Politique de la ville, un gouvernement petit bras ! Enregistrer au format PDF

Lundi 4 décembre 2023

Le comité interministériel des villes, plusieurs fois reportés après les émeutes de cet été, s’est finalement tenu fin Octobre après la présentation d’un plan pour répondre aux violences, et franchement, cela ne marquera pas l’histoire de la politique de la ville, dont on fête le 40e anniversaire… Un mois plus tard d’ailleurs, nous n’en savons pas plus sur les financements éventuels de cette politique de la ville dans le projet de loi de finance 2024. Pourtant les nouveaux contrats de ville doivent être signé début 2024…

Que peut-on dire donc sur les annonces pour la politique de la ville ?

La réponse aux violences urbaines

Le « plan pour répondre à la crise de l’autorité », après les drames des violences du début d’été, se limite à des financements pour la reconstruction des équipements publics brulés ou saccagés, et la poursuite de la même politique de police et de justice, comme s’il n’y avait rien à apprendre sur les émeutes. De nouveaux transferts de taches vers les polices municipales, le durcissement des sanctions et la responsabilité financière des deux parents… S’il évoque des médiateurs sociaux mieux formés, il ne dit rien de ce qui est pourtant évident pour tous ceux qui vivent dans ces quartiers. Comment sauver les jeunes en rupture scolaire de l’école de la rue et des trafics pour assécher le recrutement des réseaux de trafics ? Comment reconquérir l’espace public préempté par les trafics pour redonner la dignité et la tranquillité aux habitants ? Comment faire reculer les addictions et donc donc leur marché, car sans client, il n’y a pas de vendeur ? Comment construire une relation de confiance entre la police et la population ? et plus généralement avec les institutions quand les fractures sociales, politiques, culturelles sont si profondes ?

Les annonces du comité interministériel des villes

Elles ont été présentées en quatre parties, la transition écologique, le plein emploi, les services publics , la politique de la ville.

La transition écologique dans les quartiers ?

Le document présente la transition écologique comme un facteur de cohésion sociale. Pas sûr que les automobilistes qui voient leur véhicule interdit par la ZFE le comprennent. Comme tous ceux qui constatent que les prix alimentaires s’envolent et que les produits « bios » disparaissent des achats des familles populaires… Et quand la secrétaire d’état chargée de la Ville ose dire « J’ai écouté et dialogué pour faire « plus » dans vos quartiers (…) plus d’humain pour continuer à renforcer nos services publics (…) », on ne peut que rester stupéfait. Elle est membre d’un gouvernement qui organise la réduction des effectifs des services publics, qui ferme des urgences d’hôpital, organise la fin de l’accueil physique dans toutes les administrations en parlant de "transition numérique"…

Alors, le gouvernement promet 15 % des 2,5 milliards du « fonds vert » pour les quartiers, soit 375 millions, autrement dit, 75€ par habitant concerné, 1,5 millions pour minguettes-clochettes, alors que chacun des projets de rénovation thermique engagé depuis 10 ans coûte 6 ou 7 millions… Plus d’un million, ce n’est pas rien, mais non, ce n’est pas à la hauteur du défi ! Cela représente en gros l’équivalent de 33 logements rénovés aux minguettes !

Le renforcement du programme « Quartiers résilients » pour la transition écologique ne concerne pas Vénissieux… Le concours d’architecte "quartiers de demain" sera peut-être utile… dans plusieurs années, et pour 10 quartiers sur 1500… !

La rénovation urbaine est bien citée avec de nombreux projets qui avancent partout, mais les difficultés connues ne sont pas évoquées.. Car si les démolitions prévues sont réalisées, les reconstructions sont freinées par la crise du logement. Et tous les chantiers engagés ont pris 20 à 20% d’inflation que l’ANRU ne prend pas en compte… Pas d’annonce sur ce sujet qui pèse des milliards…

Vers le plein emploi, sérieusement ?

Pour le plein emploi, le gouvernement confirme évidemment la réforme de Pole Emploi transformé en "France Travail", sans répondre aux inquiétudes des missions locales, et en mettant l’accent sur l’action contre les discriminations, sujet important mais qui ne répond pas à ce que connaissent les acteurs de terrain qui organisent des rencontres entre chômeurs des quartiers et entreprises en recrutement. 5000 places en EPIDE de plus, ce n’est pas rien bien sûr, mais il y a des centaines de milliers de jeunes en rupture ! 300 millions sur trois ans pour l’insertion dont la moitié pour les quartiers, cela fait 50 millions par an, soit 220 000€ pour les minguettes. Là aussi, ce n’est pas rien, mais il y a un tel défi de formation sur de nombreux métiers, et il faut de tels moyens de proximité pour redonner confiance aux plus éloignés de l’emploi, multiplier les occasions de rencontre de proximité, lever les freins à l’emploi, que les politiques de la ville sur l’insertion ou la cité de l’emploi demanderaient des moyens supplémentaires bien plus importants ! On peut déjà dire que ces mesures ne remettront pas en cause les inégalités d’accès à l’emploi que connaissent ces quartiers.

Et rien n’est dit sur la nature des emplois souvent proposés dans les quartiers, que la grève des autoentrepreneurs Uber ou Delivero vient de dénoncer. Le plan parle par contre beaucoup d’entrepreneuriat, d’une "offre d’excellence" pour les entrepreneurs à fort potentiel, de classes prépa dans les quartiers, de la « Team France Export » pour les accompagner à l’international… C’est utile, car la créativité des jeunes de quartier qui cherchent comment être acteur dans l’économie est réelle, et elle doit être soutenue. Mais on ne peut laisser croire qu’on va résorber le chômage en transformant tout le monde en patron, ce que montre les grèves d’autoentrepreneur.

Pour les services publics

Bonne nouvelle, le plan prévoit de faire converger les territoires prioritaires et les cités éducatives. Mais rien sur les moyens pour ces cités éducatives ! Des mesures utiles pour les meilleurs élèves (classes prépa, campus connectés dans les QPV…). Des options attractives dans les collèges prioritaires pour favoriser la mixité sociale, c’est très bien sur le principe, et c’est ce que nous demandons notamment pour nos lycées, mais avec quels moyens ?

Le plan veut aussi « renforcer la médiation et la politique de prévention », et « renforcer la prévention à l’école par la mobilisation des acteurs locaux de la santé non-scolaires ». Mais combien d’éducateurs en plus ? combien de médiateurs ? quels moyens pour les centres de santé mentale submergés de demande ?

Seul sujet sur lequel les moyens sont prévus, la création de 1000 éducateurs socio-sportifs avec 20 000€ par poste… De même, 100 millions pour construire 5000 terrains de sport dont un tiers dans les quartiers… 400 000€ pour Vénissieux ? A vérifier bien sûr.

Sécurité et tranquillité publique

Le gouvernement dit vouloir « Intensifier la lutte contre le trafic de stupéfiants, par une approche de terrain pour démanteler les points de deal et par l’action en profondeur des services d’investigation judiciaire et des parquets qui s’attaquent aux réseaux criminels. ». Mais comment ? En faisant quoi de nouveau alors que depuis des années, l’action sur le terrain n’a jamais été aussi forte, n’a jamais fait tomber autant de réseaux, emprisonnés autant de trafiquants, sans supprimer aucun point de deal, le réseau se réorganisant à chaque coup porté par la police. Sans réduire la consommation, donc les clients, il y aura toujours des vendeurs !

Il dit aussi vouloir « favoriser le rapprochement police-population avec la création de postes de délégué de la cohésion police/population (DCPP) ». Ce poste existe déja à Vénissieux, et s’il est très utile, visiblement, il ne suffit pas.

Lieux de services

Une annonce positive dont on ne sait pas comment elle est financée par le fond de co-investissement de l’ANRU, pour créer 40 centres de santé et 100 crèches dans les QPV, sachant qu’il y a plus de 1000 QPV !

Quand à former 2500 aidants numériques, c’est une bonne chose, même si la ville de Vénissieux en finance déjà, mais le plus important contre les fractures numériques, c’est d’assurer la présence de tous les services publics dans la proximité, avec la capacité d’accueillir les habitants avec du personnel, même si c’est pour utiliser des outils numériques.

Renforcer la « présence de gardiens dans les logements sociaux » en faisant référence « au décret obligeant à un gardien pour 100 logements », c’est une bonne chose, sauf que c’est déja le cas à Vénissieux et pour que les bailleurs mettent plus de gardiens sur le terrain, il faudrait leur en donner les moyens, alors que le gouvernement ne cesse de leur faire les poches, avec 1,5 milliard prélevé par l’état chaque année sur les APL comme le dénonce l’USH.

La mixité sociale dans le logement

Pour le logement, le gouvernement ne parle pas de ce qui fâche, la crise de la construction, la situation financière difficile des bailleurs, le vieillissement, l’urgence de répondre à l’impact des trafics sur les demandes de mutation…

Il se concentre sur le sujet très médiatique de la mixité sociale, affirmant qu’on ne doit plus attribuer de logements dans les QPV aux ménages Dalo les plus en difficultés… Mais tout le monde se rend bien compte, compte tenu de l’énorme volume concerné, que ca risque de rester un voeu pieux ! On ne peut que soutenir le principe, mais comment ? Il manque des milliers de logement au total, et les loyers HLM de nombreux quartiers sont trop élevé pour les plus bas revenus. Alors ? Il faudrait un véritable "choc de la construction" partout !

Il propose aussi de renforcer le rôle du maire dans les attributions, incroyable quand la réforme récente de la gestion en flux les a au contraire fortement écartés !

Il y a beaucoup d’annonces de principe qu’on peut soutenir, mais rien pour dire comment l’organiser, avec quels moyens… Comme « des dispositifs spécifiques de recherche de candidats locataires visant à favoriser la mixité sociale ». Beau principe, mais là ou il y a des logements vides, c’est que les locataires qui le pouvaient en sont partis, comment prétendre faire venir des plus aisés sans apporter un plus à ces logements ?

Des annonces sans moyens !

Pour résumer, si ce plan contient beaucoup de propositions concrètes utiles, il ne dit presque rien sur les moyens, et quand il chiffre quelque chose, on se rend compte, rapporté à ce qui se fait déja à Vénissieux, que cela ne changera pas beaucoup…

Par exemple, rien sur le besoin massif de résidentialisations d’immeubles pour en faire sortir les points de deals et redonner la dignité et la tranquillité aux locataires, rien sur l’impact des occupations illicites de logement, et notamment de ces situations ubuesques de sans papiers non expulsables mais non relogeables !

Le gouvernement essaie de dire qu’il prend en compte les urgences des quartiers, mais il ne s’en donne pas les moyens !

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