Un aperçu du débat..
Un habitant a fait remarquer avec raison que si l’impact social de ce projet est précis et concret pour tout le monde, ce n’est pas le cas de l’impact sanitaire des pollutions. Pour l’impact social, on connait le nombre de voitures qui seraient interdites, on connait le prix des voitures, le niveau des aides et... le budget moyen des Vénissians. Pour l’impact sanitaire, c’est un risque, plus vague et surtout pas concret. Il a raison. On connait l’impact sanitaire de 48 000 décès prématuré de 9 mois pour les poussières [1], mais c’est une probabilité qui fait peur mais qu’on comprend moins facilement [2]
Une personne voulait avec raison en savoir plus sur la possibilité de prendre un véhicule pour quelques heures, ce qu’on appelle l’autopartage. Elle ne semblait pas savoir d’ailleurs qu’un véhicule était disponible juste devant la mairie et... très peu utilisé.
Deux élus d’opposition étaient présents et ont tenté de rendre la ville responsable de ce projet de ZFE, alors que c’est une loi nationale et un projet métropolitain sur lequel la ville a donné un avis réservé [3].
La discussion a aussi souligné que les avis de chacun dépendent évidemment des situations personnelles. Un Vénissian sans véhicule ou un autre qui a déja un véhicule électrique ou hybride ont chacun une raison différente de ne pas craindre la ZFE, alors que les utilisateurs de vieux véhicules sont évidemment inquiets et souvent mécontents.
De même, une personne a demandé si les habitants du Moulin à Vent avaient un avis différent des autres puisqu’ils sont déjà dans la ZFE existante. Le sondage montre au contraire que leurs avis sont les mêmes. En fait, si la ZFE est bien active pour les Crit’Air5, cela concerne peu de voitures, et comme il n’y a pas de contrôle pour l’instant, personne ne s’en est vraiment aperçu [4].
Bien sûr, plusieurs interventions ont exprimés, parfois vivement, les réserves et les inquiétudes. J’en retiens une qui dira avec force que le principe même des ZFE revient à considérer la qualité de l’air comme une responsabilité individuelle, alors qu’elle est d’abord le résultat de choix politiques, notamment de développement urbain, de mobilité, d’organisation du travail, de financement des déplacements qui sont évidemment des enjeux collectifs.
Pourtant très différentes dans leur approche et leur public, les deux enquêtes convergent
Le premier résultat est le constat de l’échec de la concertation.
c’est un échec quantitatif car trop peu d’habitants sont informés, et encore moins sont bien informés... 48% seulement savent ce qu’est une ZFE contre 38% qui savent, 62% ne savent pas qu’elle existe déja à Vénissieux, et même encore 54% sur le quartier du moulin à vent où elle est déja là, 61% n’ont pas entendu parler du projet d’extension en discussion, et 68% ont le sentiment d’être mal informé...
mais c’est aussi un échec qualitatif, car les arguments contre sont mieux entendus que les arguments pour. Résultat, le petit nombre le mieux informé est plus fortement opposé, plus on connait, moins on défend le projet ! 50% des vénissians après explication du projet d’extension y sont défavorables, 59% de ceux qui connaissent et même 65% de la minorité de ceux qui se sentent le mieux informés. [5]. Voie Publique confirme avec 42% des interrogés qui pensent que la ZFE n’est pas efficace pour la qualité de l’air
Le deuxième résultat est de confirmer l’impact social majeur en ajoutant qu’il est directement lié à l’emploi. On constate ainsi que les plus pauvres utilisent leur voiture d’abord pour aller au travail (74%), puis pour les courses (53%), alors que les plus riches l’utilisent plus pour les loisirs. L’enquête Voie Publique confirme avec 67%. Et pourtant la majorité des Vénissians ne prévoient pas de changer de véhicule car ils n’en ont pas les moyens !
Cet enjeu social essentiel a clairement été sous-estimé dans le projet, l’impact sur la mobilité liée à l’emploi et donc sur l’accès à l’emploi ! On ne peut pas considérer comme un fautif celui qui n’a pas d’autre solution pour aller au travail. Si un accompagnement pour trouver des alternatives est utile, rien ne justifie une sanction !
Cela conduit à un constat qui ressort autant de l’enquête voie publique que du sondage CSA. Les Vénissians avec un véhicule polluant ne vont pas s’adapter à ce projet tel quel. Pour Voie Publique, 79% continueront à aller au travail en voiture. Pour CSA, 46% vont continuer avec leur véhicule, en prenant le risque, et seulement 14% vont chercher à changer de véhicule... Voie Publique a rencontré 46% des personnes qui iront quand même au travail en voiture et même 69% pour ceux qui n’ont pas d’emploi, sans doute parceque ce sont les plus pauvres. Pour Voie Publique, 61% ne changeront pas de véhicule et pour CSA, seulement 23% serait incité à acheter un véhicule propre à leur prochain changement, dont 70% en occasion avec un budget inférieur à 10 000€ pour 40% d’entre eux selon CAS et même 54% selon Voie Publique. Ce qui confirme que dans ce projet, la sanction, indispensable pour contraindre au respect de la ZFE, est injuste socialement, car ce sont justement les plus pauvres qui vont assumer cette contrainte, alors même qu’elle est due en premier à leur travail !
Cela conforte l’avis de la ville que le projet doit revoir son agenda et les moyens d’accompagnement. Il faut certainement mieux évaluer le coût des contraintes pour les habitants.
Comme la ville l’a proposé dans sa délibération, il faut adapter l’agenda de la ZFE à l’agenda de développement des alternatives, et notamment de l’accélération du développement des transports en commun, tout comme d’une meilleure connaissance du marché de l’occasion pour être réaliste sur le le rythme de changement du parc. Cela suppose sans doute de considérer que les Crit’Air 2 sont une étape indispensable pour beaucoup et devraient être intégrées dans les aides.
Comme beaucoup de politiques publiques il faut trouver le bon équilibre de la balance "coût/bénéfice" comme on le dit pour tout traitement médical. Interdire les véhicules polluants a évidemment un impact positif pour la santé, mais si son coût social provoque à l’inverse un renforcement des inégalités, alors le coût sera négatif, même pour la santé !
Ma conclusion, il faut accompagner plutôt que sanctionner, donc d’abord accompagner avant d’interdire.