congrès des élus communistes

le communisme municipal est-il une réponse à la crise du capitalisme ? Enregistrer au format PDF

Mardi 15 novembre 2022

Lors du 20e congrès de l’association des élus communistes et républicains, beaucoup de témoignages ont évoqué le « communisme municipal », ses outils d’éducation populaire qui ont permis à tant de citoyens, de militants, de se construire. Le nouveau président élu, Philippe Rio, meilleur maire du monde, a conclu en évoquant cet acquis historique des communistes dans la gestion des villes, leur apport à la décentralisation avec la loi fondamentale de 1982 et le statut des fonctionnaires de Anicet Le Pors. Il a appelé les maires à contribuer à la diplomatie des villes pour la paix.

Mais est-ce que le communisme municipal et la décentralisation peuvent être encore des réponses à la hauteur des crises que nous subissons ? La violence des oligarchies pour maintenir leur revenu malgré la crise en faisant le choix de la récession contre les salaires peut-elle être combattue au niveau local ? Peut-on faire reculer la stratégie du chaos imposé par la puissance militaire occidentale avec la diplomatie des villes ?

Dans son livre « le naufrage des civilisations », l’écrivain journaliste Amin Maalouf évoque le tournant de l’année 1979 avec des noms qui symbolisent des ruptures vers ce monde violent, inégal, chaotique que nous connaissons ; Khomeini, Thatcher, Reagan, Aldo Moro, Ben Laden. En France, nous vivions une victoire de l’union de la gauche qui mettait le peuple en liesse avant de découvrir avec douleur qu’elle n’allait pas changer la vie, au contraire, et que les inégalités allaient rapidement exploser. Il ne faut jamais oublier le monde !

Puis à la fin du siècle, la chute de l’URSS avait fait croire que l’histoire était finie, et que le capitalisme avait gagné la partie. Les USA seule puissance mondiale décidait de guerres et de blocus pour imposer partout leur superpuissance.

Mais les crises successives du capitalisme comme les échecs militaires US ont révélé un monde toujours marqué par l’histoire et les « luttes de classe »

  • des expériences politiques alternatives résistent (Cuba malgré le blocus), réussissent un développement extraordinaire (Chine), et innovent (Vietnam…)
  • les échecs militaires US conduisent à leur retrait (Afghanistan), au chaos (Irak, Libye, Syrie, Somalie…)
  • face au retour de l’inflation après les crises sanitaires, les banques centrales occidentales engagent une guerre dure contre les salaires

Et la question du changement de société revient dans l’actualité. Peut-on faire autrement ? Peut-on de nouveau rêver d’un autre monde ? Et peut-on localement peser sur cette situation mondiale ?

Oui, nous avons construit le communisme municipal !

Les communistes sont fiers de leur histoire municipale. Le communisme municipal ouvrait des théâtres, des restaurants d’enfants, des centres de vacances, des cinémas municipaux, des centres de santé… Ils ont montré, notamment avec Anicet Le Pors, leur capacité à organiser l’état au service de tous, à inventer des droits nouveaux pour des millions de fonctionnaires et d’usagers.

Mais leur action communale se construisait dans un rapport de forces global qui voyait progresser la part des salaires dans la valeur ajoutée. Le capitalisme en forte croissance dans un équilibre entre les blocs avait « de la marge ». On pouvait gagner de fortes augmentations de salaires comme en 1968. Les villes avaient une autonomie de décision et des ressources fiscales significatives.

Le mouvement populaire était riche de nombreuses organisations, militants, et les théâtres et les maisons de la culture se remplissaient de jeunes, d’ouvriers, de citoyens qui y passaient plus de temps que devant des écrans qui n’existaient qu’à peine.

Cette force du communisme municipal s’est diffusée dans de nombreuses villes, y compris de droite, qui ont créé elles aussi des équipements publics, des tarifs avec quotient familial…

Nous sommes dans une situation radicalement différente, et plus difficile pour les peuples, pour le mouvement social, pour les villes.

Le communisme municipal n’a pas pu résister à la crise du capitalisme

Cet énorme acquis du communisme municipal nous a permis longtemps de résister aux retournements des rapports de forces ; aux politiques d’austérité successives, aux privatisations cassant les services publics, à la métropolisation appauvrissant les territoires, et à la remise en cause continue de l’autonomie des communes et de leur capacités fiscales.

Mais ces acquis ont progressivement été mis en cause et une ville est aujourd’hui enserrée dans un cadre strict dépendant du préfet et de la métropole, sans ressources fiscales propres ou presque, face à une crise sociale qui fait exploser la concurrence entre habitants, entre territoires, dans un rapport de forces politique défavorable avec une gauche au plus bas, un mouvement social, syndical et associatif émietté et affaibli, dans une vie publique dominé par les écrans et les réseaux mondialisés.

Nous connaissons la traduction politique de cette « transition » depuis les années 70. Nous avons perdu des dizaines de villes symbole de ce communisme municipal. Si nous avons résisté, et quelquefois regagné, nous le faisons le plus souvent dans des majorités où les communistes sont affaiblis.

Quand la droite reprend une ville communiste, elle commence par mettre en cause ses acquis les plus symboliques, la maison du peuple, le soutien aux syndicats, à la culture. Et malheureusement, quand l’extrême-droite prend une ville, elle la garde, son maire se « banalisant » quitte à se présenter comme indépendant.

Il faut le dire en toute franchise. Le communisme municipal a démontré la capacité des communistes à innover et construire des réponses aux besoins sociaux et culturels dans une société capitaliste en croissance, mais il n’a pas permis de résister à la crise politique, à l’inversion du rapport de forces. Il ne permet plus de construire un rassemblement populaire majoritaire. Dans nos villes, l’abstention bat des records, et quelque soit les efforts remarquables fait pour développer la démocratie participative, la fracture politique s’est approfondie partout.

L’histoire du communisme municipal ne nous donne pas de réponse actuelle à la crise profonde de la démocratie en système capitaliste en crise, même au plan local.

Il faut faire le bilan de l’union de la gauche

Le communisme municipal est né dans des communes ouvrières, populaires, où la gauche était largement dominée par les communistes. Souvent d’ailleurs, il n’y avait pas de parti socialiste localement et les anciens protestaient quand on leur demandait de faire une place aux socialistes pour favoriser l’union de la gauche naissante.

Or, quel bilan faut-il tirer de cette union de la gauche qui a connu une victoire historique en 1981 ? Elle a gagné dans un recul marqué des communistes, concrétisant une inversion progressive du rapport de forces à gauche, même si les 4 millions de voix pour Georges Marchais nous paraisse aujourd’hui une force considérable.

Mais 40 ans plus tard, nous savons que cette gauche unie a trahi, qu’elle s’est progressivement, dès 1983, convertie aux exigences du capitalisme et de l’union européenne, jusqu’à battre des records de privatisation avec Jospin, puis se faire élire contre la finance avant de lui livrer l’état avec Hollande.

La fracture de la gauche avec les milieux populaires et le monde ouvrier en est le résultat profond, durable qui marque les résultats des élections récentes avec un peuple fracturé géographiquement et socialement, un quart d’abstention, dominante dans le monde ouvrier, un quart d’extrême-droite, moins d’un quart d’une gauche émiettée et incapable de s’unir sur un projet populaire.

Qu’est-ce qui est en cause dans cet échec historique ? Ce n’est pas l’ambition d’un rassemblement populaire majoritaire, il est indispensable à toute rupture politique. Mais c’est bien la construction d’une union de partis, en haut, électorale qui désarme le peuple et lui fait croire que le changement peut se faire sans lui ! Les anciens se rappellent. Plus nous vendions de programme commun dans toute la France, plus nos amis espéraient en l’élection, plus ils l’attendaient, plus ils se demandaient comment voter « utile » !

Et c’est ce qui s’est poursuivi avec le Front de Gauche, et aujourd’hui encore dans une nouvelle union de la gauche électorale, de sommet, au contenu dominé par les idées faussement consensuelles [1] qui, notamment sur les enjeux essentiels de l’environnement, font la part belle aux solutions du marché, cachées sous l’illusion des solutions locales.

Le 38e congrès du parti communiste a tiré un premier bilan de cette longue phase historique de l’union de la gauche et des suites du Front de Gauche, bilan qui s’applique parfaitement à la situation actuelle de l’accord législatif de la Nupes. Les communistes doivent réussir à favoriser à chaque fois un rassemblement populaire conscient dans lequel les idées communistes s’affichent pour elles-mêmes, en refusant toujours de le corseter dans des accords électoraux de sommet.

Se mettre à la hauteur historique de la crise du capitalisme mondialisé et du basculement du monde

Les élus communistes doivent dire la vérité aux habitants qui constatent l’affaiblissement des services publics, l’impossibilité de répondre aux urgences sociales globalement, même si tous les élus communistes arrivent à trouver pour certains habitants des solutions à des urgences, logement, sociales, mais pas pour la masse des demandeurs, des familles en difficultés. Il faut développer des trésors d’efforts et d’engagement de fonctionnaires pour « aller vers » les milliers de « non accès au droit » dans tous les domaines.

A la fin, les chiffres sont cruels. Dans nos propres communes, les inégalités se creusent, la pauvreté et la précarité s’étendent, et cela pèse lourd sur la vie sociale.

La violence du capitalisme dans la mise en cause accélérée des droits, la revanche imposée par les banques centrales pour en finir avec le « quoi qu’il en coute » et réduire massivement les salaires, les plans de suppressions d’emplois massives dans les grandes entreprises technologiques, tout indique que le capitalisme mondialisé va faire payer la crise qui se creuse depuis 2008 et que la fuite en avant de la planche à billets ne permet plus de gérer.

Mais le monde ne se réduit plus comme il y a un siècle aux capitalisme mondialisé s’affrontant dans le (re)partage du monde. Les pays du sud refusent de plus en plus de respecter l’extraterritorialité US, les relations sud sud se développent à grande vitesse réduisant année par année la place et la force du dollar.

Cela conduit à une fuite en avant militariste dans de nombreuses régions du monde, à commencer bien sûr par l’Ukraine. C’est la guerre mondiale qui nous menace. Nous avons besoin d’un mouvement de la paix à la hauteur de ce défi. Les relations internationales des communes doivent aider à faire converger les mouvements de refus de la guerre, de mise en cause des alliances militaires dont l’OTAN, d’exigence du désarmement nucléaire. La « diplomatie des villes » doit être mise au service du mouvement populaire pour la paix.

Pour refonder une gauche populaire, d’action, d’engagements dans un rassemblement populaire qui s’organise lui-même dans les entreprises et les quartiers, la force des idées communistes, des militants communistes organisés, des élus communistes est essentielle. Mais elle ne peut être utile au peuple sans porter dans chaque action ou revendication locale l’exigence d’un changement radical de société, au plan économique et social comme au plan politique et institutionnel.

Le renouveau d’un communisme municipal ne peut être une réussite locale dans un capitalisme dominant. Il doit devenir un outil pédagogique pour rompre avec les règles du marché capitaliste, démontrer la capacité de rassembler une majorité de notre peuple pour inventer une autre société. Il a besoin d’un parti communiste renforcé, ancré dans le monde du travail et les milieux populaires.

[1le plus souvent réformistes, social-démocrate comme le dit lui-même François Ruffin, le plus contestataire et rassembleur des députés insoumis

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