Mais avant, une mise au propre de mon intervention dans la discussion…
Pour un accueil digne, organiser le combat commun contre les guerres et les inégalités !
Le débat sur l’accueil des « migrants » oppose le plus souvent la solidarité, l’humanisme à un « réalisme » résumé par la citation célèbre bien que tronquée « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». La présentation des flux migratoires mondiaux par Marie-Christine Vergiat a le grand défaut de s’inscrire dans cette opposition, considérant qu’il n’y a pas de problème de migration et que seule la politique d’accueil des gouvernements français est à l’origine des problèmes. Elle en vient presque à défendre la politique allemande de Merkel qui serait quand même meilleure, plus humaine.
Son analyse politique est fausse. Comme elle le montre pourtant elle-même, les migrations principales sont toutes conséquences des guerres, notamment en Syrie et en Ukraine. Mais surtout, cette analyse est dangereuse, car en niant la réalité que voient les habitants, elle laisse la place à la victoire idéologique de l’extrême-droite en laissant croire qu’il est normal que des milliards d’êtres humains migrent, sans jamais évoquer les conséquences pour la concurrence dans le logement, le travail, les aides sociales… ni les causes dans les guerres et les pauvretés.
En mêlant les migrations de tous ceux qui fuient les guerres, de tous ceux qui fuient les famines, avec les migrations de ceux qui cherchent fortune, rêvent d’ailleurs, ou ont eu la chance de trouver une opportunité d’emploi à l’étranger, elle construit un brouillard idéologique qui ne permet pas à notre peuple de comprendre ce qu’il vit, et dans ce brouillard, ne peut que grandir l’idéologie réactionnaire du chacun pour soi, et donc le racisme.
Par exemple, elle nous dit qu’il y a plus d’européens émigrés dans le monde que d’africains… et alors ? il y a aussi plus de chinois, mais un chinois qui vient en France aujourd’hui, c’est un touriste ou un investisseur ! Personne ne le considère comme un problème social et sa « différence » est sans difficulté digérée par l’échange culturel. De plus en plus de Français apprennent le chinois et s’intéresse à l’histoire de l’Asie, et de plus en plus de Français s’installent en Chine !
Tout le monde ne peut que confirmer qu’il y a un problème de l’accueil en France. Il suffit de se promener dans l’agglomération lyonnaise et de voir tous ces carrefours ou des familles syriennes mendient, ou des enfants de moins de 10 ans frappent aux vitres des véhicules, voir tant d’endroits ou des familles dorment dans des voitures, ou installent une petite tente la nuit…
J’ai raconté une anecdote de discussion sur un marché de Vénissieux. Je distribuais un tract qui dénonçait entre autres la loi asile et immigration, et une jeune femme me dit « mais on ne peut pas les accueillir tous »… Elle est visiblement d’origine du Maghreb, et m’explique dans la discussion que son mari est d’origine malienne et a rencontré dans Lyon deux mineurs migrants d’origine malienne. Ils les ont accueilli chez eux pendant plusieurs semaines. Contradiction ? Cette femme est simplement à l’image de notre peuple, mêlant à la fois une solidarité presque naturelle, et l’inquiétude devant des réfugiés et des migrants dont tout le monde sait qu’ils sont la conséquence d’un monde violent et injuste, mais dont on ne voit pas d’alternative.
Si les communistes n’expliquent pas les causes de ces flux de réfugiés et migrants, n’affirment pas qu’on peut sortir des guerres et des famines, il est impossible de faire gagner la solidarité contre l’inquiétude.
La première cause des migrations sont les guerres. Or justement, les pays dont a parlé M.C. Vergiat sont ceux ou l’occident, l’OTAN et donc la France, ont envoyé des armes, parfois des soldats, officiellement pour les droits de l’homme, mais en fait tout le monde le sait, pour des intérêts économiques et notamment énergétiques ! [2]
L’urgence pour faire cesser ces fuites dramatiques de milliers de personnes, c’est de faire cesser ces guerres, de mettre en cause l’OTAN et le bellicisme US, de respecter l’indépendance des peuples, et de cesser de vouloir imposer l’accès occidental au pétrole et au gaz par la soumission des pays producteurs ou sur le trajet du transport ! On ne peut pas se battre pour l’accueil des réfugiés en continuant à envoyer des armes pour alimenter les guerres que ces réfugiés fuient !
De même, on ne peut pas applaudir le capitalisme qui organise la mise en concurrence des travailleurs pour faire baisser les salaires et les droits sociaux ! Car c’est bien la fonction première de l’immigration dans le capitalisme. Les communistes doivent absolument éclairer cette dimension de classe des migrations, évidemment pas pour se battre contre les immigrés, mais au contraire pour se battre ensemble pour des droits pour tous !
Quand des routiers polonais sont envoyés faire rouler des camions à l’ouest et que des milliers d’emplois de chauffeurs-routiers sont supprimés en France, pendant que la Pologne fait venir des travailleurs ukrainiens qui acceptent d’être encore moins payé qu’un polonais en Pologne, qui peut défendre cette fausse « liberté de circulation » ?
Faut-il féliciter Merkel d’avoir accueilli un million de migrants notamment syriens sans rien dire du patronat allemand qui en avait besoin pour maintenir son volume de « travailleurs pauvres » ? L’Allemagne dont les médias n’ont cessé de vanter la réussite économique avait un grand besoin de cette « armée de réserves », ayant un chômage bas, étant le champion des « mini-jobs » et du temps partiel et donc des travailleurs pauvres… Avec un natalité très basse, elle continue à intégrer l’europe de l’Est dans son propre système économique, mais avait aussi besoin de travailleurs acceptant en Allemagne des bas salaires…
Traiter de l’immigration d’un seul point de vue « humaniste », c’est laisser la concurrence diviser ceux qui ont pourtant tout intérêt à s’unir. Maryam Madjidi donna de nombreux exemples de grands noms de la culture française qui étaient d’origine immigrée, ne citons que Aznavour pour la chanson ou Tristan Tzara pour le mouvement dada. J’ai complété avec l’exemple du grand dirigeant syndical Henri Krasucki. C’est un dirigeant historique du mouvement social, du mouvement communiste, de la France de l’après-guerre, et quand on parle de son rôle historique, on se fout de savoir qu’il était immigré et de quelle origine il était. Il faut le dire pour la vérité historique, pour mieux comprendre son histoire personnelle, mais la première chose à savoir d’ailleurs, c’est le rôle qu’il a pu joué dans les camps. La résistance en France est l’exemple du combat commun qui rassemble et unit quelque-soient les origines et les cultures.
Ce doit être l’apport des communistes au combat pour l’accueil des réfugiés et migrants. Il s’agit d’en faire non pas un combat pour les droits spécifiques de quelques-uns, mais un combat pour les droits de tous. On ne peut pas se battre pour des places d’accueils des migrants sans se battre pour le droit au logement pour tous. Comme le dira d’ailleurs Cédric Van Styvandael, on ne peut pas dire aux 70 000 demandeurs de logement social en attente dans la métropole de Lyon, parfois depuis des années, qu’ils doivent passer après les réfugiés qui viennent d’arriver ! De même, on ne peut pas demander un revenu social pour les migrants sans l’inscrire dans la bataille pour des milliers de français qui n’ont pas accès au droit, ou survivent avec un RSA qui ne permet pas de vivre ! On ne peut pas accepter de donner des emplois précaires encore plus mal payés pour les migrants, au moment où les travailleurs voient leurs droits reculer.
Nous devons tout faire pour inscrire la bataille pour les droits des migrants dans la bataille générale pour les droits de tous ! Ce que dit très bien la chanson de la chorale des sans papiers « des droits pour tous, tous les mêmes droits » !
Un poème sur l’exil qui ponctue le livre de Maryam Madjidi, entre la fuite de l’Iran et la découverte de la France.
Il était une fois
Un père, une mère et une fille Le père avait la forme d’une ombre se faufilant sur les murs La mère, le visage caché, portait une longue robe balayant la terre La fille, silhouette légère, avait les pieds suspendus dans l’air Et tous les trois gardaient un secret dans le creux de la main Sur leur paume, un mot était gravé, EXIL
La fille n’avait plus de jouets On raconte qu’elle les avait échangés contre les lettres de l’alphabet La mère n’avait plus de sourire On raconte qu’elle l’avait échangé contre une poignée de souvenirs Le père n’avait plus de jeunesse On raconte qu’il l’avait échangée contre quelques pièces de monnaie Et tous les trois peu à peu devenaient des étrangers
La terre se dérobait sans cesse sous les pieds de la fille La mémoire s’échappait sans cesse de la tête de la mère Les pièces manquaient toujours dans les mains du père Et tous les trois peu à peu perdaient le gout de la vie
Alors, la fille détourna ses yeux de la terre pour apprendre à voler La mère chassa la mémoire pour apprendre à oublier Le père ne compta plus ses sous pour apprendre à rêver Et tous les trois se mirent à rire
Leur rire résonnait si loin Qu’il pénétra jusque dans les oreilles de leur famille Leur rire résonnait si fort Qu’il fit trembler leur terre délaissée Leur rire résonnait si haut Qu’il réveilla leur mémoire engourdie Mais tous les trois, à force de rire, avaient les larmes aux yeux à présent
Et leur rire pourtant si beau pourtant si fort Résonnait comme résonnent les pleurs à présent Les pleurs D’un père, une ombre se faufilant sur les murs D’une mère, un visage caché portant une longue robe balayant la terre D’une fille, une silhouette légère aux pieds suspendus dans l’air Et tous les trois gardaient un secret dans le creux de la main Sur leur paume un mot était gravé : EXIL
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