Le groupe d’opposition de centre droit avait déposé deux voeux concernant la ZFE, présentés par Christophe Geourjon, élu métropolitain de la circonscription Lyon sud, connu pour ses interventions très argumentées sur les transports.
Ces vœux ne disaient pas grand chose, l’un qu’il fallait prévoir un temps d’adaptation pour les habitants, ce qui a déjà été dit, l’autre qu’il fallait étudier les propositions du « panel de citoyens » mis en place par la métropole dans le cadre de la concertation publique sur la ZFE. A vrai dire, je m’interrogeais sur la motivation de ces deux délibérations très consensuelles apparemment, car qui peut imaginer que le vice-président qui a mis en place et suivi le travail de ce panel citoyen n’allait pas étudier avec soin leur rapport ?
Un groupe de travail regroupant tous les élus est en place, il doit prochainement valider la démarche concernant les véhicules Crit’Air 5+ qui sera délibéré en mars. L’agenda de la suite est en partie déterminé par la loi, les Crit’Air 4 devant être interdit à partir du 1er janvier 2024, et les Crit’Air 3 à partir de 2025. Le travail pour mettre en œuvre cette loi dans la métropole est encours…
La concertation qui devait se terminer le 5 février a été prolongée car beaucoup d’habitants découvrent le sujet quand on leur en parle et que donc, la grande majorité n’a pour l’instant pas encore été sensibilisé à ce dossier.
Bref, on a le temps d’en parler dans les différents groupes, commissions, rencontres publiques… Il y a un enjeu de fonds sur les Crit’Air 2 et l’agenda global en lien avec l’agenda de développement des transports en commun, qui n’étaient pas évoqués dans ces voeux, Pourquoi alors les présenter en fin de conseil en ce mois de janvier 2022 ? D’autant que le vice-président fera remarquer avec malice qu’en général, quand on fait un voeu, c’est en s’adressant à quelqu’un d’autre que soi-même…
En fait ce sujet ZFE est devenu un enjeu des élections présidentielles ! C’est pourquoi j’ai repensé à l’excellente interview de Fabien Roussel, candidat communiste, au journal de 13h de TF1 le samedi 22 janvier. Il disait
J’alerte les téléspectateurs, il y aune bombe qui se prépare. A partir de cet été et dans les deux ans qui vont suivre, près de 2 Millions d’automobilistes ne pourront plus accéder aux grandes villes de France. Ils ne pourront plus y accéder car les voitures polluantes, les Crit’Air 3 et 4, seront interdites. Et bien moi je veux lutter contre la pollution, parce que c’est nocif pour la santé, mais sans taper sur les classes populaires, sans taper sur la classe ouvrière, la classe moyenne. Je fais donc une proposition, qu’on permette à ceux qui ont des voitures polluantes de pouvoir acheter des voitures propres, avec une prime à la conversion qui pourra monter jusqu’à 10 000€. Et je pense aussi aux jeunes qui dans la ruralité n’ont pas d’autres choix que la voiture pour se déplacer, je propose la gratuité du permis de conduire pour les moins de 25 ans.
Voilà une intervention claire qui a un grand mérite. Presque 6 millions d’auditeurs (au passage, encore un record d’audience pour Fabien Roussel) qui auront entendu son message d’alerte et vont donc peut-être tenter d’en savoir plus sur ces ZFE. Trop peu d’habitants de la métropole se sentent concernés. Si plus de dirigeants politiques en parlaient dans une émission nationale, cela aiderait !
Mais elle est aussi claire car elle se concentre sur le problème crucial des inégalités sociales, et refuse que cette lutte contre la pollution se fasse contre les milieux populaires.
Certes, il y a beaucoup d’autres choses à dire, notamment sur la diversité des pollutions, les transports en commun, l’autopartage, les modes actifs, l’urbanisme, l’emploi… Mais quand on parle à l’ensemble des Français, on ne peut pas faire comme si tout le monde habitait en centre-ville !
Si le vice-président Jean-Charles Kohlhass a apporté toutes les explications utiles sur la concertation encours, le calendrier, il s’est fait piéger dans cette polémique dans le début de sa réponse
Quasiment la totalité de la population a la capacité ou la possibilité de la mobilité, à pied, une grande majorité, de l’ordre 75% aurait la capacité de la mobilité à vélo, une faible minorité a la capacité de la mobilité en voiture, d’abord parce-qu’un tiers des foyers n’a pas de voiture, ensuite parce qu’une partie de la population est trop âgée, trop jeune, ou parce qu’il n’y a qu’une voiture dans le foyer
D’abord, l’homme a vite appris a domestiquer les chevaux, les vaches, les buffles pour faciliter sa mobilité, et notamment porter des charges, il a vite inventé des bateaux, fait tirer des charrettes, puis inventé des trains… Et ce progrès dans le droit à la mobilité est une bonne chose. Il permet d’aller plus nombreux plus loin, plus vite, plus chargé…
Les 120 000 habitants de la métropole de plus de 75 ans ont le plus souvent des difficultés à conduire une voiture, mais ils sont au moins aussi nombreux à avoir des difficultés de marche, encore plus de vélos. Malheureusement, la vie est inégale, et s’il existe des championnats de ski des plus de 80 ans, ils ne concernent que bien peu de personnes de cet âge.
Alors oui, il faut favoriser les modes actifs dans l’urbanisme, dans les déplacements, aussi pour des raisons de santé publique, mais ils ne peuvent assurer à eux seuls le droit à la mobilité.
Ensuite, ce n’est pas parce-que des pauvres n’ont pas les moyens d’acquérir une voiture qu’il faut considérer que c’est normal et qu’en quelque sorte, il faudrait que plus de foyers soient contraints ainsi à se passer de voiture.
Certes, on peut choisir la « démotorisation ». C’est un choix de vie, comme d’habiter dans une campagne éloignée de tout. On peut choisir de se déplacer peu, ou au contraire de ne pas tenir en place. On peut, quand on en a les moyens, habiter et travailler au cœur urbain d’une grande ville et profiter de la « ville des courtes distances » pour ne se déplacer qu’en modes actifs. Sans aller jusque là, je suis très heureux d’habiter aux Minguettes et de pouvoir aller au cinéma à pied.
Mais une politique publique ne peut chercher à imposer un mode de vie. Elle peut imposer des contraintes justifiées par cette belle définition de la liberté qui « n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ». Autrement dit, le partage de l’espace public, des ressources énergétiques, de l’environnement, peut justifier des limitations au droit à la mobilité, mais « ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. ».
Donc devant le constat que beaucoup de foyers populaires n’ont pas de véhicules, je me poserai plutôt la question, comme Fabien Roussel, de leur permettre d’y avoir accès, s’ils en font le choix bien sûr !
Le débat sur la ZFE a besoin d’éviter les polémiques stériles, et tout ce qui renvoie à des stéréotypes sur le bon cycliste [1] et le méchant automobiliste ne sert pas le débat citoyen pour une autre mobilité, pour réduire la place de la voiture dans la ville, non pas parceque l’a voiture est « mal », mais parcequ’elle consomme trop d’espaces pour ce à quoi elle sert, parcequ’elle ne peut pas répondre aux besoins de mobilité du quotidien aux horaires de pointe, ou elle nous fait perdre notre temps dans les bouchons… Il y a suffisamment de bonnes raisons pour développer les modes actifs, les transports en communs, l’autopartage.
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