Dans cette situation, le discours de dénonciation des extrêmes renvoyés dos à dos est insupportable, alors même que ce sont depuis des décennies, les consensus des partis gouvernementaux qui ont détruit les repères, fragilisé les liens sociaux, tenté de faire accepter une violence économique et sociale sans précédents, une désindustrialisation massive qui a placé notre si riche pays dans une situation de sous-développement face à la crise du Covid, une métropolisation forcée faisant exploser les inégalités et les ségrégations, une précarisation de tout organisant la concurrence permanente de tous contre tous, pour le logement, pour l’emploi, pour les droits sociaux.
Oui, ce sont tous ceux qui nous disaient qu’il n’est pas d’autre politique possible, qui ont progressivement détruit cette France construite dans l’alliance et la confrontation entre gaullisme et communisme, une France inégale et coloniale, mais qui se voulait l’héritière de 1789 comme de 1936, eux qui avec la trahison du vote populaire de 2005 ont écrasé la démocratie elle-même.
Ils ont fait cette France où le patrimoine des 500 plus grandes fortunes est passé en dix ans de 200 à 1 200 milliards, autrement dit de 15 à 50% du PIB ! C’est une véritable saignée permanente de la France qui est imposée au profit des premiers de cordées de Macron. Qui peut encore accepter cette situation et refuser d’utiliser la fiscalité pour permettre de nouvelles politiques publiques ?
Et si personne ne s’étonne de voir l’extrême-droite construire son ascension dans la division du peuple en « eux et nous », utilisant le racisme et la xénophobie à peine masqués derrière la dédiabolisation, il faut dire la gravité des choix de gauche et de droite qui utilisent de fait le racisme pour criminaliser toute critique de la domination occidentale. Dans nos médias, on ne peut être pro-palestinien sans être antisémite, et un élu de cette assemblée peut confondre sur mes épaules le drapeau de la Palestine et celui du Hamas. De même, on a entendu un racisme anti-russe s’exprimer sans honte dans nos médias de gauche ou de droite, jusqu’à l’interdiction de compositeurs et danseurs russes, pendant que les préfectures expulsaient des migrants originaires du moyen-orient tout en installant des réfugiés ukrainiens. Si les sportifs US avaient été exclus à chaque guerre menée par les USA, il n’y aurait pas eu beaucoup de médailles pour le drapeau étoilé !
Ce deux poids deux mesures dans les politiques internationales et l’instrumentalisation de l’antisémitisme dans le débat public a été un terrible accélérateur de la crise politique et démocratique, comme de la dédiabolisation de l’extrême-droite, avec Marine Le Pen pour Manouchian au Pantheon, ou un laudateur des néonazis ukrainiens le 6 juin sur les plages du débarquement.
Brecht disait « le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, c’est son évolution par temps de crise ». En 2024, le temps n’est pas aux chemises noires dans les rues de Rome. La néofasciste Méloni a régularisé plus de sans-papiers que Macron, mais elle a été plus efficace que lui dans les attaques contre le droit du travail, les revenus sociaux, et on peut aujourd’hui travailler pour 4€ de l’heure en Italie.
Oui, l’extrême-droite peut être un gestionnaire loyal et efficace du capitalisme en crise, et quand partout la démocratie médiatique occidentale craque, les élites économiques et politiques constatent l’échec de leurs recompositions politiciennes. Ceux qui disaient en 1936 « plutôt Hitler que le Front Populaire » considèrent comme Bolloré et ses médias, que la démocratie est périmée.
Non, nous ne sommes pas confrontés à la folie des extrêmes politiques, mais à la folie d’un modèle de démocratie bourgeoise en faillite.
Non, le Front Populaire n’est pas un extrême réuni par la peur de l’extrême-droite. Les penseurs de la dissolution voulaient faire exploser la droite, c’est fait, et la gauche, c’est raté. Ce sont les extrémistes des marchés financiers.
Car traiter Mélenchon d’antisémite, c’est comme dénoncer Chirac comme raciste pour sa célèbre phrase sur le bruit et l’odeur, ou Mitterrand comme fasciste pour ses relations ambiguës avec Bousquet, ce n’est même pas de la mauvaise politique, et c’est dérisoire face à la crise démocratique que nous vivons.
Blum disait « Toute classe dirigeante qui ne peut maintenir sa cohésion qu’à la condition de ne pas agir, qui ne peut durer qu’à la condition de ne pas changer […] est condamnée à disparaître de l’histoire. »
Le nouveau Front Populaire est une chance pour retrouver la France, toute la France, pas seulement celle de gauche, mais comme en 1936, toute celle qui refuse la dérive fasciste, le Front Français pour le gouvernement de la France disaient ensemble Maurice Thorez et Léon Blum.
La France est une nation politique. Nous avons coupé la tête au roi, il ne peut y avoir d’unité de la couronne. Notre histoire sociale interdit l’unité de la réussite d’argent. Notre nation laïque, multiconfessionnelle et sécularisée ne peut plus avoir d’unité religieuse. La France se meurt du vide de construction politique nationale assumé par les pouvoirs successifs jusqu’à ce président Macron qui a cru diriger un conseil d’administration. Là est le danger du rassemblement national, qui propose un pouvoir fondé sur la division, mais qui s’inscrit dans une histoire politique française, celle de Thiers et de Pétain.
Maurice Thorez, au début du Front populaire disait clairement
« Le gouvernement issu de la victoire du Front populaire n’est pas le gouvernement des partisans du Front populaire, encore. moins le gouvernement d’un parti ; il est le gouvernement de la France »
Et quelques mois plus tard, il insistait
« Nous croyons possible le rapprochement avec la plus grosse partie des paysans et ouvriers qui ont encore voté, le 3 mai 1936, à plus de quatre millions pour les candidats opposés au Front populaire. »
Oui, il n’y a pas d’issue politique sans reconquérir des millions d’électeurs populaires du rassemblement national, sortir du pouvoir de la finance et redonner son pouvoir le plus large au peuple, sans reconstruire son unité défaite. Le nouveau Front Populaire est une réaction immédiate qui appelle à un effort de long terme pour refonder la république.
Victor Hugo disait « la Révolution et la République sont indivisibles ». C’est que chantait Ferrat évoquant la France du vieil Hugo tonnant de son exil, de Picasso tenant le monde au bout de sa palette, des lèvres d’Éluard dont s’envolent des colombes…
Qu’elle monte des mines, descende des collinesCelle qui chante en moi, la belle, la rebelleElle tient l’avenir, serré dans ses mains finesCelle de trente-six à soixante-huit chandellesMa France