L’hommage à Ana Maria Primavesi transmis par Milena Polini, du mouvement des sans terres du Brésil
Un hommage à une femme qui a révolutionné notre rapport à la Terre : Ana Maria Primavesi, pionnière de l’agroécologie, scientifique militante et gardienne du sol vivant.
Ana Maria Primavesi, née en Autriche en 1920 et exilée au Brésil après la Seconde Guerre mondiale, a dédié sa vie à comprendre et défendre la vie du sol. Docteure en agronomie, elle a combattu les dogmes de l’agriculture industrielle dès les années 1950, écrivant des ouvrages fondateurs comme « La gestion écologique du sol ». Mais Primavesi n’était pas qu’une scientifique – elle était une éducatrice populaire passionnée.
Dans les campagnes brésiliennes, avec les paysan
nes du MST, dans les universités ou sous les arbres à l’ombre desquels elle réunissait les communautés, elle a toujours partagé son savoir-faire.Emprisonnée sous la dictature pour ses idées progressistes, elle a transformé chaque obstacle en salle de classe, prouvant que l’agroécologie s’apprend aussi dans la lutte. Jusqu’à ses 98 ans, cette femme infatigable a enseigné que « soigner la terre, c’est soigner l’humanité ».
C’était une militante. Dans un Brésil dominé par l’agrobusiness, elle a brisé le monopole des pesticides et des monocultures, prouvant que l’agroécologie pouvait nourrir les peuples sans empoisonner la terre.
Dans le contexte où nous vivons, de crise environnementale, son combat résonne avec les luttes du monde entier. À Vénissieux, comme dans les territoires de réforme agraire du Mouvement des Sans-Terre au Brésil, l’agroécologie est un acte de résistance. Résistance contre l’accaparement des terres, contre les déserts verts de l’agriculture industrielle, contre l’exclusion des plus précaires.
Ana Primavesi nous a appris une vérité essentielle : le sol n’est pas une simple matière inerte, c’est un écosystème vibrant. Sous nos pieds, des milliards de micro-organismes, de champignons, de vers de terre tissent une toile invisible qui donne vie aux plantes, aux forêts, et donc… à nos vies.
Ana Primavesi aurait eu 100 ans en 2020. Mais son héritage, lui, ne meurt pas. Il grandit, comme les racines d’un arbre, comme les luttes que, pour sauver la planète et l’avenir, nous menons ensemble.
Construire ou reconstruire du lien entre tous les habitants et tous les quartiers, c’est aussi ça, faire la ville.
Intervention de Michèle PICARD, Maire de Vénissieux, Vice-présidente de la Métropole de Lyon, à l’occasion de l’inauguration de la préfiguration du parc Ana Maria Primavesi. Ce nouvel espace public végétalisé relie le plateau des Minguettes au centre-ville.
Construire ou reconstruire du lien, c’est aussi ça, faire la ville. L’inauguration de la préfiguration du parc est une première étape, concrète et tangible, de ce lien que nous faisons aujourd’hui entre les quartiers. C’est, aussi, le lancement de la vaste opération de la ZAC Marché Monmousseau-Balmes, qui va profondément redéfinir le Plateau des Minguettes et le rattacher au centre-ville.
D’une rénovation urbaine à l’autre, le but reste le même. Accompagner les évolutions d’usage pour améliorer le cadre de vie des habitants :
De 2005 à 2015, le premier Programme National de Rénovation Urbaine avait pour objectif de construire du lien entre les cinq quartiers du Plateau notamment autour de Vénissy. C’était nécessaire, mais nous savions que ce n’était pas suffisant.
Nous savons que quartier populaire rime encore trop avec relégation : c’est pourquoi nous avons fait du désenclavement des Minguettes notre priorité pour ce Nouveau Programme de Rénovation Urbaine, à la Ville comme à la Métropole.
Ce parc linéaire en est, je crois, un symbole et une parfaite illustration. Garantir la continuité territoriale renforce directement la cohésion sociale et notre pacte républicain.
Cette préfiguration est donc indissociable du projet structurant qu’est la ZAC Marché Monmousseau-Balmes :
A l’horizon 2035, notre objectif est de raccrocher le plateau au centre-ville, tout en recréant un quartier attractif, diversifié, adapté aux besoins des habitants, et d’environ 22 hectares. La transformation du quartier sera globale. Construction d’environ 1 000 logements, création d’une crèche, d’une halle de marché et la requalification de la place du marché, la reconstruction du gymnase Jacques-Brel…Je sais que ces aménagements, ces futurs services publics de proximité, sont très attendus par les habitants.
Ces opérations visent à créer une nouvelle trame d’espaces publics dont ils pourront se saisir. Et ce, tout en améliorant la qualité paysagère du site. Nous ne négligeons pas l’importance du cadre de vie en immédiate proximité, pour toutes et tous. Il est une pierre angulaire de l’attachement à son quartier, sa commune.
Nous avons résolument choisi de mobiliser l’expertise des habitants :
Bien sûr, les temps institutionnels réglementaires, comme les concertations, les réunions publiques, sont précieux pour recueillir les avis des habitants. Mais nous allons plus loin. Des ateliers de concertation en 2023 ont permis de faire émerger des réflexions sur ce futur espace public. A travers des stands sur le marché, des visites sur site, des ateliers maquette, nous avons pu présenter les objectifs du projet, débattre de ses usages futurs…Et les bancs qui jalonnent le parc ont été réalisés avec un groupe d’habitants, grâce au travail de l’association Graines de Bio-Divers-Cité et du collectif « Pourquoi pas ». Ce résultat est aussi le leur et je remercie toutes les personnes et associations qui s’y sont impliquées.
Bien sûr, le parc n’est pas entièrement finalisé ; nous sommes ici sur une préfiguration. Pourquoi ?
Avec cette inauguration, nous offrons un nouvel espace végétalisé aux habitants, qui améliore dès aujourd’hui le maillage territorial que nous affinerons d’ici 2028 avec la livraison du nouveau parc finalisé.
C’est un choix, aussi, d’opportunité et de responsabilité. Il n’était pas question que le terrain laissé vacant par la démolition de l’ancien lycée Jacques Brel et de l’immeuble géré par ICF Habitat, ne devienne une friche.
Enfin, l’opportunité visuelle et paysagère était indéniable. Nous l’avons saisie et aménagé 1,5 hectare d’espace vert à disposition pour tous les habitants, en particulier les piétons et cyclistes. Nous créons ainsi un véritable cheminement du centre vers la place du marché, le parc des Minguettes, et au-delà, jusqu’à Saint-Fons. Alors oui, cette préfiguration est un nouvel espace vert au cœur de Vénissieux, qui en comptait déjà 44 %, dont 20 % publics. Et il donne à voir le sens du projet urbain que nous finaliserons à l’horizon 2035.
La dénomination de ce parc est, elle aussi, pleine de sens. Ana Maria Primavesi est une figure méconnue et pionnière de l’agroécologie :
Les femmes ont marqué l’histoire, mais elles en ont été effacées. Par notre politique volontariste, nous réaffirmons leur place, dans un récit historique et social qui a longtemps été masculinisé. Flora Tristan, Annie Steiner, Katia Krafft, Olga Bancic, et, aujourd’hui Ana Maria Primavesi. En moyenne en France, sur 33 % de voies, rues, places et autres espaces publics portant des noms de personnalités, seuls 6 % sont celui d’une femme. La marge de réajustement est donc immense.
Ces femmes ont participé aux luttes pour les droits, à l’enrichissement de notre culture, au progrès social ou scientifique. Ingénieure agronome née en 1920 en Autriche, Ana Maria Primavesi a participé au développement de l’agroécologie en Amérique Latine. Dans un milieu scientifique largement masculin, elle l’a défendu comme un véritable progrès scientifique. Mais aussi comme la reconnaissance d’un savoir populaire. Sa vision résonne particulièrement aujourd’hui : celle dans laquelle l’agriculteur ne prétend pas dominer la nature, ne l’exploite pas sans limites.
Dans notre contexte de crise environnementale, l’agroécologie qu’elle a porté est donc aussi et toujours un acte de résistance.
Nous rendons aujourd’hui hommage à celle qui a sans relâche dénoncé les dogmes de l’agriculture industrielle : dans les campagnes brésiliennes grangrenées par cet agrobusiness, aux côtés des paysans du Mouvement des Sans Terres, dans les universités… Elle qui a toujours cherché à promouvoir une éducation populaire de notre rapport à la terre. Sa volonté sans relâche de partager ses savoirs et savoirs-faire au plus grand nombre, dans toutes les communautés dont elle a croisé le chemin, reflète son militantisme et son engagement passionnés.
Elle s’inscrit aujourd’hui pleinement dans la topographie de Vénissieux. Aujourd’hui, on ne peut penser les enjeux de préservation des sols, d’interactions équilibrées entre les milieux, sans mobiliser les avancées qu’elle a permises. Mettre à l’honneur son travail, et ce que nous lui devons, faisait ainsi naturellement sens pour ce parc, en incarnant l’importance que nous accordons à la biodiversité en ville.
Car oui, la rénovation urbaine doit aussi s’adapter aux enjeux de transition écologique, et de valorisation d’îlots de fraîcheur :
Le projet Plateau Fertile que nous portons s’intégrera parfaitement aux transformations que je viens d’évoquer. Avec des associations comme Le Passe-Jardins, Graines de Bio-Divers-Cité, Belle Bouffe, VRAC, nous redéfinissons durablement la nature en ville autour du jardinage, de la biodiversité, ou encore de l’alimentation.
Nous avons aussi récemment relancé un appel à projets pour implanter une ferme urbaine. Enfin, d’ici la fin de l’année, en limite de ce parc, un espace de fertilisation verra le jour.
Je le dis souvent, la Ville est un puzzle, un ensemble, construit par nos mobilisations communes. En termes de biodiversité et de nature en ville, enjeux qui peuvent paraître parfois insurmontables, chacune de ces actions participe à un renouvellement durable de l’aménagement et du cadre de vie, au profit de tous les habitants et de tous les quartiers.
Je vous remercie.