Les communistes ont su, au fil des années 50, organisé la solidarité entre tous, des jeunes Français appelés se retrouvant dans la tourmente de la guerre à ceux qui refusaient de partir et parfois se retrouvaient dans la clandestinité, de ceux qui défendait la paix parmi les familles populaires vivant en Algérie, aux militants qui prenait courageusement le parti d’organiser l’action pour l’indépendance. Bien sûr, le choix par la France de chercher une victoire militaire a créé des fractures terribles. Les haines et les rancœurs ont structuré les représentations politiques pendant des décennies, et nous ne faisons que commencer à en sortir 50 ans plus tard. Les contradictions internes au mouvement de libération nationale algérien, qui ont elles aussi été sources de violences, l’interdiction du parti communiste en Algérie après l’indépendance, la ségrégation subie par les harkis en France, tout a continué à diviser et opposer ceux qui n’ont tous été,au fonds, que les victimes d’une guerre coloniale commencée par le pillage du trésor d’Alger en 1830 par un des derniers roi de France.
L’Algérie est donc un enjeu particulier de la vie publique en France, et les communistes de Vénissieux ont multiplié ces dernières années les initiatives pour ouvrir le débat, tisser des liens, notamment avec le PADS, le parti actuel des communistes algériens. Le travail fait par la ville depuis 3 ans autour des cérémonies du 17 Octobre est aussi un moment fort du travail partagé sur notre histoire.
C’est dans ce contexte qu’il faut lire les images des soirs de matchs où des milliers de supporters et de familles, joyeux des victoires de l’équipe d’Algérie à la coupe du monde et faisant flotter le drapeau algérien, ont été submergées par la multiplication de violences, voitures et poubelles brulées, rodéos, vandalisme sur les biens publics, stations de tram, de bus, dont je ne connais pas le coût, mais qui ont conduit à mobiliser d’énormes moyens policiers, et qui ont choqué et inquiété de très nombreux habitants…
Il y a bien sûr une médiatisation qui, comme toujours, recherche le spectaculaire. Et certains en profitent déjà pour dénoncer des provocations policières, surtout ceux pour qui tout est bon pour faire grandir les « identités meurtrières », et diviser à chaque occasion les couches populaires en fonction de leurs origines.
Mais il suffit de vivre dans un quartier populaire pour savoir que beaucoup de familles liées à l’Algérie avaient été surprises, inquiètes de ces comportements qui s’étaient imposés dans la rue après la victoire contre la Corée. Après le match nul contre la Russie, synonyme de qualification pour les 1/8e de finale, beaucoup plus de parents sont sortis dans la rue, limitant les débordements. Beaucoup ne disent rien par honte de devoir commenter un vandalisme, au nom de leur pays, de jeunes qui le plus souvent ne connaissent rien de l’Algérie ni de son histoire.
Mais ce qui est sûr, c’est que ces comportements divisent la communauté d’origine algérienne, divisent les quartiers populaires qui ont déjà tant à faire face à la crise et aux inégalités, qui font déjà face aux contraintes de réduction de dépenses publiques et pour qui chaque équipement qui fonctionne, des gymnases aux bacs poubelles, est un atout des services publics contre les galères et les inégalités. Ce qui est sûr, c’est qu’il est impossible de les justifier par quoi que ce soit dans la vie des personnes impliquées, parfois très jeunes.
Bien sûr, ces comportements de « hooligans » sont bien connus dans le foot, et ne sont pas la spécialité d’un seul pays, bien au contraire, comme le montre l’histoire des hooligans anglais, hollandais ou.. parisiens !
Bien sûr, il y a comme toujours en pareil cas, l’effet de foule et ceux qui en douce, provoquent, distillent les haines et les rancœurs, organisent parfois tout en se tenant en arrière et en laissant souvent les plus naïfs se faire interpeller.
Mais dans nos quartiers populaires, nous faisons bien sûr le lien entre ces comportements et ce qui se passe parfois après un accident de la route, où, comme il y a quelques mois, des membres de familles de victimes se battent entre elles, puis contre les pompiers venus secourir les victimes. D’ailleurs, il semble que l’Algérie qui a fait la fête tard dans la nuit, n’a pas connu les mêmes débordements. Il s’agit donc bien d’une question posée en France, d’une question d’actualité sur les repères qui pour tant d’adolescents, justifient à leurs yeux ces saccages, qui font qu’on peut aller casser un abri poubelle pour apporter les bacs jusqu’à la rue et y mettre le feu, qu’on peut incendier des voitures d’ouvriers de son quartier sans s’interroger un seul instant sur les conséquences pour eux… Ces repères sont des constructions politiques. Ils sont travaillés par un discours de victimisation, un discours « identitaire », qui divise et oppose les gens entre eux, un discours qui fait écho à celui de l’extrême-droite Française et des intégristes islamistes.
C’est aussi une question posée à la communauté algérienne. Comment peut-on accepter d’associer le drapeau d’un pays indépendant à de tels délits ? Le drapeau algérien pourrait être aujourd’hui en France le symbole du refus du colonialisme, du refus de l’exploitation par les multinationales (françaises et US) des ressources naturelles de l’Algérie, du refus des guerres impérialistes de la France et l’OTAN dans toute l’Afrique, guerres qui fragilisent une Algérie, qui est presque le dernier état issu d’une lutte de libération nationale encore debout.
Oui, il y a urgence à ce que les forces progressistes construisent ce dialogue de solidarité contre la domination économique des oligarchies occidentales et de leurs relais locaux, de défense de la souveraineté populaire, de l’indépendance nationale, en France comme en Algérie, à construire le front populaire méditerranéen qui renouvellera les solidarités construites dans les luttes pour l’indépendance.
Un point positif pour nous. Vénissieux a été au final moins impacté que d’autres quartiers de l’agglomération. Cela n’enlève rien au problème de fonds, mais cela évite d’y ajouter la stigmatisation ancienne de notre ville et notamment des quartiers des Minguettes.
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