Concassage, démocratie et développement durable Enregistrer au format PDF

Jeudi 1er août 2019

L’article du Progrès ce 30 juillet, très représentatif des médias actuels, propose un titre accrocheur pour booster l’audience… presqu’un titre de polar : « folle inquiétude autour d’une usine de concassage ». Cela dit, si l’article ne dit pas grand chose des faits, il donne un bon aperçu des avis qui se sont exprimés, comme toujours, réagissant aux inquiétudes et rumeurs, bien plus que proposant des explications de fonds au service de l’intérêt général.

Ils s’agit d’un vrai problème, le traitement des déchets de démolition d’immeubles. Cela concerne notamment la grande barre monmousseau désormais vide, tout comme le foyer Adoma un peu en dessous, mais cela concernera aussi d’autres batiments, 500 logements au total dont la destruction est prévue par le projet de rénovation urbaine.

L’enquête en cours propose deux solutions, le concassage sur place ou le transport par camion vers d’autres sites, en dehors de l’agglomération, dans tous les cas pour en faire un matériau qui pourrait être réutilisable notamment pour des terrassements et voiries…

Camion ou sur place, quelles sont les conséquences ? Ce devrait être le vrai sujet du débat public, mais la plupart des avis qui s’expriment ne cherchent pas à répondre à cette question ! Les avis sont déjà formulés avant toute connaissance technique du sujet…

On peut comprendre que la première réaction soit de défendre l’intérêt des riverains, mais comme toujours quand on parle d’environnement, cela ne doit pas conduire à renvoyer à d’autres le problème !

C’est pourtant ce que fait Christophe Girard (LR) qui propose un site au sud des minguettes… veut-il parler de la darnaise ? de pyramide ? ou carrément de Feyzin ? ou alors du lieu de promenage des grandes terres … Merci pour les riverains du sud des minguettes de Feyzin ou pour les promeneurs et amoureux de la nature aux grandes terres, sans compter les agriculteurs…

Cette question de l’impact environnemental d’une activité humaine, se pose dans de nombreux domaines… que ce soit les risques industriels autour des sites classés, l’impact d’une éolienne ou d’un barrage hydraulique, le choix d’un tracé d’une infrastructure routière ou ferroviaire… Et la plupart du temps, si certains, notamment les riverains, ont très vite un avis, provoquant souvent des débats vifs, il n’est pas si facile de connaître et de comprendre les impacts réels, leurs enjeux sanitaires et sociaux, les alternatives techniques ou d’organisation qui peuvent réduire ces impacts ou leurs effets.

Alors, je propose de se saisir de cette question des déchets de démolition pour un vrai débat citoyen, pour que les études encours qui doivent être présentées cet automne ne soient pas connues que des experts mais deviennent le vrai support d’une décision citoyenne. Pourquoi pas un forum du conseil citoyen du développement humain durable sur ce sujet ?

Car le sujet mérite beaucoup plus qu’un avis préconçu le plus souvent préélectoral…

D’abord, tout dépend d’abord de la nature, de la forme de ces déchets, et donc de la technique de démolition des batiments, et ensuite des règles qui sont imposées aux activités de revalorisation dont le concassage.

Certains se souviennent de la démolition des 10 tours du quartier démocratie, démolition à l’explosif avec son énorme nuage de poussières, y compris l’amiante qui à l’époque n’avait pas été traitée, et l’amas résultant d’énormes blocs de béton. Cela représentait 700 logements [1], donc un peu plus que ce qui est prévu pour le projet de rénovation actuel, et 86 000 tonnes de gravats, évacués par camion vers des carrières… de l’ordre de 5000 voyages de camions… Mais cette démolition à l’explosif ne se fait plus, pour des raisons de sécurité comme d’environnement, et aussi de coût car la mobilisation nécessaire pour sécuriser le quartier avait réuni près de 2000 personnes, don t 1000 policiers…

Et de toute façon, la loi de 2015 sur la transition énergétique fixe un objectif de valorisation matière de 70 % des déchets de construction et de démolition, et elle s’applique en 2020. Autrement dit, il n’est plus question seulement de « démolir », mais de « déconstruire » pour trier à la source les différents composants afin de permettre dans certains cas leur réemploi, et sinon, la meilleur revalorisation possible. Il faut pour cela de vraies études, notamment le « diagnostic déchets » que la loi impose, mais que les études peuvent dépasser pour favoriser le réemploi et la revalorisation.

On peut trouver des exemples dans un article d’une revue technique qui montre que la démolition à l’ancienne qui conduit à mélanger les matériaux, rendant difficile leur revalorisation, conduit à les envoyer en enfouissement, ce qui coûte de plus en plus cher [2] ! Or, les études préalables peuvent conduire à des idées de réemploi surprenantes, y compris pour le béton !

Le bailleur social Seine-Saint-Denis Habitat a, quant à lui, expérimenté à Stains (93) le réemploi in situ de béton issu de la démolition de logements collectifs.(…) Une dépose sélective ciblée a ensuite permis de disposer de 140 m2 de murs de refends, de cloisonnements et de façades qui ont été transformés en prototypes de revêtements de sol piéton, mobilier urbain, muret et pavillon extérieur.

Comme toujours en matière de déchets, il s’agit de les considérer non pas comme un mal dont il faut se débarrasser au plus vite, et si possible chez d’autres, mais comme une ressource potentielle, dont il faut imaginer le réemploi ou la valorisation.

La réutilisation de grandes plaques de béton dans les fondations des futures balmes est-elle possible ? Ce n’est peut-être pas le cas, mais c’est justement le but des études que certains n’appellent plus des « diagnostics déchets », mais des « diagnostics ressources ».

Le concassage restera certainement un mode de valorisation pour en faire un matériau pour des terrassements ou des bases de voierie, et les études nous diront quel sera le volume/tonnage des déchets concernés, leur forme qui résultera des techniques de déconstruction. On connaît les machines qui « grignotent » les immeubles, quelles sont les techniques possibles quand on tente de « déconstruire » en récupérant le maximum d’éléments ?

On connaît aussi des sites de traitement de matériaux producteurs de beaucoup de poussières, de bruit et de pollutions, certains se rappellent sans doute l’installation sur un terrain à l’arrière de Carrefour d’une entreprise qui a nécessité de nombreuses interventions de la ville pour faire respecter le quartier. Mais quelles sont aujourd’hui les normes qui peuvent être imposées à une telle activité, normes que les études du projet pourraient demander à renforcer dans ce cas. Peut-on réaliser du concassage dans un équipement fermé, étanche et insonorisé ? Quels sont les professionnels qui sont les plus respectueux de l’environnement et du voisinage ? Quelles règles et contraintes peuvent être imposées dans le cahier des charges de la ZAC pour les appels d’offre de démolition ?

Nous avons d’ailleurs l’expérience de la démolition du lycée Jacques Brel pour dire aussi ce que nous ne voulons pas reproduire !

Ce sont tous ces éléments qui doivent conduire à prendre une décision raisonnée qui défende l’intérêt des riverains comme de tous les habitants de l’agglomération. Car c’est toujours une illusion de penser qu’en renvoyant une pollution ailleurs, on s’en protège. Les poussières émises par une activité ou une autre dans l’agglomération se répandent selon les courants d’air. On le sait bien pour la raffinerie de Feyzin et ses incidents répétés provoquant un panache noir qui ne produit pratiquement aucune pollution de l’air à Feyzin, mais qui se répand le plus souvent à l’Est dans la plaine de l’Isère… Chacun est responsable de sa propre part de pollution, mais tout le monde subit en fait d’une manière ou d’une autre la pollution de tout le monde.

Le vrai enjeu est donc de savoir quelle est la solution qui au total produit le moins d’impact sur l’environnement, et donc notre cadre de vie, quel que soit le lieu de l’activité. Et de toute façon, il ne s’agit pas de renvoyer cette activité le plus loin de chez soi, [3], mais de choisir le site qui réduise au maximum son impact, un site où elle sera fortement contrôlée et surveillée.

Michèle Picard a donc bien raison d’attendre le résultat des études en cours pour prendre la meilleure décision pour les habitants, tous les habitants, des balmes comme du reste de la ville.

[1petite remarque sur la fiabilité d’internet… faites l’essai, demandez à votre moteur de recherche favori combien il y avait de logement dans les 10 tours démocratie… selon les médias, on trouve entre 600 et 740 logements… dans mon expérience, les tours des minguettes vont de 60 à 86 logements… donc ces chiffres sont tous plausibles…

[2avec raison, car même bien gérée, l’enfouissement est un risque et un coût environnemental à réduire au maximum

[3« pas dans mon jardin » comme dit la maxime de tous ceux qui veulent bénéficier de certaines activités à condition qu’elles se fassent pas près de chez eux !

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