Marine Le Pen arrive à se présenter de gauche, dénonçant les restructurations industrielles, les souffrances des travailleurs, mais elle dénonce « le système » pour faire croire que ce sont les immigrés qui en seraient les premiers acteurs, elle dit défendre une France souveraine sans dire que ce sont les patrons Français qui organisent la concurrence « libre et non faussée » avec les travailleurs détachés, et bien entendu, personne ne lui fait remarquer que les élus FN à l’assemblée européenne ont voté le « secret des affaires », qui renforce le pouvoir des patrons pour restructurer comme ils le veulent… Mais Emmanuel Macron ne l’attaque qu’en dénonçant son histoire, son incompétence, pour ne pas avoir à dire qu’il est le continuateur des politiques économiques conduites par Sarkozy et Hollande…
Emmanuel Macron arrive à se présenter comme républicain, lui qui est le promoteur et le symbole de cette fracture des « deux France », celle qui gagne dans les métropoles et les couches aisées, et celle qui perd dans le monde du travail et rural. Il a été choisi pour sortir de l’impasse d’une alternance gauche-droite qui ne fonctionnait plus, mais c’est pour accélérer les réformes conduites parfois douloureusement sur les retraites (1995, 2009…), le droit du travail (lois Macron, El Khomri…). Il ira encore plus loin que Sarkozy en 2010 et Hollande en 2013 pour la réforme de l’état et des collectivités, réduisant encore ce qui reste de la république une et indivisible… Il serait le défenseur de la démocratie contre le fascisme mais annonce avec vigueur qu’il agira par ordonnance, et on peut entendre ses soutiens prévenir qu’il faudra annihiler toute résistance syndicale…
Ce piège est terrible car les contradictions qui ont mis au tapis Sarkozy, Juppé, Hollande ne sont que masquées par la réussite de l’opération « Macron-Le Pen ». Ils sont incapables de sortir de la fracture territoriale, incapables d’unir le peuple de France dans sa diversité, de reconstruire ce lien politique, républicain, social qui a toujours été la France chantée par Jean Ferrat, dans ses oppositions et ses contradictions, mais porteur de l’idée que l’intérêt général existe et que c’est la seule légitimité politique.
Il faut bien prendre acte de la fin d’une époque, celle de la reconstruction de la France après guerre dans le cadre établi par le conseil national de la résistance, et de la lente progression d’une union de la gauche qui devait changer la vie, a échouée ou trahie comme on voudra, et s’est terminée avec la décision de Hollande de passer à autre chose.
Comme le disait l’ancien ministre communiste Anicet Le Pors, citant Ernst Jünger, « Pendant la mue, le serpent est aveugle ». Dans cette période de recomposition accélérée, il faut le reconnaitre, personne ne sait bien où nous en sommes, où nous allons… On peut craindre que l’avenir soit plus violent encore, avec des extrême-droites et droites nationalistes en progrès partout, faisant comme en France le duo avec des droites « orléanistes », mondialistes, prêtes à défaire totalement ce qui reste de l’état social pour accélérer les flux financiers au profit des mêmes.
On peut espérer des colères populaires qui grandissent, qui bousculent ces duos médiatiquement organisés, mais on voit bien qu’elles ne peuvent qu’être confuses, partielles, sporadiques, avant que ne se reconstruise l’utopie d’une autre société.
Mais dans la pire des situations, il reste toujours l’histoire à construire. Rappelons-nous le chant des marais des déportés, ce chant qui part de la plus terrible des horreurs pour affirmer l’espérance de cette patrie qui est à nous, à l’opposé de la fausse patriote du racisme, et du faux républicain de la mondialisation :
Mais un jour dans notre vie, Le printemps refleurira Libre enfin, ô ma patrie, Je dirai tu es à moi.
Pour ma part, si bien entendu, je fais tout pour faire reculer le vote FN dans le monde du travail, dans les quartiers populaires, je sais que nous aurons surtout besoin de trouver des appuis dans les années de restructurations et recomposition qui viennent, des appuis d’abord pour résister aux mauvais coups, pour faire reculer les divisions, les fractures, et aussi pour commencer à reconstruire une issue politique du XXIe siècle pour que la France retrouve son histoire, faite de révolution et de république.
C’est d’abord une question de terrain, de lien social, donc d’organisation, d’association, d’action… Mais ce sera aussi l’enjeu des prochaines législatives.
Dans la 14e circonscription du Rhône, la situation est très ouverte.
- Depuis des années, nous faisons reculer le FN, contenu aux municipales dans sa version dure en 2014 et sa version « banalisée » en 2015, et maintenu en 2017 à son niveau de 2012 malgré sa progression nationale.
- La droite est en difficulté, éclatée entre un centre attiré par la recomposition macroniste et une sarkozie incertaine.
- Le député sortant a été obligé à quelques jours du premier tour d’officialiser son soutien à Emmanuel Macron, reconnaissant sa rupture avec l’électorat socialiste de gauche qui pouvait voter communiste aux municipales et socialistes aux élections nationales.
Si communistes, insoumis, socialistes attachés à la gauche, progressistes, républicains se rassemblent, le résultat peut être une surprise avec l’élection de Michèle Picard, une députée pour unir les deux France, comme elle unit les différentes couches sociales de sa ville, une députée pour affirmer qu’il existera un jour une nouvelle république, sociale, une et indivisible !
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