A gauche, le mensonge est dangereux, seule la vérité est révolutionnaire ! Enregistrer au format PDF

Quelle situation politique après les élections législatives ?
Mercredi 22 juin 2022

Le deuxième tour des élections législatives est passé, terminant une longue période électorale. On peut désormais ouvrir franchement le débat sur la base des résultats. Pour tous ceux qui espéraient un tournant à gauche après un mandat Macron au service des riches, le constat est brutal.

  • un record d’abstentions [1]
  • 89 députés RN, un record historique
  • seulement 131 [2] députés NUPES après avoir organisé une campagne pour élire Mélenchon à l’Elysée, avant de se limiter à viser une majorité relative et qu’on nous en promettait entre 160 et 200
  • les 3/4 de l’assemblée à droite ou à l’extrême-droite [3]

Au soir du deuxième tour des législatives, Mélenchon presque triomphant déclare qu’il n’a manqué que quelques voix pour avoir une majorité relative. De nombreux commentateurs à gauche ont cru pouvoir crier victoire parce-que Macron n’avait pas de majorité absolue…

Pourtant, le fait principal est là. La droite est très largement majoritaire et n’a donc que des problèmes d’égo pour construire une majorité inscrite dans le vote très majoritaire à droite des électeurs…

Pourquoi cette situation ?

On ne peut la comprendre sans faire la critique du discours politique construit depuis deux ans par Jean-Luc Mélenchon qui a rythmé toute cette période électorale depuis l’annonce isolée de sa candidature fin 2020, jouant à fonds de la présidentialisation de la 5e république jusqu’à transformer les 577 élections législatives en 3e tour de la présidentielle pour l’élire premier ministre…

Ses soutiens diront qu’il a été brillant dans la bataille médiatique. Brillant certes, mais efficace vu le résultat ? utile vu du peuple qui souffre ? utile pour reconstruire une gauche populaire ? Il faut bien reconnaitre que le résultat est très loin des espoirs qu’il a lui-même mis en scène dans ses discours.

Au risque d’être brutal, je pense qu’il y a une lecture moins brillante de ces deux années électorales. Mélenchon a menti avant, pendant et après les élections, et le résultat est un grand pas de plus à droite pour la France et une fracture politique plus grande à gauche avec les milieux populaires. Non seulement Mélenchon est en échec, mais il est en fait le problème de la gauche, une impasse, et sa persistance dans l’agitation médiatique au détriment de la construction populaire est dangereuse.

Mélenchon a menti avant l’élection

Depuis 2017, Jean-Luc Mélenchon dirige un mouvement sans élection interne, sans organisation départementale, sans responsables locaux. Quelques personnalités nationales existent à coté de lui, mais ce sont ses seuls messages qui sont relayés partout, repris dans de multiples réseaux.

Premier mensonge. « nous sommes le peuple ».

L’analyse électorale de la présidentielle montre au contraire à quel point Mélenchon divise le peuple, un peuple écartelé entre l’abstention majoritaire chez les ouvriers, la colère noire du vote RN majoritaire dans les périphéries, et un vote de gauche affaibli dans les agglomérations. Mélenchon est un champion de la communication. Il appelle son mouvement l’Union Populaire alors même qu’il sait très bien que sa base militante est implantée dans les couches moyennes urbaines éduquées. Et il dirige un mouvement sans congrès, sans organisation locale, sans démocratie interne. Depuis 2017, les « groupes d’appui » insoumis sont souvent en opposition, en concurrence pour les élections locales, et les désignations de candidature ressemblent à un congrès du parti socialiste… la guerre des courants. Cela exclut de fait toute implantation populaire de masse. Le « mouvement » n’est fait que pour l’élection présidentielle, loin de la formule consacrée de l’internationale « il n’est pas de sauveur suprême, producteurs sauvons-nous nous-mêmes ».

Deuxième mensonge « nous avons un programme de rupture ».

Le programme de l’AEC est un assemblage de toutes les contestations sociales et sociétales qui peut satisfaire tout ceux qui vont retrouver leur propre revendication. C’est l’objectif, fédérer les contestations. Mais dès qu’on demande comment ces revendications sont satisfaites, c’est le flou qui domine.

  • Oui à la retraite à 60 ans, mais avec combien de trimestres ?
  • Oui à la SECU à 100% mais financée par la CSG ou par les cotisations sociales ?
  • Oui à l’augmentation forte du SMIC, mais en brut avec les cotisations ou en net comme le propose souvent le patronat en réduisant les cotisations ?

Et parfois, des objectifs sont contradictoires selon le chapitre qu’on regarde.

  • Oui à la construction de 200 000 logements sociaux par an, mais le même programme limite la construction totale à 36 000 logements par an dans le scénario énergétique [4] ?
  • Oui à la relocalisation industrielle, mais en dehors des équipements d’énergie renouvelable et de la massification de l’isolation, que fait-on de l’acier, de la métallurgie, du ciment, du pétrole, de la chimie ? Faut-il comme le propose certains fermer toutes les usines polluantes ? Une usine sans pollution, ça n’existe pas ! Et de toute façon, la division par deux de la consommation énergétique globale interdit toute réindustrialisation d’ampleur…

En fait, c’est un programme qui peut sembler efficace électoralement, mais pas du tout un programme de rupture gouvernemental. Or une fois au gouvernement, la gauche fait face au « mur de l’argent » [5] et que c’est là que les choses sérieuses commencent et se finissent comme en 1983 avec le « tournant de la rigueur » ou comme en Grèce avec Tsipras et le « tournant du mémorandum européen », ou encore comme au Chili en 1973 avec le coup d’état fasciste.

Un programme de rupture doit clairement dire COMMENT il va prendre la main sur le système économique et financier, comment il peut surmonter le refus de la bourgeoisie de voire remis en cause ses privilèges.. Nationalisations ? Droits des travailleurs ? Remise en cause des traités européens… Coopérations technologiques et industrielles avec qui ? Ces questions sont absentes du programme de l’AEC car elles divisent en fait les forces sociales, les syndicats. On parle souvent du nucléaire, mais ce n’est qu’une question parmi de très nombreuses où il n’y a pas de consensus à gauche entre les partisans de la « sobriété heureuse » et ceux de la réponse aux besoins populaires.

Troisième mensonge : « je suis la gauche » Mélenchon a un grande expérience politique et peut dire parfois une chose et son contraire. Il a parfois dit que la gauche était un concept dépassé, remplacé par « le peuple », puis il a refait l’union de la gauche avec la Nupes. Peu importe. En décidant seul de sa candidature tout en appelant les autres à le rejoindre, il a dès le début fixé un cadre, « la gauche ne peut être représenté que par moi » et la médiatisation a fait le reste.

Mais la réalité c’est qu’après avoir écrasé toute la gauche à la présidentielle, ses députés représentent la moitié (45%) de la gauche à l’assemblée. Constatant son échec avec 20 députés de moins que le RN, il tente d’obtenir un groupe unique de la Nupes, se heurtant à la réalité, la gauche est divisée, profondément même, et elle est … très faible ! Contrairement à tous ses discours, la gauche n’est pas faible parce qu’elle est divisée, elle est faible parce qu’elle s’est éloignée des milieux populaires eux-mêmes divisés, et elle est divisée sur les causes de cette fracture et donc sur les politiques qui seraient nécessaire pour reconstruire…

Mélenchon a construit l’image d’une union populaire et le prospectus publicitaire d’un programme de rupture, mais ce n’est que de la communication et le retour brutal du réel laisse notre peuple désuni et dans la cacophonie idéologique.

Mélenchon a menti pendant l’élection

Il a d’abord dit que pour gagner, il fallait faire sortir des millions d’abstentionnistes. C’était surtout dans la première partie de campagne. Mais début 2022, progressivement, il a orienté ses efforts sur les autres forces de gauche, interrogeant la pertinence de leur candidature, notamment en interpellant brutalement Fabien Roussel pour son retrait. Il a progressivement centré sa campagne sur le « vote utile », qui serait la clé se son succès.

La vie a montré que c’était un mensonge, car cette bataille médiatique du vote utile fonctionnait bien sûr pour les trois premiers candidats. Autrement dit, plus Mélenchon « pompait » la gauche et grimpait dans les sondages, plus Marine Le Pen écrasait Zemmour et montait dans les sondages, et plus Macron écrasait Pécresse et montait dans les sondages… Autrement dit, c’était une tactique qui écrasait les petits candidats et faisait grimper les « grands » candidats. Compte tenu du rapport de forces global qui est toujours resté défavorable à la gauche, c’était un choix tactique perdant. Macron avait plus a gagné sur Pécresse, Le Pen avait plus a gagné sur Zemmour et aussi sur tous les anti-macron déterminés…

Mélenchon le savait très bien. Il savait que cela ne lui permettrait pas de faire reculer l’abstention, ni le vote RN, mais cela lui permettait d’être largement dominant à gauche… Il a choisi tactiquement son intérêt politicien plutôt que d’affronter l’abstention et le vote RN populaire pour tenter de compenser la faiblesse de la gauche.

Mélenchon a menti après l’élection

le 10 avril 2022 au soir, Mélenchon se souvient bien de son raté après le premier tour de 2017 quand il ne peut accepter le constat de son échec [6]. Il engage donc dès la soirée électorale la bataille médiatique pour détourner les questions militantes de sa personne et de sa stratégie. Il lui faut un coupable, il est tout trouvé, c’est d’abord Fabien Roussel et plus généralement les autres partis de gauche.

Pourtant, il suffit de regarder les chiffres pour comprendre que le troisième échec de Mélenchon n’a rien à voir avec le candidat communiste mais a des raisons sérieuses, historiques et directement liées à ses propres choix politiques.

  • Il n’a pas fait reculer l’abstention,
  • il n’a pas fait reculer la colère noire populaire des zones périphériques,
  • il n’a pas gagné le vote ouvrier qui reste très majoritairement abstentionniste,
  • enfin il n’a pas construit d’unité populaire, mettant en scène au contraire ce qui divise, cette « intersectionnalité » des combats minoritaires et parfois sectaires, à l’exemple de ceux qui dénoncent les mangeurs de viandes responsables de la crise alimentaire ou écologique…

Et il a mené une bataille politique acharnée et presque personnelle contre Fabien Roussel en jouant le jeu des contradictions internes au PCF. Il sait bien que Fabien Roussel est devenu dirigeant du PCF après un congrès mouvementé où la direction sortante a été mise en minorité, mais où le texte dominant n’avait qu’une majorité relative. Il connait bien tous les députés communistes qui pourraient être à la FI plutôt qu’au PCF et qui ne croient plus à l’autonomie du PCF. Certains qui l’avaient déjà soutenu à la présidentielle contre le candidat communiste, d’autres qui avaient soutenu « officiellement » Fabien Roussel, mais qui affirment dès le 11 avril qu’il faut partout des candidatures uniques aux législatives.

Résultat, Mélenchon impose la Nupes parce-que les députés et dirigeants communistes ont peur d’affronter un rapport de forces défavorables. Et ce sont les députés communistes qui sont quasi sûr d’être élus, ceux qui ont déjà un accord avec la FI, notamment ceux qui ont soutenu Mélenchon à la présidentielle, qui font pression pour l’accord Nupes dont ils n’ont pas besoin, alors que cela interdit aux communistes de mener campagne dans des circonscriptions gagnables comme celle de Vénissieux. Mélenchon exploite à fonds ses soutiens à l’intérieur du PCF et impose un accord injuste qui crée beaucoup de mécontentements, mais qui est tout à son avantage.

Mélenchon a menti pour les législatives

Il construit ce qui est pour toute analyse sérieuse un véritable délire politique « élisez-moi premier ministre » pour capter toute l’attention médiatique, centrer la bataille sur son nom, jouer à fonds la carte de cette 5e république présidentielle qu’il dénonce pourtant dans ses discours pour s’en servir en pratique, comme l’avait fait avec brio son maitre à penser, François Mitterrand.

Là aussi, il ment et ça commence à se voir, mais il persiste, montre qu’il pourrait passer un accord avec Macron, fait même des déclarations de « premier-ministrable », allant plus loin que Macron sur la guerre. La campagne législative se réduit à une campagne nationale, les candidats locaux n’ont pas de communication spécifique, tout vient d’en haut, piloté par l’équipe réduite autour du « grand homme ».

Et le résultat est là. C’était un mensonge énorme, une publicité mensongère pour être précis car s’il savait bien qu’il ne pouvait être premier ministre, l’annonce fait quand même parler de lui, les médias relaient, bref, la pub fonctionne.

Le résultat est une défaite pour la gauche qui, après un mandat de droite reste à un de ses plus bas niveau historique malgré la colère populaire contre Macron. Et le pire est que le plus grand groupe de gauche, celui de Mélenchon, a 20 députés de moins que le RN. C’est pourquoi Mélenchon tente un dernier coup, un dernier mensonge. Il faudrait un groupe unique Nupes pour être devant le RN et avoir la présidence de la commission des finances. Oublié l’accord Nupes qui devait garantir un groupe à chaque parti. Et surtout oublié le règlement de l’assemblée qui dit simplement que le président de la commission des finances est élu par l’assemblée parmi les groupes d’opposition. Aucune chance donc que ce soit un député RN, même avec un accord LR-RN…

Mélenchon s’est construit pour lui-même, il peut s’installer dans une fondation à sa mémoire, mais le mouvement populaire est à terre, à reconstruire. La première étape est de sortir de cette longue séquence Mélenchon qui n’est que la répétition sous forme de farce de la séquence Mitterrand dont il est le produit. Il faut dire la vérité de cette « nouvelle union » mélenchoniste qui n’est que la dernière mouture de l’union de la gauche initiée dans les années 1970. L’union populaire ne peut que se construire dans l’action, dans les entreprises et les quartiers, et cela suppose un immense effort militant, d’éducation populaire et d’organisation. Pour cela, il faut en finir avec les mensonges de Jean-Luc Mélenchon. Il faut inventer autre chose. Les communistes ont un rôle décisif à jouer s’ils choisissent toujours de dire la vérité à notre peuple, de faire le pari de l’éducation populaire, de l’engagement de terrain, même quand le rapport de forces est difficile.

[154%, 26 millions d’abstentionnistes plus 1,7 Millions de blancs ou nuls pour moins de 7 millions de voix NUPES et 8 millions pour Macron

[2131 Nupes + 22 divers gauche ou 133 Nupes + 20 divers gauche selon les décomptes

[3seulement 153 députés de gauche sur 577 soit 26,5% à gauche

[4ce qu’implique le scenario negawatt

[5comme le montre lui-même JLM dans son bilan raisonné de la présidence de Mitterrand

[6dont à l’époque il ne peut accuser les communistes qui n’avaient pas de candidat

Vos commentaires

  • Le 29 juin 2022 à 11:26, par Pierre-Alain En réponse à : A gauche, le mensonge est dangereux, seule la vérité est révolutionnaire !

    Précisions sur le nombre de députés de gauche historiquement Donnés Wikipedia en effectif des groupes politiques (donc incluant apparentés).

    1981 333 266 PS 44 PC é3 DG
    1988 300 275 PS 25 PC
    1993 80 57 PS, 23 PC,…
    1997 319 250 PS 36 PC , Divers 33
    2002 162 141 PS, 21 PC…
    2007 228 204 PS, 24 PC
    2012 343 295 PS, 18 V, 15 PC, 15 DG
    2017 64 31 PS, 17 FI, 16 PC.., à noter sur les députés LREM, 98 sont issues du PS, 24 divers gauche et 9 Verts
    2022 147 75 FI, 27 PS, 23 Verts, 22 PC

    pour avoir une idée précise du rapport de forces réel en 2022. 2022, c’est le plus petit nombre de députés de gauche après un mandat de droite…

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