La majorité métropolitaine doit élargir sa base populaire ! Enregistrer au format PDF

Lundi 27 mai 2024 — Dernier ajout dimanche 26 mai 2024

Absent trois semaines de l’agglomération, j’ai suivi de loin l’actualité locale. Comme souvent, la distance et la marche aident à prendre du recul. Il me semble que, à deux ans de la fin du mandat, la majorité métropolitaine a besoin de trouver un second souffle pour ne pas se faire enfermer dans des histoires polémiques sans vrai enjeu citoyen, pour ne pas laisser les péripéties politiciennes prendre le dessus sur les préoccupations des habitants. Nous avons besoin d’un geste du président pour donner du temps à des projets qui font débat et renforcer l’action sur les urgences sociales pour élargir la base populaire de notre majorité.

Des interrogations sur l’actualité médiatique lyonnaise

J’ai commencé à m’interroger sur le débat médiatique animé suite à l’évacuation de migrants d’un gymnase dans lequel ils venaient d’être installés, alors même que les activités sportives étaient encours. Ceux qui ont organisé cette installation dans un site municipal auraient pu chercher un site de l’état, de l’armée, un équipement de santé, ou même une université où il était facile de trouver des soutiens. Le choix d’un gymnase municipal visait clairement la ville de Lyon et la métropole, exonérant ainsi les premiers responsables de la situation indigne des migrants. La réponse des élus lyonnais a peut-être été imparfaite, je n’étais pas sur place, mais ce qui est sûr, c’est que ceux qui justifient ces situations indignes de migrants à la rue se frottent les mains, et les médias surfent sur le sujet. Pendant ce temps, les consignes du gouvernement aux préfets sont de plus en plus dures pour les sans papiers ; jusqu’à ces situations terribles des migrants d’origine syrienne que la préfecture refuse de reloger tout en organisant leur expulsion de logement sociaux occupés sans droits ni titres, expulsion inévitable donc, mais les enfermant dans l’illégalité alors même que l’état refuse de les renvoyer dans leur pays d’origine avec lequel la France n’a plus de relations diplomatiques.. Ubuesque, non expulsable de France mais non logeable légalement !

C’est évidemment un piège pour la majorité de gauche lyonnaise et métropolitaine qui fait beaucoup pour la dignité des migrants et contre le mal logement, mais ne peut inverser localement une politique nationale et mondiale toujours plus violente. Et c’est un piège terrible pour les migrants et les mal logés eux-mêmes quand l’extrême-droite n’a jamais été aussi forte et que, par exemple, plus des deux-tiers des français sont pour la suppression des subventions aux associations de soutien aux migrants ! Faire croire que leur situation peut se résoudre localement sans faire bouger l’état, c’est opposer les catégories de mal logés entre elles et en fait, laisser les idées d’extrême-droite du chacun pour soi se répandre !

Puis j’ai eu de nombreux échos des préoccupations d’habitants sur les aménagements des voies cyclables que j’appelle « grand-lyonnaises » [1], et dont les plus faciles, sur les avenues larges, sont engagées, mais qui doivent désormais trouver des cheminements plus difficiles dans des rues étroites, comme le VL12 dans la traversée du 5e. Plusieurs milliers de signatures d’habitants, ce n’est pas rien dans cet arrondissement. J’ai plusieurs connaissances qui m’expliquent leurs préoccupations et le sentiment de ne pas être pris en compte. J’ai bien conscience de l’exploitation politicienne de certains élus, sachant que tout projet urbain nécessite toujours des compromis entre l’intérêt général et l’ensemble des intérêts locaux ou privés. Mais il me semble que la lettre ouverte d’associations de divers quartiers appelle à la rencontre et au dialogue et ne peut être réduite à une bataille politicienne. Je sais que les temps de concertation n’ont pourtant pas manqué, mais s’ils n’ont pas permis de surmonter les inquiétudes, de fabriquer un certain niveau de consensus, ils n’ont pas atteint leur objectif. Je sais d’expérience qu’il faut parfois du temps pour trouver le bon compromis. L’ambition politique pour ces voies cyclables est légitime. Nous étions nombreux à dire à David Kimelfeld en 2018 « il faut changer de braquet ». Mais il ne faudrait pas que cette ambition se contredise en opposant les mobilités et les usages, en divisant les habitants contraints d’être pour ou contre sans avoir le temps de s’approprier les changements utiles. Forcer une réalité sociale peut produire le rejet plutôt que l’appropriation.

Les péripéties de changement d’adjoint à la ville de Lyon perturbent aussi le débat public. Certes, la période électorale des européennes favorise les effets médiatiques, mais les tensions entre élus sont incompréhensibles pour les citoyens et peuvent apparaitre comme des ambitions politiques ou personnelles. Pourtant, l’essentiel est de savoir si nous construisons une majorité populaire pour accompagner les changements nécessaires pour une autre métropole ! Quelle est la base populaire de notre projet d’une métropole qui ne soit pas celle de l’attractivité, de la concurrence et des ségrégations, une autre métropole que celle de l’urbanisation marchande et des mobilités inégales ? Je suis persuadé par exemple qu’une très large majorité des habitants ne regrettent pas l’abandon de l’anneau des sciences, qu’une très large majorité des usagers de l’eau sont satisfaits de la réussite de la régie, qu’une très large majorité soutient la politique forte de végétalisation, mais aussi, même si moins la connaisse, une approche du développement économique qui loin de la mondialisation des sièges sociaux, favorise le développement d’une économie locale productive et coopérative sous des formes variées.

Il ne faudrait pas que les difficultés liés aux impacts de projets urbains sur les modes de vie de trop nombreux habitants fournissent à nos opposants la matière pour réduire le soutien populaire de notre majorité. Car bien sûr, les droites cherchent comment unir et porter les contestations, en les détournant de leurs sujets concrets pour en faire une contestation globale de l’ambition politique de notre majorité, pour en faire une contestation politique pré-électorale, tout en masquant la réalité de leur projet, qui n’est au fonds que celui des gouvernements actuels qui n’ont pourtant jamais eu une base sociale aussi réduite !

Plus le temps passe, plus cette tension entre l’avancement des projets métropolitains et la base populaire de notre majorité peut se renforcer, avec des risques de fragilisation dans lequel les ambitions politiciennes peuvent venir dominer le débat public, masquant une extrême-droite en embuscade pour retrouver une place métropolitaine, alors même que nous aurions besoin d’élargir et de renforcer nos liens avec le maximum de citoyens.

La métropole pour qui ?

Les listes écologistes avaient en 2020 un slogan dont l’interprétation a fait discuter « la métropole pour nous ». Toute la question est de savoir qui est ce « nous ». Bien sûr, pour des écologistes candidats au premier tour, il représentait ceux qui portaient ce projet. Mais la construction de la majorité gauche et écologiste a évidemment élargie largement ce « nous » initial. Et la réussite de ce que les communistes appelaient la « métropole des communes et des citoyens », suppose d’élargir toujours plus ce « nous ». Nous travaillons pour la métropole de tous et nous devons mieux le faire entendre sur tous les sujets. Notre « nous » doit être beaucoup plus large en 2024 et 2025 qu’il ne l’était en 2020.

Il faut bien sûr faire connaitre nos actions et leurs résultats, mais nous savons que la politique ne fonctionne pas avec seulement de la « communication », mais toujours dans le lien qui se construit en rapport au vécu des habitants.

Le progrès a par exemple fortement valorisé la communication offensive du vice-président à l’environnement, sur le record de plantations d’arbres par la métropole, la faible mortalité dans certains projets, le dépassement du budget pourtant important alloué aux arbres… et ce qui serait une innovation, la fin de la fauche des pieds d’arbres, et une nouvelle politique de taille. A vrai dire, je peux témoigner que la notion de taille « raisonnée », qui laisse les arbres pousser naturellement en ne taillant que sur les risques de casse ou de sécurité avait commencé dès le mandat 2008 ! Nous avions à Vénissieux beaucoup de riverains qui protestaient contre la « non taille » par la communauté urbaine de l’époque ! De même, les services métropolitains avaient commencé il y a plus de dix ans une politique de soutien à la « végétation spontanée » dont hérite aujourd’hui la politique de non fauchage des pieds d’arbre. L’atlas de la biodiversité a commencé il y a très longtemps, en partenariat avec le Conservatoire botanique national du Massif central (CBNMC) et le Jardin botanique de Lyon et j’avais eu la surprise en 2013 de constater que le parc des minguettes était un site remarquable rive gauche pour la biodiversité !

Et nous savons tous qu’il ne suffit pas de planter des arbres quand le réchauffement climatique conduit à une forte mortalité ! Une valorisation de la politique végétale de la métropole, qui ne parle pas des difficultés auxquelles tout le monde fait face risque de créer plus de questionnements et même des doutes et ne pas élargir le soutien populaire à cette politique. Nous savons tous par exemple que la métropole a du abattre des arbres, pour des raisons de maladie au parc de Parilly, des raisons d’aménagement liées aux voies cyclables… Ce qui compte, ce n’est pas le nombre de plantations mais la couverture végétale résultante avec les plus et les moins.

Valoriser une politique sans nier l’aggravation des situations réelles qu’elle dit vouloir réduire, c’est ce que tous les défenseurs de la « politique de la ville » connaissent bien. La « politique de la ville » devrait disparaitre si les politiques de droit commun faisaient réellement reculer les inégalités ! Et pourtant, ce sont ceux qui justifient les inégalités qui la combattent, notamment dans les crises comme l’été dernier. Il faut donc réaffirmer l’utilité, la nécessité même des politiques de rénovation urbaine, de programmation sociale, de gestion urbaine de proximité.. Et pourtant il ne faut jamais dire qu’elles ont résolues le problème fondamental des inégalités qu’elles cherchent pourtant à réduire. La métropole est très active dans la politique de la ville, ses politiques sociales, de logement, et pourtant les ségrégations sociales se sont fortement aggravées depuis 2020, malgré ces politiques !

Donner du temps à ce qui demande plus de participation, renforcer ce qui répond aux urgences

Prendre en compte cette situation contradictoire doit conduire pour moi à une inflexion des priorités métropolitaines pour 2024 et 2025.

  • D’un coté, donner du temps à des politiques publiques nécessaires mais qui ont besoin d’appropriation plus large par les habitants, quitte à rechercher des compromis, dont certains peuvent être temporaires, mais qui permettent d’élargir le soutien à ces politiques
  • de l’autre, faire plus sur des urgences sociales qui concernent de nombreux habitants, dans un contexte d’aggravation forte des crises sociales, comme des crises citoyennes., adapter nos priorités aux urgences sociales qui ont marquées les premières années du mandat, du Covid aux violences urbaines de l’été dernier.

Ainsi, nous ne sommes pas au niveau pour répondre aux attentes des parents des collèges. Si la vague de croissance des effectifs se ralentit, nous sommes toujours sur une tension trop forte entre le nombre de collégiens et le nombre de place et notre plan de construction est trop limité et trop lent.

Ainsi, nous ne sommes pas au niveau pour les transports en commun et le droit à la mobilité en alternative à la voiture, surtout dans le contexte d’une ZFE imposée mais injuste socialement. Pourtant la majorité a doublé le niveau d’investissement du SYTRAL, sauf que cela correspond en fait seulement aux projets déjà prévus en 2018 ! Et chacun peut constater que les trams et métros sont bondés aux heures de points et qu’il n’est pas rare de devoir laisser passer un ou même deux bus ou rames… Bien sûr, il faudrait des financements de l’état, de la région, des entreprises pour construire un réseau de transport en commun à la hauteur, mais on ne peut pas se contenter de dire, un peu comme Jospin, « la métropole ne peut pas tout ».

Ainsi, nous ne sommes pas au niveau de la situation dramatique du logement créée par les politiques nationales. C’est injuste bien sûr de devoir être en première ligne d’une situation qui nous est imposée. Et il est totalement contreproductif pour les militants exaspérés par l’injustice du mal logement de se faire piéger en exigeant des solutions locales à un problème national et mondial. Mais justement, il nous faut mieux associer l’ensemble des acteurs pour ne jamais opposer les différentes catégories entre elles, les urgences entre elles, et bien évidemment accorder autant d’importance aux besoins de logement des migrants comme des personnes âgées, des familles comme des personnes isolées. Pour cela, il faut faire beaucoup plus pour faire connaitre le travail des acteurs du logement, les résultats comme les limites, dans la transparence sur les résultats et les efforts de chacun, de chaque commune. Le dialogue encours sur les régularisations de charge en est un bon exemple, personne ne peut se satisfaire de la situation vécue par certains locataires.

Elargir les bases populaires de notre majorité

L’enjeu de 2024 est d’orienter nos priorités pour élargir les bases populaires de soutien à nos efforts pour une autre métropole. Comme pour la ZFE, sur des dossiers d’aménagement urbain qui exacerbe les tensions entre habitants, entre cyclistes et automobilistes, résidents et passagers, jeunes et anciens, handicapés… le président doit prendre la décision de donner du temps aux transformations, et donc aux concertations pour construire un rassemblement plus large, le plus large possible, non pas au sens politicien des élus ou des mouvements politiques, mais au sens des citoyens de toutes les communes, de l’immense majorité qui peut se retrouver dans de nombreuses politiques publiques malgré les crises économiques, sociales et démocratiques.

Dans un contexte de rigueur financière nécessaire, il faut dire ce qui est prioritaire et ce qui peut être ralenti voire reporté. A l’évidence sur les premières années, nous avons privilégié les modes actifs et la végétalisation (500M€ pour les pistes cyclables), moins le social et les collèges. Nous pouvons décider de faire évoluer nos priorités pour les deux années qui viennent et montrer plus fortement les priorités pour lesquelles l’état est en défaut, quitte à entrer en conflit sur des partenariats qui ne permettent pas de répondre aux urgences, comme sur le rail.

Bref, nous devons élargir les bases populaires de notre majorité, qui peut regrouper l’immense majorité des habitants qui ont besoin d’une métropole humaine, sociale, solidaire, qui garantit les droits et fait reculer les inégalités.

C’est la seule réponse aux agitations politiciennes, prendre en compte avec sérieux les inquiétudes d’une partie des habitants en donnant plus de temps aux transformations, en expliquant mieux les contraintes dues aux politiques nationales, en faisant plus fortement appel dans nos communications aux interventions citoyennes.

C’est la meilleure réponse aux sondages qui nous présentent l’extrême-droite aux portes du pouvoir. Ce phénomène s’inscrivant dans des projets d’inégalités et de violence, touche tous les pays occidentaux en crise. Il n’est pas inéluctable, à condition d’élargir les bases sociales de la légitimité de nos politiques

[1pour être fidèle à mon expression d’humour « Lyon is not only Lyon »

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