L’évolution naturelle du parc de véhicules est très inégale socialement
Dans la métropole de Lyon, en 2020 par rapport à 2019, il y a eu 30 000 véhicules Crit’Air 0 ou 1 de plus (électriques, hybrides, petites essences...), 40 000 véhicules polluants de moins (Crit’air 3,4 ou 5) et 9400 véhicules Crit’Air 2 de plus...
Mais la situation est spécifique dans quelques communes que tout le monde reconnaitra comme parmi les plus riches [1]. Les Crit’Air 2 sont déjà en baisse contrairement au reste de la métropole et cela ferait en 2025 presque 1000 de moins, alors que ces communes ont concentré 1/3 des achats de voitures Crit’Air 1 de toute la métropole (9800 sur 28000). On peut penser que ce sont plutôt de gros SUV hybrides ou électriques.
Les données du nombre de véhicules existant dans la métropole sont disponibles sur un site du gouvernement avec les chiffres 2019 et les 2020 classés par niveau Crit’Air. En prolongeant la tendance 2019-2020, on peut ainsi faire une estimation du nombre de véhicules par Crit’Air en 2025, veille de l’application prévue de la ZFE complète qui interdirait tout véhicule qui ne soit pas Crit’Air 0 ou 1. [2]
Le résultat est regroupé en 3 catégories, les véhicules compatibles avec la ZFE annoncée et ceux non compatibles, en précisant pour ces dernier le nombre de véhicule concernés par la seule loi ZFE, moins stricte que la proposition actuelle de la métropole puisqu’elle accepte les Crit’Air 2.
D’où les colonnes suivantes du tableau.
ZFE : les véhicules Crit’Air 0 ou 1 qui seraient donc autorisés dans la ZFE
Non ZFE (GL) : nombre de véhicules non autorisés dans la ZFE de la métropole telle qu’elle est annoncée
Non ZFE (loi) : nombre de véhicules non autorisés dans la ZFE de la métropole si repose uniquement sur la loi.
On voit ainsi au total qu’il y aurait fin 2025 334 046 véhicules autorisés (sur les 775 000 actuels), 440 890 véhicules interdit au sens du projet de ZFE dont 90 543 qui seront de toute façon interdits par la loi...
Ces chiffres confirment que l’impact de la ZFE prévue par la loi est déjà énorme avec près de 100 000 personnes concernées qui devront changer de mobilité, et le plus souvent de véhicule. Ils se trouvent principalement dans les catégories modestes.
L’ambition d’une ZFE plus contraignante refusant le Crit’Air2 représente alors un véritable défi puisqu’on passe de 100 000 personnes à 450 000 personnes impactées !
A l’évidence, les évolutions connues des réseaux de transport, des mobilités actives ne peuvent être la réponse principale. Il y a donc un énorme marché de mutation du parc automobile dont la faisabilité économique doit être étudiée. Il faut très vite évaluer un cadre réaliste de mutation du parc automobile et d’évolution des mobilités, donc un renforcement des objectifs du PDU. Il y a un lien évident entre les projets de RER à la lyonnaise et la ZFE, sauf que les temporalités ne sont pas du tout les mêmes...
Voici les chiffres par commune :
Libellé commune | nb voitures ZFE | nb voitures Non ZFE (GL) | nb voitures Non ZFE (loi) |
Albigny-sur-Saône | 733 | 748 | 228 |
Bron | 8369 | 12863 | 3717 |
Cailloux-sur-Fontaines | 1140 | 1355 | 190 |
Caluire-et-Cuire | 12488 | 12562 | 1566 |
Champagne-au-Mont-d’Or | 2335 | 4850 | 328 |
Charbonnières-les-Bains | 2229 | 1685 | 209 |
Charly | 1545 | 1848 | 433 |
Collonges-au-Mont-d’Or | 1747 | 1011 | 157 |
Couzon-au-Mont-d’Or | 778 | 893 | 240 |
Craponne | 3602 | 3179 | 792 |
Curis-au-Mont-d’Or | 401 | 397 | 62 |
Dardilly | 3533 | 6550 | 551 |
Écully | 6944 | 5908 | 875 |
Fleurieu-sur-Saône | 427 | 440 | 158 |
Fontaines-Saint-Martin | 1148 | 1056 | 93 |
Fontaines-sur-Saône | 2282 | 1970 | 510 |
Francheville | 4995 | 4436 | 1039 |
Givors | 3224 | 6665 | 2891 |
Grigny | 1870 | 3741 | 1162 |
Irigny | 2730 | 3373 | 757 |
Limonest | 2610 | 4571 | 19 |
Lissieu | 1186 | 1761 | 145 |
Lyon | 113899 | 114021 | 19513 |
Marcy-l’Étoile | 1382 | 1194 | 264 |
La Mulatière | 1441 | 1263 | 387 |
Neuville-sur-Saône | 2051 | 2483 | 663 |
Oullins | 6083 | 6384 | 1608 |
Pierre-Bénite | 1833 | 3918 | 849 |
Poleymieux-au-Mont-d’Or | 335 | 333 | 76 |
Quincieux | 923 | 1515 | 375 |
Rochetaillée-sur-Saône | 373 | 393 | 125 |
Saint-Cyr-au-Mont-d’Or | 2422 | 2559 | 459 |
Saint-Didier-au-Mont-d’Or | 3190 | 2323 | 332 |
Saint-Fons | 4472 | 8507 | 2429 |
Sainte-Foy-lès-Lyon | 6666 | 5566 | 1212 |
Saint-Genis-Laval | 6153 | 7123 | 1409 |
Saint-Genis-les-Ollières | 1793 | 2052 | 311 |
Saint-Germain-au-Mont-d’Or | 795 | 736 | 109 |
Saint-Romain-au-Mont-d’Or | 402 | 232 | 72 |
Tassin-la-Demi-Lune | 7195 | 7145 | 659 |
La Tour-de-Salvagny | 1689 | 1408 | 202 |
Vaulx-en-Velin | 7585 | 19678 | 5446 |
Vénissieux | 11234 | 25732 | 8052 |
Vernaison | 1408 | 1930 | 511 |
Villeurbanne | 27889 | 40287 | 8713 |
Chassieu | 3943 | 7806 | 1219 |
Corbas | 3124 | 6331 | 1099 |
Décines-Charpieu | 6804 | 12378 | 2478 |
Feyzin | 2872 | 5118 | 1185 |
Genay | 1752 | 3997 | 631 |
Jonage | 1769 | 4169 | 665 |
Meyzieu | 8519 | 13701 | 3096 |
Mions | 3900 | 4919 | 538 |
Montanay | 1146 | 982 | 339 |
Rillieux-la-Pape | 6155 | 9929 | 2927 |
Saint-Priest | 12005 | 27513 | 5305 |
Sathonay-Camp | 2834 | 3262 | 567 |
Sathonay-Village | 822 | 720 | 185 |
Solaize | 872 | 1421 | 411 |
Total métropole | 334046 | 440890 | 90543 |
L’enjeu de santé publique
L’enjeu de santé publique est bien réel, incontestable et les études s’accumulent pour le confirmer. Mais on sait tous que nous sommes souvent peu attentifs aux risques sanitaires futurs quand nous "profitons de la vie"... Certes, il y a au contraire des hypocondriaques inquiets de tout, mais beaucoup de citoyens sous-estiment les risques sanitaires de ce qu’on ne voit pas. Ainsi beaucoup d’entre nous sont inquiets de prendre l’avion, mais très peu de prendre une voiture, alors que tout le monde connait le risque comparé...
Donc, l’évaluation médiatiquement très connue de l’enjeu sanitaire de la pollution de l’air doit être prise en compte avec sérieux. 48000 décès prématurés de 9 mois. Et si certains peuvent choisir l’insouciance individuellement, personne ne peut l’accepter collectivement, ce serait irresponsable.
Une politique de la qualité de l’air est nécessaire, et elle doit concerner tous les facteurs de pollution de l’air, dont les déplacements. C’est ce que faisait assez bien le "plan oxygène" du mandat précédent, et qu’il faudrait prolonger avec des sujets qui sont plus clairement apparus depuis. Le fait que les polluants circulent évidemment avec les masses d’air et donc qu’une action métropolitaine doit se faire en relation avec les actions régionales et nationales, le fait que certaines pollutions sont mieux connues comme celles liées aux frottements des véhicules (pneus et freins), le fait que les "pics" de pollution ne sont pas le problème mais bien le niveau moyen de pollution, ou le fait qu’on peut être en plein confinement avec les transports à l’arrêt et avoir une très mauvaise qualité de l’air.
Il ne faut donc surtout pas "grossir le trait" en décrivant les risques sanitaires de manière catastrophique. Cela peut provoquer l’effet inverse et des réactions de rejet et de déni. Il faut un discours équilibré situant toujours toute analyse et toute action dans un cadre global. Il faut aider à comprendre ce chiffre médiatique de 48 000 décès prématurés , et le situer dans l’ensemble des risques sanitaires.
Ainsi, il est vrai que les plus impactés par la pollution de l’air à l’oxyde d’azote généré par la circulation sur les grands axes sont souvent des familles populaires, les grandes barres des UC à Bron le long du périphérique ou de l’autoroute en sont un des exemples les plus connus. Mais ces familles sont aussi les plus concernés par beaucoup de risque sanitaires, obésité, mal bouffe, stress, conditions de travail...
Ainsi, il faut reconnaitre que la première inégalité de santé publique n’est pas celle liée à la qualité de l’air, mais celle liée aux conditions de travail. La perte d’espérance de vie liée à la qualité de l’air est évaluée dans les études entre 3 et 33 mois, en moyenne de 9 mois. Mais la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre supérieur est supérieure à 6 ans !
J’avais abordé ces aspects dans plusieurs articles qui me semble toujours très actuel et pédagogique pour ceux qui veulent découvrir les études de santé publique sur l’impact sanitaire de la qualité de l’air.
Mortalité anticipée due à la pollution. Faire appel à l’intelligence plutôt qu’aux peurs collectives
article du 1/09/2017 expliquant la méthode de calcul donnant le chiffre de 48 000 morts prématurés de 9 mois à partir de la lecture du rapport de santé publique France.
Ce chiffre repose sur le calcul d’un "risque relatif" appliqué ensuite à la population par zone géographique.
Le "risque relatif" est calculé à partir d’une "cohorte" de personnes suivies pendant des années et dont on connait les conditions de vie et de travail et l’état de santé. Ce "risque relatif" mesure le lien entre un élément des conditions de vie comme la pollution de l’air, et l’espérance de vie.
Ce "risque relatif" est ensuite appliqué dans chaque maille du territoire (au moins la commune) dont on a le niveau de pollution avec les modèles de circulation des pollutions. Cela permet de calculer le nombre de personnes impactées par une perte d’espérance de vie en comparant le niveau de pollution de leur lieu avec le niveau de pollution d’un lieu de référence, ou d’une norme. Le nombre de personnes à un niveau de pollution multiplié par le risque relatif à ce niveau de pollution donne une estimation du nombre de décès prématurés.
Ce qui conduit à donner plusieurs résultats selon le lieu de référence, le plus connu des 48000 décès prématurés de 9 mois correspond à la référence "aucune pollution". Si on utilise comme référence la norme recommandée par l’OMS, on obtient seulement 17 000 décès prématuré.
Qualité de l’air et transport, quelles sont les priorités en 2017 ?
article du 14/06/207 qui montre la complexité de la notion de pollution de l’air, puisque les zones les plus polluées par la poussière sont... les déserts, que la pollution de l’air est bien sûr toujours en mouvement comme les masses d’air, qu’une analyse au niveau européen montre de grandes disparités et une France plutôt bon élève.
L’article confirme l’amélioration constante de la qualité de l’air y compris pour les NOx et la multiplicité des causes, notamment pour les poussières, ce qui fait que la part des poussières émises par la combustion des voitures peut être très minoritaire dans le niveau total de poussières.