Le premier sentiment est bien sûr la fierté pour Vénissieux d’avoir été choisi pour un site industriel de premier plan de la SNCF, dans une ville qui est aussi une ville de cheminot, même si nous n’oublions pas les questions et les inquiétudes sur l’avenir du site d’Oullins [1]...
Même si j’avais déja lu des articles présentant le projet, j’ai été impressionné par la présentation des acteurs de ce projet, visiblement passionnés et fiers de ce projet ambitieux. Il ne s’agit pas seulement d’un centre technique de maintenance, mais d’un site majeur de ce qu’on appelle "l’industrie du futur", ces usines où les objets connectés permettent un pilotage numérique intégré de l’ensemble des activités, avec des compétences de pointe des ouvriers, techniciens, ingénieurs qui feront vivre ce site... Un exemple qui m’a frappé, il y aura 400 lampadaires, tous LED bien sûr, mais aussi "intelligents", c’est à dire connecté pour régler l’éclairage en fonction de l’activité, de la lumière naturelle, et mieux, ces lampadaires connectés "voient"passer tous les objets connectés, comme les composants qui sont en maintenance, ce qui permet de savoir à tout moment où est tout outil, équipements, pièces...
Mais ce n’est pas seulement le site qui est "du futur", le projet de construction lui-même est conduit avec les techniques numériques les plus récentes, tout est modélisé, simulable, en interaction avec le contexte... C’est ce qu’on appelle le "BIM", pour Building Information Modeling, une technique qui se répand dans les projets de construction [2] où tout est modélisé numériquement pour pouvoir faire des simulations, et même des réalités virtuelles pour se promener virtuellement dans le chantier, détecter les problèmes sans attendre de se retouver devant, et anticiper les solutions... On peut intégrer les futurs équipements industriels pour simulerleur installation...
C’est sans doute un des projets de ce type les plus avancés de l’agglomération et cela a permis un projet très rapide... La décision d’investissement est de 2015, le choix du site de Vénissieux de 2016, le bâtiment sera terminé fin 2018, et le site doit rentrer en fonctionnement fin 2019 ! Un véritable exploit pour un site de cette importance (40 000 m2) et de cette complexité...
C’est aussi un projet environnemental avancé, avec la partie tertiaire labellisée HQE pour tous les critères, et le bâtiment industriel HQE pour l’énergie, des niveaux de consommation énergétique. L’accès en mode doux est prévu depuis la gare, avec deux garages à vélo, le début d’une coulée verte. Malheureusement, il n’a pas été possible de le raccorder au réseau de chaleur, car nous ne pouvons fournir de froid. Cela reste une erreur car encore une fois, c’est le gaz qui s’impose et donc... le carbone, une solution mixte, réseau de chaleur pour le chauffage, électricité pour le froid aurait eu un bilan carbone bien meilleur !
Il reste que ce très beau projet ne nous dit pas l’avenir de la SNCF en pleine restructuration ! A noter d’ailleurs qu’il est porté par la branche "SNCF Immo" qui gère l’énorme foncier et patrimoine de la SNCF, hors gares et infrastructures ferroviaires, autrement dit, une filiale que certains aimeraient sans doute sortir du périmètre service public, voire être privatisée... Il faut noter d’ailleurs que le directeur de SNCF Immo présent, évoquera pour les relations avec la ville le technicentre et le quartier Coblod, de l’autre coté de la gare, sans dire un mot de la gare elle-même, ni du projet quartier gare ! Mais il est vrai qu’il dirige SNCF Immo, et que les gares relèvent d’un autre "EPIC" de la SNCF qui a sa propre logique.. Et pour l’instant, la SNCF ne s’est toujours pas engagée pour une grande gare multimodale à Vénissieux...! Les élus communistes métropoitains interviennent fréquemment pour que la métropole mette enfin le rail au coeur de son "plan mobilité métropolitain"
La CGT SNCF se bat pour maintenir un service public "intégré", en considérant justement qu’il est dangereux, notamment pour la sécurité, de segmenter les métiers qui font le service public, et chacun comprend que la maintenance en fait partie !
J’ai enfin échangé avec les acteurs SNCF du projet sur l’ambition de la SNCF pour aller vers une logistique "décarbonée"... Car ce qui surprend, c’est que la SNCF va faire venir des composants de trains au technicentre... en camions, alors que les rails sont à 200 mètres ! Mais les acteurs raisonnent évidemment dans le contexte actuel d’avantage compétitif du camion sur le train, surtout quand on raisonne en "juste à temps", qu’il faut travailler (presque) sans stock. L’un me dira que pour le volume de 15000 pièces annuelles à maintenir, il n’était pas possible d’utiliser le train. Mais c’est bien parceque la SNCF a supprimé son offre de "wagon isolé", qui pouvait au contraire correspondre aux besoins des PME, c’est aussi parcequ’on ne recherche pas tous les regroupements possibles pour "remplir" un wagon, quitte à allonger un peu les délais. La stratégie imposée à la SNCF par les gouvernements successifs la conduit à s’adapter à une économie reposant sur le transport sur route, qui plus est carbonée, donc anti-climat...
Allez, je conclus sur une note positive. Un jour nous reparlerons de la connexion fer du technicentre SNCF...