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Réaction au débat métropolitain sur l’hébergement d’urgence
Mercredi 4 septembre 2024

Les élus communistes ont apporté leur contribution au débat métropolitain sur l’hébergement d’urgence. Elle part d’un constat terrible.

Selon la Préfecture, il y avait fin 2023 dans le Rhône, 3 198 personnes sans logement (391 de plus qu’en 2022), 19 566 personnes hébergées chez un tiers (1485 de plus qu’en 2022), 9 010 en hébergement temporaire (801 de plus qu’en 2022), 6602 dans un logement insalubre (130 de plus qu’en 2022), 29 709 dont la demande de logement avait plus de deux ans (3985 de plus qu’en 2022), 6338 dans un logement inadapté au handicap (449 de moins qu’en 2022, seule situation qui s’est améliorée), 19 523 dans un logement trop petit (1135 de plus qu’en 2022). Depuis tout s’est encore aggravé, et on risque d’apprendre en fin d’année qu’on aura dépassé les 100 000 personnes en situation de mal logement prioritaire, 68 000 en 2020, 83000 en 2021, 89000 en 2022, 96 000 en 2023…

Voila la situation réelle, connue de tous, et qui a placé la métropole cet été dans l’impossibilité de continuer à mettre à l’abri toutes les femmes avec enfant en bas âge. Après de nombreuses discussions dans la majorité municipale, elle met en place des critères pour mettre à l’abri les personnes dans les situations les plus difficiles, sans pouvoir apporter une réponse générale qui dépend totalement des politiques publiques nationales.

L’émotion et la colère sont légitimes devant des situations terribles dans un pays riche. Mais tous les militants savent que cela dure depuis des années, que cela s’aggrave, que la dérive des idées à l’extrême-droite, dont les conséquences politiques apparaissent de plus en plus clairement, pèsent sur des politiques publiques de plus en plus restrictives pour l’accueil des migrants, le logement et l’hébergement de tous. Ils savent tous au fonds qu’on ne peut s’en sortir au niveau local, municipal ou métropolitain, mais comme ils connaissent les élus locaux, qui sont les acteurs publics les plus accessibles, ils espèrent malgré tout pouvoir résoudre au moins telle ou telle situation.

Dans le débat de la majorité métropolitaine, j’ai défendu l’idée qu’il fallait prendre des initiatives pour permettre de porter la colère militante sur des revendications collectives, que les collectivités locales peuvent défendre, et sortir des seules interpellations sur des situations individuelles.

C’est ma principale préoccupation dans le débat public et les élus communistes ont bien raison d’appeler « à un dialogue entre élus, militants, citoyens sur ces questions qui divisent notre peuple ». Je ne partage pas du tout l’avis d’une élue lyonnaise me disant « les militants ont raison, ils militent, mais on ne peut pas les mobiliser avec nous, les élus doivent gérer ».

Essayons d’éclairer les conditions de ce dialogue nécessaire entre élus et militants.

Il faut regarder en face une situation qui s’aggrave

Les chiffres évoqués en introduction sur le mal logement sont terribles. On s’en rend mieux compte avec un graphique, qui souligne que toutes les formes de mal logement s’aggrave, des personnes à la rue aux anciens coincés dans un logement non accessible.

Nombre de personnes en situation de mal logement prioritaire de 2021 à 2023 (département 69)

L’augmentation continue des personnes à la rue peut donner l’impression que les acteurs publics n’ont rien fait. Et pourtant, ces 3 dernières années, il y a bien eu un renforcement des capacités d’accueil sous différentes formes d’hébergement, de la part de l’état comme de la métropole.

Capacités d’hébergement dans le Rhône de 2020 à 2023

En résumé, il y avait 11 572 places d’hébergement (de l’accueil inconditionnel aux pensions de familles en passant par l’insertion, les résidences sociales, les sous-locations…) en 2020, 12 654 en 2021 et 13 796 en 2023.

La métropole a contribué a ce renforcement en dépassant le cadre strict de ses compétences, ce qui se traduit par un budget en hausse continue depuis 2020, passant de 5,6 à 14,8M€ en 2024. Elle mettait à l’abri moins de 100 personnes par an avant 2020, elle le fait pour plus de 1000 personnes en 2024…

Et pourtant, le nombre de personnes à la rue continue d’augmenter. En résumé, on crée plus de 1000 places par an et pourtant il y a chaque année 300 personnes de plus à la rue…

Il est difficile pour un élu de constater qu’il ne peut résoudre de telles questions d’urgence humaine. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas en rester à ce qui relève des acteurs locaux, que ce soit les services préfectoraux, la métropole, les communes ou les acteurs de l’accueil et l’hébergement. Ceux qui se concentrent sur un seul sujet « la métropole doit protéger les femmes avec enfants en bas âge », comme ceux qui tentent de préempter un gymnase municipal espérant faire pression sur les élus locaux, nous entrainent dans une impasse. L’expérience nous montre que malgré la multiplication par trois du budget, malgré la multiplication par 10 du nombre de personnes mises à l’abri, on a toujours plus de situations d’urgence. Il faut ouvrir le débat sur les questions de fonds de l’immigration, d’autant qu’elles ont été au cœur du vote d’extrême-droite qui bouscule notre démocratie bien malade, et qu’on ne peut se contenter de répondre « vous êtes des racistes ». Les politiques d’immigration des gouvernements successifs de la France sont-elles seulement un problème de racisme ? Ou au contraire, n’ont-elles pas des causes économiques profondes, entre recherche de main d’œuvre mobilisable à bas coût et conséquences géopolitique de la guerre comme moyen de domination économique. La destruction de la Lybie par l’occident a eu des conséquences terribles sur l’ampleur des migrations, et leur violence. Au fonds, ce qui est enjeu, c’est l’effort des classes dirigeantes pour maintenir leur domination dans le pays, comme sur la planète, qu’on peut résumer en une formule : le choix de la guerre.

C’est toute la politique des gouvernements successifs des affaires étrangères, de l’immigration, de l’accueil et de l’hébergement qui est un échec aux conséquences inhumaines, injustes et inégales.

Les élus communistes insistent sur le lien fort entre la guerre et l’accueil des migrants, pourquoi ? Certains disent « il y a toujours eu des migrations, et il y en aura toujours, donc il faut affirmer les droits de tous ». Ils confondent deux choses qui n’ont rien à voir. Oui, l’histoire humaine est une histoire de migrations, de la préhistoire aux temps anciens, mais la mondialisation capitaliste en a transformé la nature ! D’un coté, la colonisation qui organise des migrations « prédatrices », s’appuyant sur l’armée et les banques pour préempter les ressources, et de l’autre la fuite des conséquences de cette colonisation, les guerres et le sous-développement qui pousse à des migrations de survie. Il y a quelques décennies, on avait des « boat-people » et des migrants asiatiques du sous-développement. Aujourd’hui, un asiatique est le plus souvent un touriste ou un investisseur… Rêvons d’une Afrique qui suive le développement de la Chine. Que deviendrait alors l’émigration africaine ?

Oui, il faut parler de la guerre et de la paix !. La France, comme tout l’occident atlantiste, refuse de reconnaitre sa responsabilité dans les situations de guerre et de sous-développement qui sont les premières causes des migrations. Non, les guerres du Congo, du Soudan, de l’Érythrée, du Yémen… ne sont pas des guerres civiles, mais des guerres où se jouent des intérêts occidentaux d’accès aux ressources, de domination, dans le grand affrontement géopolitique entre les alliés des USA et les peuples des Sud. On ne peut rien comprendre à l’immigration en ne regardant que l’accueil, quand le gouvernement dit vouloir réduire les arrivées, mais en même temps aggrave les causes des départs. D’ailleurs, quand il décide d’assumer les conséquences d’une guerre qu’il mène, alors il règle tous les problèmes de papier, de droit, de logement comme pour plus de 100 000 ukrainiens, au moment même où d’autres migrants étaient expulsés !

Et c’est parce que nous ne voulons pas reconnaitre notre rôle militariste partout dans la planète, que certains font croire que ce sont les migrants qui mettent en péril nos équilibres économiques et sociaux. Alors que les équilibres économiques sont d’abord mis en cause par le coût des guerres et dépenses militaires qui explosent contre les dépenses utiles de logement, d’éducation, de santé, et aussi par la captation accélérée des richesses par nos « oligarques », les 500 plus grandes fortunes de France. Et que nos équilibres sociaux sont d’abord mis en cause par l’explosion de la précarité, de l’errance, des addictions, de la grande pauvreté, qui ne concerne évidemment pas que les migrants, mais sont totalement liés à la désindustrialisation de la France, et à la domination de ces riches « premiers de cordées ».

C’est aussi l’échec des politiques restrictives d’accueil qui créent toujours plus de situations de non droits, comme ces familles syriennes que la France ne peut reconduire dans leur pays avec lequel nous n’avons plus de relations diplomatiques, mais que l’état refuse de régulariser et de loger. Ce sont des centaines de situations dans l’agglomération lyonnaise qui sont maintenues dans l’illégalité et la précarité.

Les derniers drames des migrants morts dans une embarcation de fortune dans la Manche nous rappelle que les politiques répressives ne font que pousser au pire, à prendre tous les risques. Comme l’Angleterre qui voulait renvoyer ses migrants au Rwanda, le discours libéral européen, rejoignant celui d’extrême-droite, veut nous faire croire qu’on peut s’en sortir avec plus de prisons, de murs et de soldats dans les pays du Sud, mais c’est un cercle vicieux qui ne peut qu’alimenter les tensions et les guerres, donc des migrations toujours plus dangereuses fuyant justement la guerre et l’injustice.

Un accueil digne, condition pour maitriser ces migrations

Au contraire, la condition pour faire cesser les squatts, bidonvilles et marchés de la misère qui dégradent nos villes, pour faire cesser les drames en mer, c’est d’organiser un accueil digne et responsable de toutes les personnes à la rue, avec un véritable service public de l’accueil et de l’accompagnement. C’est d’abord une compétence de l’état qui a bien sûr les capacités de le faire, notamment si la coopération avec les pays du Sud remplace la militarisation du monde. La loi de programmation militaire consacre près de 70 milliards par an à la guerre, 40 fois plus que les dépenses d’hébergement !

Cet accueil digne doit inclure les droits et les devoirs des bénéficiaires, et permettre de construire des trajectoires d’insertion et de réussite qui peuvent inclure le retour dans des conditions gagnantes au pays d’origine, après l’apprentissage du Français et d’un métier. Cela permet de renforcer l’action contre les réseaux de trafiquants, de prostitution, d’exploitation de la misère et de la précarité. Cela permet aussi de mener la bataille politique contre les idées d’extrême-droite. Non, il ne s’agit pas « d’accueillir toute la misère du monde », mais de contribuer à soigner les conséquences des guerres dont nous avons une part de responsabilité, et de reconstruire un monde plus équilibré permettant de faire reculer ces migrations d’inégalités. La France pourrait même inverser cette crise en développant la francophonie et en proposant aux migrants de contribuer à des projets de coopération gagnant-gagnant dans leur pays d’origine.

Nous savons que ces questions divisent notre peuple. Beaucoup de familles immigrées, se disent qu’il faut faire cesser les arrivées car elles mettent en péril leur propre situation. La guerre contre le logement social organisée par les gouvernements Macron crée une situation de concurrence terrible pour les demandeurs de logement. Des familles dont les enfants mariés sont contraints de rester chez leurs parents ne comprennent pas pourquoi des migrants seraient prioritaires. Dans l’agglomération lyonnaise, 9 demandeurs sont en attente pour chaque bénéficiaire d’un logement. La forte tension sur le logement social fait pression sur l’hébergement qui se retrouve écrasé entre sortie impossible et augmentation des besoins. C’est le lien profond entre situation du logement des salariés et situation de l’accueil des migrants. C’est ce qui fonde la nécessité comme la possibilité de faire converger bataille pour le droit au logement et bataille pour un accueil digne. D’un coté, la maison de la veille sociale dépassée en 2023 avec plus de 2300 demandes actives d’hébergement inconditionnel et seulement 590 solutions trouvées, de l’autre les 90 000 demandeurs de logement social qui sont en concurrence pour 10 000 attributions par an…

Les communistes souhaitent contribuer à des initiatives qui unissent toutes les situations d’urgence et de mal logement

On ne peut défendre une situation particulière en ignorant les autres. On ne peut travailler sur une catégorie de demandeurs en ignorant les autres. L’émotion d’une mère isolée avec nourrisson à la rue ne peut s’opposer à celle d’une mère non isolée, ou avec un enfant de 3 ans et un jour, ni avec celle d’une famille menacée d’expulsion, exploitée par des trafiquants dans un squatt, ni avec des situations dramatiques de suroccupation aggravée, de personne handicapée enfermée dans un logement en étage non accessible.

C’est pourquoi les associations et les militants doivent toujours inscrire leur action dans le cadre plus général de la bataille pour le logement et l’hébergement. Si nous demandons que la métropole renforce sa politique d’hospitalité, nous appelons au plus large rassemblement pour unir tous les demandeurs de logement ou d’hébergement et interpeller les politiques publiques nationales et l’ensemble des acteurs du logement et de l’hébergement.

Dans leur déclaration, les élus communistes font une proposition qui pourrait aider à faire converger toutes les actions, qu’un gouvernement décide de désaffecter deux milliards sur 70 de la loi de programmation militaire et affecte un milliard au logement et un milliard à l’hébergement.

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