papers, mais les alertes même des services US sur les difficultés de tracer les armes livrées sont largement connues, même si nos médias ne les évoquent pratiquement pas.
Enfin, connaissez-vous Sacha Bergheim, blogueur franco-israélien qui donne une histoire saisissante de l’antisémitisme en Ukraine de la période nazie jusqu’à aujourd’hui ? On ne peut sur de tels sujets en rester aux discours médiatiques officiels qui font partie de la guerre de l’information, des deux cotés. Dans tous les pays européens, l’extrême-droite a pris une place considérable. En France, elle est devant la gauche au premier tour présidentiel, et cela concerne bien sûr l’Europe de l’Est et l’Ukraine, où les mouvements se réclamant du banderisme jouent un grand rôle, aussi bien dans les milices qu’au plan des idées, jusqu’aux thèses racistes d’un peuple russe de sous-hommes face au peuple ukrainien héritier des vikings qui prennent place dans les programmes scolaires ukrainiens.
Nous considérons que toutes ces questions méritent un vrai débat à gauche, et des attitudes mesurées et responsables dans l’expression publique sur cette guerre pour ne pas être associé à la mobilisation des élites occidentales au service de la stratégie US face à la Russie.
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