Pour répondre à l’urgence climatique, il faut un grand service public et du nucléaire ! Enregistrer au format PDF

Contribution des élus communistes métropolitains
Jeudi 11 février 2021 — Dernier ajout vendredi 12 février 2021

Pendant la crise sanitaire économique et sociale qui nous bouscule, le réchauffement climatique se poursuit, 2020 aura encore battu des records. Mais les politiques publiques continuent de tenir des discours sur la « transition écologique » sans tirer de leçon de ce qu’il faut bien appeler l’échec de la loi de transition énergétique de 2015.

Cet échec était prévisible. La France a une électricité largement décarbonée, contrairement à l’Allemagne. La réduction des consommations fossiles en France concerne d’abord les transports, et exige donc le passage massif des camions au fret ferroviaire, de la voiture aux transports publics, ce qui conduit à une électrification des transports, donc à une hausse des consommations électriques contrairement à l’objectif démagogique de la loi.

Cette loi de 2015 consacre tous les efforts de la France aux énergies renouvelables électriques qui ont mobilisé plus de 100 milliards alors même que le fret ferroviaire était délaissé, que l’état laissait les collectivités se débrouiller pour les transports publics. Ce n’est pas l’urgence climatique qui a guidé cette loi, mais l’empressement à privatiser et marchandiser l’électricité, renforcé par des préoccupations électoralistes.

La centrale de Fessenheim est fermée, les investissements dans les renouvelables électriques se sont fortement accélérés, et l’impact carbone d’un Français a augmenté. En septembre dernier, il a fallu redémarrer des centrales au charbon, en janvier 2021, il a fallu fermer plusieurs grands sites industriels pour tenir l’équilibre du réseau électrique !

Les élus communistes et républicains de la métropole de Lyon affirment qu’il faut remettre en cause au plus vite la loi de 2015, la programmation pluriannuelle de l’énergie qui en découle, et ouvrir enfin un débat sur un autre mix énergétique, plus massivement décarboné, et qui doit orienter les efforts publics non vers l’électricité déjà décarbonée grâce au nucléaire, mais vers la réduction rapide des combustibles fossiles dans le chauffage et les transports.

Ce débat public est difficile dans un contexte le réduisant à un choix entre des techniques. De plus, de fausses informations l’obscurcissent. Ainsi, une majorité de Français pense que le nucléaire est émetteur de gaz à effet de serre, contrairement au photovoltaïque et à l’éolien. C’est faux. Les chiffres officiels de l’agence publique ADEME sont clairs. Le nucléaire est en France l’énergie électrique non fossile produisant le moins de carbone sur son cycle de vie complet, 6g par kwh, alors que l’éolien en produit 15g et le photovoltaïque 55g !

Car si on parle d’énergie renouvelable quand l’énergie primaire utilisée est renouvelable, vent ou soleil, l’éolien consomme beaucoup plus de béton et de métaux pour produire un kwh que le nucléaire. Sur leur cycle de vie complet, aucune énergie n’est totalement renouvelable ! Mieux, la recherche nucléaire a conduit à une filière avec recyclage de combustible, réduisant très fortement le besoin d’extraction minière et donc faisant pour une longue période du nucléaire une énergie plus renouvelable que l’éolien ! Dans ce domaine, les projets se multiplient partout, mais la France a abandonné le projet de recherche ASTRID !

Dans le monde, le nucléaire est en plein développement. Le GIEC en fait une des solutions nécessaires aux scénarios de limitation de la hausse des températures à 2°C [1]. Le scénario de référence de l’Agence internationale de l’énergie (+ 2 °C vers le milieu du siècle) projette une augmentation de la part du nucléaire dans le mix électrique mondial de 11 % aujourd’hui à 17 % en 2050.

Des militants du climat sont de plus en plus nombreux à prendre position pour le développement du nucléaire. Le photographe mondialement connu Yann-Arthus Bertrand, le parti vert de Finlande, une ancienne porte-parole britannique du mouvement Extinction Rebellion désormais directrice d’Environmental Progress. Thierry Caminel, ancien militant des Verts, coopérateur à EELV, membre de l’Institut Momentum affirme : « sans recours au nucléaire, la récession qui nous attend sera encore plus forte ». François-Marie BRÉON climatologue auteur du 5e rapport du GIEC nous dit "L’énergie nucléaire est une technologie mature pour produire une énergie de base à faible émission de CO2"

Oui, il est urgent de sortir des clivages du passé et d’ouvrir un débat d’avenir. Ce n’est pas un débat technique, mais un débat politique et citoyen sur le modèle de société que nous voulons, le modèle économique de l’énergie et la place du service public, et c’est le but de ce communiqué.

D’abord, il faut parler des besoins humains, sociaux. Si les ressources minières et les énergies fossiles sont évidemment limitées, la créativité humaine est sans limite ! La place de la recherche dans l’économie est en croissance continue et son impact est sans précédent dans tous les secteurs, de l’agriculture aux transports, de la culture à l’industrie. Le plus gros de notre cadre de vie était inconnu de nos grand-parents. Celui de nos petits-enfants nous est totalement inconnu.

Personne ne peut imposer aux pays les moins développés d’être contraints au sous-développement. Personne ne peut imposer à nos enfants un retour en arrière sur le droit au déplacement, à un logement de qualité, à l’accès à la culture sous toutes ses formes, l’accès à la communication, au tourisme.

Nous savons tous que la réindustrialisation de notre pays est une urgence économique et sociale, c’est aussi une urgence climatique car si l’impact carbone d’un français s’est dégradé depuis 10 ans, c’est d’abord le résultat des émissions importées !

Pour les élus communistes, les besoins humains continueront légitimement à augmenter partout, dans le monde comme en France, et le premier enjeu est de donner les moyens à la recherche fondamentale, technologique mais aussi en sciences humaines pour inventer les réponses décarbonées et démocratisées qu’ils nécessitent. Nous rejetons les discours des collapsologues qui poussent à une régression sociale et humaine qui serait la vraie catastrophe !

Il faut ensuite choisir un modèle économique de l’énergie et pour les élus communistes, cela repose d’abord sur le choix du service public. C’est une des leçons de l’échec de la transition énergétique actuelle qui repose sur la privatisation et la marchandisation de l’électricité. Chacun a pu voir les publicités « votre toit vous enrichit ». Le résultat est une catastrophe que les plus pauvres paient sur les factures électriques pour les rentes photovoltaïques des propriétaires ! C’est le scandale de l’éolien offshore dont chacun doit payer le cout de raccordement et dont les marges ont été dénoncées par la cour des comptes elle-même !

Pour le service public, il y a urgence. Depuis la privatisation de EDF engagée malheureusement par un gouvernement de gauche (Jospin), le service public de l’électricité est démonté pas à pas, et le projet actuel HERCULE vise à élargir l’entrée du privé dans le capital et à casser définitivement l’unité d’un groupe qui assurait par la péréquation du service public le droit à une électricité décarbonée et accessible pour tous. La mission d’un grand service public de l’énergie est de reconstruire ce droit, de cesser de faire payer aux usagers les marges et les rentes d’acteurs privés, de garantir la continuité du service public sans faire appel à des énergies fossiles.

La garantie de continuité du service public nécessite d’imposer dorénavant aux investissements dans des renouvelables électriques la prise en charge des investissements de stockage nécessaires pour compenser leur intermittence. Sinon, leur intermittence est compensée par du gaz et leur impact sur les émissions carbonées est alors totalement contraire à nos objectifs, et pousse de fait les émissions à la hausse.

Il faut faire le choix d’avenir d’un mix électrique avec nucléaire

Le nucléaire est un atout par l’existence de centrales amorties qui assurent aux français une des électricités les moins chères du monde. Leur durée de vie doit être prolongée après accord de l’autorité de sureté nucléaire. Les investissements nécessaires sont déjà pris en compte et intégrés dans le coût complet de l’électricité.

Le nucléaire est un atout par les innovations pour de nouvelles filières, les centrales flottantes, les minicentrales, les centrales à neutrons rapide qui permettent de recycler le combustible et donc de réduire très fortement les déchets, et aussi les filières à thorium qui suppriment tout risque d’accident. Il faut pour cela de toute urgence redonner les moyens à la recherche publique française, à nos filières industrielles qui avaient construit notre indépendance énergétique.

L’hydroélectricité est notre deuxième atout. Elle doit rester un bien public et de nouveaux projets peuvent être étudiés, tenant compte des graves inondations constatées dans le bassin de la Seine, de la Garonne…

Les énergies renouvelables intermittentes doivent être développées dans un cadre public associées systématiquement à des projets de stockage pour compenser leur intermittence. Elles doivent être exploitées, non en concurrence, mais en complémentarité des autres productions sur le seul critère de l’impact carbone total.

Dans le futur, d’autres solutions peuvent apparaitre, notamment la fusion qui serait une source inépuisable, non fossile et non fissile, sans déchets et sans autre pollutions que celles liées à la construction.

De même, des ruptures technologiques peuvent apparaitre sur des solutions de stockage qui feraient alors du photovoltaïque une énergie réellement décarbonée et non intermittente, d’autres rendant la filière hydrogène économiquement viables notamment dans les transports.

L’expérience nous conforte dans l’idée que la bonne stratégie est un mix énergétique dans lequel le nucléaire a une place importante mais qui ne peut être exclusive.

  • D’abord parce-que l’électricité n’est qu’un des vecteurs d’énergie et que si l’électrification des transports est un enjeu, il ne peut être total, l’avion électrique demanderait des innovations fortes qui restent encore futuristes.
  • Ensuite parce-que si nous avions de bonnes solutions de stockage, le photovoltaïque représente un potentiel infini, ce qui suppose par contre de le concevoir autour de grandes centrales publiques.
  • Enfin parce-que justement nous devons laisser la place à la créativité humaine et que nous devons inventer un système capable d’accueillir demain ces innovations.

Nous apportons cette contribution au débat public sans polémiques inutiles. Nous avons pris connaissance du communiqué des élus EELV de la métropole de Lyon qui demandent la fermeture de la centrale du Bugey. Nous les appelons à accepter un débat ouvert, centré sur l’intérêt général, et tenant compte de l’échec du modèle de transition énergétique qu’ils ont inspirés dans les gouvernements précédents. Il y a urgence contre la réforme HERCULE et pour reconstruire un grand service public de l’énergie

[1avec la captation du carbone qui est technologiquement beaucoup moins avancé

Voir en ligne : Le communiqué de presse présentant cette contribution

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