Quand un ministre répond aux contestataires… Enregistrer au format PDF

et confirme une politique profondément réactionnaire
Vendredi 26 février 2016

Il est assez rare qu’un ministre descende dans l’arène et prenne le risque du débat « en direct »… Il préfère en général le confort des médias et des plateaux télévisés, qui chercheront parfois du buzz sur des détails sociétaux ou populaires, mais qui resteront dans le cadre des idées dominantes… Il a donc fallu que le gouvernement sente le vent se lever pour que Mme El Khomri tente de semer le doute chez les 600 000 signataires de la pétition en ligne contre sa loi, et surtout pour ralentir le flux ininterrompu de signatures…

Le texte de la ministre en citation, avec mes commentaires…

Myriam El Khomri Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

Mais son texte déposé sur le site de la pétition, site qui permet et favorise les commentaires, ne fait que révéler à quel point elle est porteuse de la politique réactionnaire et vieillotte du gouvernement Vals, toute entière tournée vers la réponse aux besoins des actionnaires, et vers la mise en concurrence la plus rude des travailleurs de toutes catégories…

MEK : 25 feb 2016 — L’avant-projet de loi « Travail » suscite un intense débat démocratique. Vu l’enjeu et l’ampleur de la réforme c’est normal et c’est salutaire ! Si certaines affirmations de cette pétition sont vraies, de nombreuses autres sont fausses et beaucoup sont incomplètes. Or un débat de cette importance doit s’appuyer sur des informations précises.

C’est bien ce que fait le site « Loi travail non merci » qui collecte les signatures et qui explicite les 22 points dangereux de la réforme…

MEK : Ce projet répond à trois objectifs.

Mais la ministre qui veut des informations précises n’en apporte aucune sur aucun des 22 points qui motivent les 600 000 signataires… Ca commence mal !

Par contre, elle tente de les convaincre des objectifs de la loi… Si c’est une nouvelle ministre, ce n’est pas une nouvelle élue, et elle a suffisamment d’expérience comme élue locale pour connaitre la fracture qui sépare les citoyens et les dirigeants politiques et économiques… Quand un ministre dit aujourd’hui « nous allons réformer pour créer de l’emploi », tout le monde sait qu’il va en fait « réformer pour créer… de la rentabilité » et tout le monde sait que cela veut dire « rendre l’emploi plus flexible et précaire, moins couteux et plus soumis… »

On se rappelle les promesses des hommes politiques de droite et de gauche au moment du traité de Maastricht et de ses millions d’emplois, de celles du patron du Medef, le père Yvon qui obtenait la fin de l’autorisation administrative de licenciement en promettant 600 000 emplois… puis le fils, qui pour obtenir CICE et CIR promettait de créer un million (!) d’emplois ! Plus le mensonge est gros, plus il a de chance d’être répété dans les médias !

Donc, la ministre veut nous convaincre…

MEK : Premier objectif : permettre à nos entreprises de s’adapter face à la concurrence en donnant plus de pouvoir à la négociation collective pour répondre aux besoins du terrain. C’est par des accords signés par les syndicats dans l’entreprise que doit être donnée de la souplesse dans l’organisation et le temps de travail, tout en garantissant la protection des salariés et sans revenir, bien évidemment, sur la durée légale du travail à 35 heures, sur le principe de la majoration des heures supplémentaires, sur le SMIC, sur le CDI. C’est par le collectif que le salarié est mieux défendu et que des solutions novatrices peuvent être trouvées. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une dérégulation ou d’un détricotage du code du travail, mais bien de l’introduction de nouvelles régulations, démocratiquement décidées au sein de chaque entreprise et adaptées au monde du travail d’aujourd’hui.

On retrouve tous les poncifs du discours patronal pour cacher son impuissance historique ! Malgré la succession des réformes favorables aux patrons depuis les années 80 et la fin de l’autorisation administrative de licenciement, les investissements sont à la traine, les innovations se concentrent dans quelques secteurs juteux et très souvent se retrouvent sous pavillon étranger, les points forts historiques sont défaits un par un [1]], la désertification industrielle se poursuit. Pourtant depuis 30 ans, les gouvernements font tout pour réduire le coût du travail, autoriser plus de flexibilité et de précarité… Rien n’y fait, les riches n’ont jamais été aussi riches, et le chômage gangrène la société…

La démonstration est historiquement faite. Plus on cherche à s’adapter à la concurrence par la « souplesse » dans l’organisation du travail, plus on recule ! Car il faut utiliser les mots simples et vrais, quand la ministre parle de souplesse, ça se traduit au concret par plus de précarité, de concurrence, de pauvreté, d’inégalités… Une autre voie est nécessaire et possible, qui mise sur les qualifications, la qualité des processus et des produits, l’innovation des investissements de longs termes… tout le contraire de ce que porte le patronat, tout le contraire de ce que porte les politiques « libérales » qu’il faudrait plutôt appeler de leur nom véritable « les politiques d’un capitalisme primaire…. »

D’ailleurs, elle se dévoile dans une formule qui est presque un lapsus… « pas de dérégulation mais de »nouvelles régulations". De nouvelles régulations ? mais que changent-elles par rapport aux anciennes.. On entend bien le patronat répéter que le code du travail est trop lourd, qu’il faut simplifier, alléger… Ces nouvelles régulations doivent donc « moins réguler » que les anciennes… Et « réguler » quoi ? bien bien sûr le travail, et c’est un autre mot que ceux qui ont déjà utilisé le droit du travail pour se défendre connaisse bien.. La régulation dont parle la ministre, c’est la « protection » des travailleurs ! Et ces nouvelles régulations ont bien pour objet de redéfinir un niveau de protection PLUS FAIBLE des salariés !

Enfin, quand la ministre parle de « décider démocratiquement au sein de chaque entreprise… » est-elle révolutionnaire ? De quoi faut-il décider démocratiquement ? des investissements ? des productions ? des prix ? des salaires ? Oups ! J’ai cru qu’elle était de gauche ! Non, il faut décider démocratiquement de… baisser les salaires, travailler plus pour moins cher, imposer la flexibilité au travail pour apporter la sécurité aux actionnaires !

MEK : Deuxième objectif : donner aux salariés de nouveaux droits. Leurs droits fondamentaux, dégagés par le comité des sages présidé par Robert Badinter, sont réaffirmés : égalité entre les femmes et les hommes, refus des discriminations, protection de la santé au travail, etc. Innovation majeure, la loi crée pour chaque Français un compte personnel d’activité qui le suivra tout au long de sa vie professionnelle, quel que soit son parcours. Ce compte lui assurera des droits à la formation tout au long de sa carrière, une aide à la création d’entreprise, un droit à la nouvelle chance pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification. Il concernera les salariés, mais aussi les indépendants, les artisans, les commerçants. Ce sont donc les fondements d’un nouveau système de protection sociale qui sont posés, attaché à l’individu indépendamment de son statut, répondant aux réalités du XXIè siècle. La loi crée également un « droit à la déconnexion » pour tous les salariés afin que les nouveaux moyens de communication garantissent l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Ah l’individu roi ! La conception politique de MEK se révèle en toute transparence ! Fini les statuts, les qualifications, les professions, les cadres collectifs ! Chacun aura son petit carnet personnel qui lui ouvrira des droits, même le droit à la déconnexion.. Les millions de chômeurs sautent de joie, eux qui sont socialement déconnectés parfois depuis des années ! Et n’oublions pas « l’aide à la création d’entreprises »… Car bien sûr le chômeur est chômeur parce qu’il ne se bouge pas assez, la preuve ? il pourrait créer son entreprise comme l’ont fait tant de milliardaires ! La ministre réforme le cadre collectif de protection qu’est le code du travail, et elle fait miroiter en échange un droit attaché à la personne, qui bien sûr ne concerne pas l’entreprise. Aucun risque que la ministre donne aux salariés des droits de contrôle sur l’utilisation de l’argent public, les dividendes et hauts salaires, ou sur l’organisation du travail… Non, pour l’entreprise, le salarié n’a aucun droit, il entre et sort dès qu’on le décide, et sa vie le regarde, avec son petit carnet de droit qu’il ira présenter aux services sociaux pour demander de l’aide…

MEK : Troisième objectif : mettre tout en œuvre pour favoriser les embauches, notamment dans les TPE et PME. Cela implique qu’elles bénéficient d’un univers juridique plus clair concernant le contentieux du licenciement, d’un appui spécifique de la part de l’Etat pour les accompagner dans leurs démarches, et qu’elles puissent elles aussi bénéficier des souplesses et des garanties apportées par la négociation collective. C’est pourquoi la loi crée un accord innovant, l’accord type de branche, directement applicable dans les TPE.

Tout faire pour favoriser les embauches… comme les gouvernements successifs le font depuis des décennies et qui se traduit par un chômage croissant… La ministre reprend cette vieille, très vieille antienne patronale sur l’angoisse du patron qui recrute… comment vais-je pouvoir licencier ! On a déjà cité le père Gattaz qui promettait 600 000 emplois si on l’autorisait à licencier sans autorisation préalable.. le résultat est connu. Et il suffit de consulter les chiffres des entrées à pole emploi pour se rendre compte de la supercherie. S’il y a de moins en moins de licenciement économique, c’est parce que les ruptures conventionnelles et les autres fin de contrat explosent… Au total, la capacité des entreprises a virer un salarié a doublé en 20 ans ! Les données historiques du gouvernement lui-même montrent qu’il n’y a [aucun lien entre les licenciements et la création d’emploi-http://levenissian.fr/Macron-et-les-licenciements-qui]

MEK : Cette loi permettra à notre pays de se doter d’une véritable culture du compromis au plus près des salariés et des employeurs, qui ira dans le sens du progrès social et de la compétitivité de notre économie et permettra de gagner la bataille de l’emploi.

Il faut bien qu’elle tienne le discours de l’inversion de la courbe du chômage ! Elle tente de faire croire à un compromis qui réconcilierait le progrès social et la compétitivité, mais toute la loi repose sur le principe contraire, considérant le droit du travail et la concurrence comme contradictoire. Et la loi choisit la concurrence, et donc cherche à réduire le droit du travail. Retournons la formule : chiche nous voulons effectivement le progrès social, donc l’emploi, et donc nous voulons une économie forte… Mais pour cela, il faut remettre en cause les logiques économiques actuelles, donc remettre en cause les décideurs. Ce n’est pas le code du travail qu’il faut réformer, mais le code du commerce, qui au passage, fait 300 pages de plus que le code du travail. Et c’est aussi le mythe de « l’entrepreneur » qui pour des raisons égoïstes de sa richesse, développerait une entreprise dans l’intérêt général. Toute l’histoire économique de la France montre au contraire que nos réussites industrielles viennent des grandes infrastructures publiques, des grandes entreprises publiques. Ce sont les politiques économiques qu’il faut mettre en cause, pour retrouver de grandes entreprises publiques qui répondent aux immenses besoins sociaux d’un développement harmonieux de la France .

A chaque citoyen – une fois qu’il a toutes les informations en main ! – de se faire son avis. Rendez-vous sur http://www.gouvernement.fr/loi-travail .

Myriam El Khomri

Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

Nous sommes bien d’accord, mais l’avantage d’Internet, c’est que nous sommes nombreux à pouvoir proposer des idées, des données, des arguments, des relectures… et que les travailleurs peuvent avoir les cartes en main…

La ministre se croyait enfin arriver à la notoriété, elle risque de retomber rapidement de son petit nuage… Pour cela, la vague de protestation numérique doit se transformer en mouvement social vivant et organisé… Le million de signature est en vue… A quand une grande manifestation nationale ? Rendez-vous sur http://lepcf.fr

[1le dernier en date étant ALSTOM Energie vendu à l’US General Electric qui annonce un plan de restructuration lourd avec des milliers de pertes d’emploi…

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