Je suis intervenu avec une remarque préliminaire sur l’idée de certains que cette crise énergétique n’était pas une crise, mais une transition durable.... Certains diront que ma réponse est un discours politique qui relève plus d’une période électorale que d’un débat sur des solutions concrètes. Je ne crois vraiment pas, au contraire, c’est après les élections que le débat politique est le plus utile, qu’il peut être le moins pollué par les calculs et les logiques électoralistes, les pressions médiatiques...
Et c’est justement en faisant le lien entre le débat d’idée et les questions concrètes que des citoyens peuvent se faire leur propre avis, et retisser un lien avec l’engagement politique. On ne reconstruira pas la démocratie avec des élections qui sont pourries par les calculs et les ambitions et qui sont désertées par une majorité de citoyens ! Et mieux encore, c’est le débat politique de fonds qui peut conduire à prioriser les actions utiles au plan local. Et c’est le but de cet article sur cette question de la précarité énergétique.
D’abord en affirmant que cette aggravation de la précarité énergétique n’est pas un problème "de pauvres", mais le problème de tout le monde ou presque. Il faut d’ailleurs critiquer ce qualificatif de "précaires" qui laisse penser que cette situation serait une caractéristique des personnes concernées, elles sont "précaires", alors que c’est la situation économique et sociale qui leur est imposée qui est précaire. Il faudrait dire en fait "personnes contraintes à la précarité énergétique" [1].
Et cela fait du monde ! On constate en cette période de rappel de charges une forte hausse de défaut de paiement sur les réseaux de chaleur, non seulement pour des copropriétés, mais aussi pour des entreprises. Quand la facture de chauffage augmente de 50%, certains n’ont plus la trésorerie pour payer.
Le gouvernement a annoncé des "chèques", pour les carburants avec une remise de 18 centimes à la pompe, déjà rattrapée par de nouvelles hausses, et aussi pour le gaz avec un "bouclier tarifaire" qui est une remise pour les charges de chauffage des logements, applicable depuis le 1er novembre 2021. Dans le cas du réseau de chaleur, personne ne l’a encore vu, car cette remise sera prise en compte dans le rappel de charge annuel, qui se fait souvent à l’été chez les bailleurs sociaux ou parfois aussi en fin d’année.
La SACOVIV comme d’autres bailleurs avaient anticipé cette hausse de prix en fixant des provisions plus élevées (par exemple au couloud 11,5€/m2), et si la hausse des prix est beaucoup plus forte (13,5€), elle est ramenée à 10,3€ avec le bouclier tarifaire, ce qui reste dans les provisions prévues. Les locataires n’auront donc pas de mauvaise surprise pour le rappel de charge. Mais malheureusement, l’investissement dans l’isolation ne se traduit pas par une baisse des charges, pour le moment.
Cet exemple confirme deux problèmes. Le bouclier tarifaire décidé par l’état protège en partie les usagers, mais là où les provisions de charge n’auront pas été prévues en hausse, il y aura des rappels de charge douloureux. Et surtout, le bouclier tarifaire n’empêche pas que les efforts de rénovation énergétique ne permettent pas de baisses des charges de chauffage !
Cela devrait conduire le gouvernement à renforcer de manière significative les aides à la rénovation énergétique, car les locataires et les propriétaires modestes, ne peuvent pas accepter un reste à charge des coûts de travaux si les charges de chauffage continuent à monter ! Pour les protéger des hausses qui continuent, il faut donc isoler en réduisant le reste à charge pour le logement social et pour les propriétaires modestes, et cela suppose d’augmenter fortement les subventions.
L’ensemble des acteurs du logement, dont la métropole, devraient interpeller l’état sur le soutien à la rénovation énergétique. Ils devraient aussi ouvrir les discussions avec les opérateurs pour que ceux qui réalisent des marges significatives dans cette période contribuent à la solidarité. Le cas le plus flagrant est bien sûr le groupe TOTAL et ses dizaines de milliards de bénéfices.
Et comme on peut craindre que tout cela continue avec les guerres, la concurrence des ressources, la spéculation, il est urgent de revenir à un tarif régulé pour tout le monde, non seulement pour l’électricité, mais aussi pour le gaz, et donc indirectement, les réseaux de chaleur, bien loin du discours dominant de cette rentrée sur les "sacrifices" nécessaires.
Ce discours des sacrifices, tenu aussi bien par Macron que par les défenseurs d’une sobriété imposée, est fait pour ne pas parler du système économique et de ses gabegies, mais toujours renvoyer les citoyens à leur comportement individuel, chacun pour soi, et laissons tranquille le capitalisme.